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Des milliers d’agriculteurs mobilisés en France, dont un millier qui bloquent des autoroutes autour de Paris: le monde agricole ne relâchait pas, lundi 29 janvier au soir, la pression sur le gouvernement qui promet de «nouvelles mesures» dès mardi après un premier volet jugé insuffisant. Tout autour de Paris, la circulation est perturbée avec des portions d’autoroutes fermées à quelques dizaines de kilomètres de la capitale, selon le site Sytadin. Paris elle-même n’est pas bloquée, ni le marché vital de Rungis (Val-de-Marne) et les aéroports parisiens. De «nouvelles mesures seront prises dès demain» en faveur des agriculteurs, a annoncé la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot à l’issue du Conseil des ministres. Le chef du gouvernement, Gabriel Attal, recevait lundi soir les présidents du premier syndicat agricole français FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA), en présence des ministres de l’Agriculture Marc Fesneau et de la Transition écologique Christophe Béchu. Selon une source policière, «un peu moins de 10.000 agriculteurs étaient mobilisés sur le terrain dans toute la France» le 29 janvier en fin d’après-midi, «avec près de 5.000 engins». «Les blocages autour de Paris comptent un millier d’agriculteurs et un peu plus de 500 engins», selon cette même source qui relève que «l’objectif de tenir jusqu’à vendredi est manifeste».

Didier Bouville

Le blocage par des agriculteurs de l’A64 à hauteur de Carbonne (Haute-Garonne) a été totalement levé et cet axe reliant Toulouse à Bayonne rouvert à la circulation à 15h25, a annoncé la préfecture dans un communiqué. «Comme ils s’y étaient engagés vendredi 26 janvier au soir à la suite des annonces de Monsieur le Premier ministre, Gabriel Attal, les agriculteurs ont libéré l’autoroute A64 au niveau de Carbonne, ce jour à 12h», a confirmé la préfecture de Haute-Garonne, après qu’un des porte-parole des agriculteurs sur place eut indiqué à l’AFP dans la matinée que leur barrage était «quasi-fini et dégagé». «Pierre-André Durand, préfet de la région Occitanie, préfet de la Haute-Garonne, salue l’esprit de responsabilité des agriculteurs, qui ont notamment procédé au nettoyage de la section d’autoroute qui était occupée», a ajouté le communiqué, précisant: «A 15h25, l’autoroute vient de rouvrir dans les deux sens». Le barrage de Carbonne, à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Toulouse, a été le premier du mouvement de colère des agriculteurs à se mettre en place il y a dix jours. «On a été entendu, on a eu quelques réponses, tout ne sera pas parfait de suite, on ne va pas changer l’agriculture française en cinq minutes sous un pont d’autoroute mais il me semble qu’on a été vraiment, vraiment entendus», a affirmé à l’AFP Joël Tournier, éleveur-céréalier mobilisé depuis le début sur ce barrage, avec son ami Jérôme Bayle, devenu une figure médiatique du mouvement.

Didier Bouville

«Dès lundi 29 janvier à 14h00 les agriculteurs des départements de l’Aisne, de l’Aube, de l’Eure, de l’Eure-et-Loir, d’l’Ile-de-France, de la Marne, du Nord, de l’Oise, du Pas-de-Calais, de la Seine-et-Marne, de la Seine-Maritime et de la Somme, membres du réseau FNSEA et Jeunes Agriculteurs du Grand Bassin Parisien entament un siège de la capitale pour une durée indéterminée», promettent les deux syndicats, qui représentent la majorité de la profession au niveau national. Les instances nationales des deux organisations n’ont pas encore tranché sur la suite du mouvement de colère de leur profession au niveau de l’ensemble du pays. «Tous les axes lourds menant à la capitale seront occupés par les agriculteurs», selon le mot d’ordre diffusé ce samedi 27 janvier au soir. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a appelé dimanche les agriculteurs au «calme et à la détermination» avant une «semaine de tous les dangers», prévenant que leur mobilisation restait «totale» malgré les annonces du Premier ministre Gabriel Attal. M. Rousseau, qui s’exprimait sur un barrage installé sur l’A16 près de Beauvais (Oise), a aussi exhorté le gouvernement à «aller beaucoup plus loin». «On appelle tout le monde au calme et à la détermination», a déclaré M. Rousseau, disant ne pas vouloir un drame comme celui de Pamiers (Ariège) où une agricultrice et sa fille ont été tuées mardi sur un barrage: «pas question qu’il y ait d’autres accidents». Mais il a aussi prévenu que la séquence qui s’ouvre était celle d’une «semaine de tous les dangers, soit parce que le gouvernement ne nous entend pas, soit parce que la colère sera telle qu’ensuite chacun prendra ses responsabilités».

Didier Bouville

Gérald Darmanin a annoncé le 28 janvier que 15.000 membres des forces de l’ordre seraient mobilisés le 29 janvier pour empêcher que les tracteurs entrent dans «Paris et les grandes villes», les blocages du marché de Rungis et des aéroports franciliens. S’exprimant à l’issue d’une réunion interministérielle de crise à laquelle a participé le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, le ministre de l’Intérieur a fait part en outre d’une «modération» demandée aux forces de l’ordre qui ne devront pas «intervenir sur les points de blocage» mais les «sécuriser». Le ministre de l’Intérieur a expliqué que le président Emmanuel Macron avait donné «pour consigne» de «garantir que les tracteurs ne se rendent pas à Paris et dans les grandes villes pour ne pas créer des difficultés extrêmement fortes». En Ile-de-France,  il a fait valoir qu’il fallait que le marché international de Rungis «puisse fonctionner ainsi que les aéroports parisiens d’Orly et de Roissy». Aux abords de Rungis et de l’aéroport de Roissy, des blindés de la gendarmerie ont pris place en début de soirée pour empêcher le blocage de leurs accès. La même consigne sera appliquée pour les aéroports de province et les grands marchés d’approvisionnement. Le ministre de l’Intérieur a dit s’attendre à «une semaine difficile».

Didier Bouville

Dans leur rapport présenté le 24 janvier en commission du développement durable, les députés de la mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles font le constat d’une «perte de la biodiversité» qui «menace la souveraineté alimentaire française et la pérennité de l’agriculture». Les rapporteurs Manon Meunier (LFI, Haute-Vienne) et Hubert Ott (Modem, Haut-Rhin) formulent 51 recommandations, dont la création d’un «fonds assurantiel mutualiste financé par l’industrie agro-chimique selon le principe pollueur-payeur» pour compenser les diminutions ou pertes de récolte associées à la conversion à l’agroécologie ou à la bio. Ils proposent de «promouvoir le label Biodiversité de la Fnab (producteurs bio)», qui vise à «compléter» le label AB (agriculture biologique) en valorisant les pratiques les plus favorables à la biodiversité, et de créer «un chèque alimentaire sous conditions de ressources» pour soutenir la consommation de produits bio. Enfin, ils préconisent de créer une aide pour «accompagner la conversion des éleveurs industriels vers l’élevage extensif et la culture de protéines végétales».

Eva DZ

Alors que la colère des agriculteurs gronde dans toute la France, la Fnab (producteurs bio) réitère, dans un communiqué, ses demandes de soutien pour «une revalorisation urgente du revenu agricole biologique». Elle demande «un nouveau plan d’urgence à la hauteur des pertes subies, à savoir plus de 250 M€ par an depuis deux ans», suite aux 94 M€ annoncés en deux vagues par le gouvernement. «Il faut continuer cette idée de sauver la bio (…) 60 millions d’euros, ça n’a pas suffi. Finalement, il en a fallu 94 M€ et il n’y a que 4000 fermes qui émargent, donc le compte n’y est pas», a déclaré le secrétaire national Aides de la Fnab, Loïc Madeline, lors d’une journée d’échange transpartisane à l’Assemblée nationale le 25 janvier. Le syndicat réitère aussi sa demande d’augmenter l’éco-régime bio à 145€/ha/an, soit le maximum permis par la PAC. Les producteurs ont par ailleurs besoin de soutien en matière de «connaissance du marché» et de «prospective» pour adapter leurs productions, a glissé le président de la Fnab Philippe Camburet. Il a évoqué d’autres manières dont l’État pourrait aider les producteurs dans la crise qui sévit depuis trois ans: faciliter le stockage et la transformation, prendre en charge la perte de valeur due au déclassement, prioriser l’achat de produits bio pour les circuits d’aide alimentaire.

Eva DZ

Le Premier ministre Gabriel Attal sera en déplacement vendredi 26 janvier pour faire «des propositions concrètes de mesures de simplification», a annoncé le ministère de l’agriculture à la presse le 25 janvier. Il serait attendu en Haute-Garonne, le département d’où est parti le mouvement il y a une semaine. Le chef du gouvernement sera accompagné du ministre de l’agriculture Marc Fesneau. Alors que les mobilisations des agriculteurs se poursuivent dans toute la France, M. Attal s’est entretenu ce matin avec Marc Fesneau, Bruno Le Maire (économie) et Christophe Béchu (transition écologique), afin «d’échanger et de consolider des réponses», notamment sur les dossiers «du GNR, de l’élevage et de la rémunération». Le 25 janvier, les agriculteurs ont organisé 77 points de blocage partout en France, selon la FNSEA.

Selon l’AFP, la FDSEA et les JA d’Île-de-France appellent, au «lancement du blocus de Paris» vendredi 26 janvier. Les syndicats demandent à leurs adhérents de se rassembler «sur les grands axes autour de la capitale», alors que parallèlement, le président de la FNSEA considérait une telle escalade comme un «dernier recours».

Eva DZ

La FNSEA et les JA ont réclamé le 24 janvier au soir des aides «immédiates» pour les agriculteurs et un allègement des contraintes environnementales, dans une liste détaillée de demandes adressée au gouvernement en pleine mobilisation de la profession dans toute la France. Alors que, selon des sources au sein de l’exécutif, le Premier ministre Gabriel Attal doit faire des premières annonces jeudi ou vendredi pour tenter de juguler une crise qui a pris encore davantage d’ampleur mercredi, la FNSEA et les JA ont listé 24 revendications dans leur document. Cela passera, selon les syndicats, par le fait d’«assurer un respect absolu des lois Egalim» de 2018 et 2021 sur le partage de la valeur entre acteurs de la chaîne alimentaire française, via «des contrôles renforcés sur tout le territoire». Sur la taxation du gazole non routier (GNR), les syndicats veulent «garantir la compensation intégrale pour tous (…) via la mise en place immédiate du crédit d’impôt et l’intégration dans le prix payé du montant actuellement remboursé», selon le document. Celui-ci exige aussi le «paiement de toutes les aides PAC immédiatement quelles que soient les raisons du non-paiement», ainsi que «le paiement dans les plus brefs délais de l’ensemble des indemnisations sanitaires et climatiques (…) dues par l’Etat» et leur défiscalisation. Sur les pesticides, il demandent notamment un «moratoire sur les interdictions». La liste mentionne aussi la nécessité d’«aider immédiatement les secteurs les plus en crise: viticulture et agriculture biologique», victime des pressions inflationnistes.

Didier Bouville

Dans le contexte de la grogne des agriculteurs, la FNPL (producteurs de lait, FNSEA) interpelle le ministre de l’économie Bruno Le Maire dans une lettre ouverte signée du 23 janvier sur le respect des lois Egalim dans le cadre des négociations commerciales annuelles entre industriels et distributeurs. «La FNPL ne cesse de déplorer depuis de longs mois un retour aux anciennes pratiques par les industriels et la distribution dans les processus de négociation. Donner aux producteurs les miettes des négociations commerciales : était-ce là votre but pour enrayer l’inflation ?», déclare le syndicat qui reproche à Bruno Le Maire d’avoir appelé à une «baisse des prix» dans les rayons en 2024. «Aujourd’hui, les mobilisations des agriculteurs résonnent sur l’ensemble du territoire. Il est urgent d’agir Monsieur le ministre», pressent les producteurs de lait. La FNPL déplore «de voir le terme des négociations commerciales approcher alors que certaines organisations de producteurs négocient encore avec leurs acheteurs». En outre, le syndicat demande que les résultats des contrôles opérés par la DGCCRF (répression des Fraudes) soient publiés par Bercy.

Eva DZ

Près d’une semaine après avoir débuté en Occitanie, la mobilisation des agriculteurs français s’est amplifiée le 24 janvier avec une multiplication des barrages routiers dans le pays pour obtenir des réponses du gouvernement, rapporte l’AFP. Dans le Sud-Ouest, des manifestants ont lancé un ballot de paille dans un restaurant McDonald’s à Agen, tandis que 200 tracteurs bloquaient la rocade de Bordeaux. Parti du Vaucluse mercredi matin, un convoi d’environ 70 tracteurs a remonté l’A7, rejoint par d’autres agriculteurs de la Drôme. Sur la N7, non loin de là, un groupe de manifestants a intercepté un camion espagnol transportant des légumes surgelés et ont vidé son contenu sur la route, a constaté l’AFP. En Bretagne, dans le Centre, les Hauts-de-France ou en Occitanie, des barrages continuent de perturber la circulation sur le réseau routier. À Domfront-en-Poiraie (Orne), tracteurs et éleveurs bloquaient l’usine de camembert Président du groupe Lactalis, accusé de «fouler au pied» les lois Egalim. L’exécutif a dit avoir «entendu l’appel» des agriculteurs et fera des annonces «dans les jours à venir», a indiqué la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, assurant qu’il n’était «pas question de venir empêcher» les blocages routiers. Elle a évoqué des pistes à l’étude sur la fiscalité du gazole non routier (GNR) et «les avances de trésorerie», ajoutant que le Premier ministre «s’est engagé à se rendre très rapidement sur le terrain».

Didier Bouville