Europe | Par La rédaction
Le 20 mars, tôt dans la matinée, l’Union européenne est parvenue à conclure un accord dont l’objectif est de plafonner les importations de certains produits ukrainiens, comme la volaille, le maïs ou encore l’avoine. La France a jugé ces mesures insuffisantes.
Les Etats membres de l’UE et le Parlement européen ont conclu un accord provisoire pour prolonger les mesures de libéralisation du commerce pour l’Ukraine © iStock-Alexandra Bykova
Les discussions ont été longues, âpres, parfois houleuses. Les représentants des États membres de l’Union européenne et le Parlement européen ont conclu, dans la nuit du 19 au 20 mars, un accord provisoire pour la prolongation des mesures de libéralisation du commerce pour l’Ukraine. Depuis le mois de juin 2022 et pour soutenir économiquement ce pays en guerre après son invasion par la Russie, une très grande partie des produits agricoles et alimentaires ukrainiens entrent sans droit de douane au sein de l’Union européenne. C’est ce qui a permis à Kiev de voir ses exportations bondir de 176 % entre 2021 et 2023. Or ces importations ont sérieusement déstabilisé les marchés intérieurs et le Parlement a voulu y mettre bon ordre.
Rien qu’en janvier 2024, ce sont un million de tonnes de blé tendre ukrainien qui ont été importées en Europe, ce qui représente le contingent annuel autorisé avant-guerre Après avoir instauré un mécanisme de stabilisation des volumes qui a permis le rétablissement des droits de douane sur la volaille, les œufs et le sucre, les Parlementaires ont étendu ce dispositif à l’avoine, au maïs, aux gruaux (mélange de grains dégermés) et au miel. Il se complète par un autre système appelé « freinage d’urgence », c’est-à-dire si le niveau des importations, sur ces denrées, dépasse les moyennes de 2022 et 2023. L’accord prévu que les autorités bruxelloises agissent « plus rapidement, dans un délai de 14 jours au lieu de 21 jours [comme prévu initialement] si les seuils de déclenchement des mécanismes de sauvegarde sont atteints ». Les députés ne sont pas non plus parvenus à élargir la période de référence pour les volumes à l’année 2021. Ils ne sont pas parvenus à inclure dans le premier dispositif (« stabilisation »), le blé et l’orge. Mais ceux-ci entrent en revanche dans le second (« freinage »).
Taxer les importations russes ?
Cette exclusion a suscité le mécontentement du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau qui a jugé les mesures prises « pas suffisantes ». Au micro de France Info, il a dit qu’il souhaitait « inclure plus de céréales » « Pour nous, l’accord n’est pas encore comme celui que nous souhaitions. […] Il y a un certain nombre d’avancées, mais elles ne sont pas suffisantes », a-t-il ajouté estimant qu’il faut trouver un « point d’équilibre entre la solidarité qui est nécessaire et en même temps, la nécessité que les marchés soient stabilisés au niveau européen ». La FNSEA et quelques-unes de ses associations spécialisées* ont, dans un communiqué du 21 mars, fait part de leur déception. Pour elles, « cet énième rebondissement n’est plus supportable ». Ces organisations agricoles entendent que les parlementaires poursuivent le travail engagé « pour protéger les agriculteurs français et européens des distorsions intenables générées par la libéralisation des échanges avec l’Ukraine. » La veille, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA avait clairement affirmé : « Cet accord ne nous convient pas. On comprend le combat et la nécessité de soutenir financièrement et économiquement l’Ukraine, mais pas sur le dos des agriculteurs », avait-il déclaré. L’accord du 20 mars doit encore être entériné par les Vingt-Sept et par les eurodéputés, en commissions puis en séance plénière fin avril, avant l’entrée en vigueur le 6 juin prochain. Parallèlement, la Commission travaille pour permettre aux produits agricoles ukrainiens de retrouver les parts de marchés qu’ils ont perdu en Afrique et au Moyen-Orient. La même Commission envisagerait par ailleurs de taxer quelques importations agricoles russes, dont le blé. Ce qu’elle s’est refusée d’imposer jusqu’à présent, par peur de déstabiliser la sécurité alimentaire mondiale, la Russie étant le premier exportateur mondial… de blé.
(*) AGPB (blé), AGPM (maïs), CFA (volailles), CGB (betteraves)
Pour le COPA : « un compromis faible »
Dans un communiqué commun avec les producteurs européens de blé, de maïs, de sucre et de volailles, le Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne (Copa) a qualifié l’accord du 20 mars de « compromis faible ». A l’image des syndicats français, l’organisation présidée par Christiane Lambert ne comprend pas l’exclusion du blé du dispositif approuvé par le trilogue. Pis. « L’inclusion du maïs est de la pure poudre aux yeux, car étant donné l’absence de contingents tarifaires antérieurs dans l’accord d’association, même si la moyenne de 2022/23 était atteinte, cela n’aurait aucun effet », explique le communiqué. Le Copa regrette aussi que les agriculteurs n’aient pas été écoutés et il craint que cet accord serve « très probablement de base à une nouvelle renégociation de l’accord d’association avec l’Ukraine », avec des seuils trop élevés.
La rédaction