Aveyron | National | Par Didier Bouville

Prix du beurre : «le bras de fer peut durer» [point de vue]

Prix du beurre : «le bras de fer peut durer» [point de vue]

La hausse du prix du beurre née fin 2016 continue sur sa lancée, sans effet notable sur le prix du lait payé au producteur. Le point de vue de Michaël Chavatte, président de la section bovins lait FDSEA Aveyron et de la FRPL Sud-Ouest (photo ci-contre).

– Pourquoi cette hausse du prix du beurre ?

«La note de conjoncture du CNIEL(1) dont ce propos est largement inspiré, est explicite. La matière grasse laitière a retrouvé ses lettres de noblesses dans le monde. La consommation de beurre en France a augmenté de 5 % entre 2013 et 2015, de 2,5 % à l’échelle mondiale sur la même période selon la FIL et la FAO. La demande mondiale et européenne en matière grasse laitière, sous forme de beurre ou de crème, a ainsi fortement augmenté au cours des dernières années. Les débouchés historiques se pérennisent et de nouveaux marchés (exemple de la Chine) se développent. De plus, la demande mondiale de fromages, en particulier de fromages ingrédients, a connu une forte hausse au cours des dernières années. La fabrication de fromage utilise à la fois la partie protéique et la matière grasse du lait. C’est pourquoi cette augmentation réduit ainsi les disponibilités en matière grasse laitière pour la fabrication de beurre ou de crème. Il faut préciser que les vaches laitières produisent moins de matière grasse depuis une dizaine d’années, du fait de la sélection animale imposée par le marché. Des pays en voie de développement ont le pouvoir d’achat des consommateurs qui progresse, avec plus d’achat de beurre notamment.

– La pénurie de beurre dans les magasins va t-elle durer ?

Cette pénurie est historique depuis la Seconde guerre mondiale. Elle nous met mal à l’aise. Les rayons de magasins sont vides et le prix de notre lait n’augmente pas. Il y a aujourd’hui un manque d’augmentation du prix d’achat de nos produits et non un manque de produit. Actuellement, les entreprises n’approvisionnent pas les rayons pour augmenter leurs prix de vente, pour ensuite mieux valoriser le prix du lait payé au producteur. Nous partageons cette logique-là, elle est positive pour le producteur si elle fonctionne ainsi. Mais cette pénurie est un bras de fer entre les entreprises et les distributeurs. En effet, les GMS doivent rogner leurs marges pour mieux valoriser le prix du lait payé au producteur. Les distributeurs devraient céder pour les fêtes de Noël. La pénurie s’arrêtera lorsque les GMS décideront d’augmenter leur prix, au-delà des 6 % constatés entre août 2016 et août 2017. De plus, les entreprises vendent très bien le beurre sur le marché européen et mondial. Si les distributeurs ne cèdent pas, la pénurie peut durer encore longtemps.

– Qu’attendent les producteurs laitiers ?

Nous attendons la concrétisation des Etats généraux de l’alimentation avec un vrai travail au sein de la filière, lors des réunions annoncées en novembre et décembre. L’interprofession doit retrouver son rôle fondamental. Les ordonnances seront signées par le Président de la République en début d’année. Elles pourront concrétiser le travail des filières en faveur d’une meilleure répartition de la valeur, avec un prix plus rémunérateur pour les producteurs, en tenant compte de leurs coûts de production.

– Quelle est la part du beurre dans la production laitière ?

Selon le CNIEL, en France 20 % du lait collecté est destiné à fabriquer du beurre, dont 9 % pour les plaquettes de beurre en GMS. Le prix de ce beurre pour le consommateur a peu évolué depuis 10 ans, ni à la baisse ni à la hausse. 11 % du lait est utilisé pour fabriquer du beurre à destination des industries agroalimentaires (boulangeries, biscuiteries notamment). C’est sur ce beurre destiné aux industriels que le prix augmente fortement.

– Pourquoi le prix du lait n’évolue-t-il pas aussi vite que celui du prix du beurre ?

Les stocks importants de poudre de lait écrémé pèsent actuellement sur le marché et freinent la remontée de son prix, retardant par répercussion la remontée du prix payé aux producteurs. Selon le CNIEL, c’est pour cela que le prix du lait, au départ, ne suit pas la même évolution que le prix du beurre pour l’industrie (qui concerne donc 11% du lait). La hausse du prix du beurre s’est toutefois répercutée en partie sur le prix du lait à la ferme. Ce dernier est en effet passé de 290€/1 000 litres, sur les huit premiers mois de 2016, à 328€/1 000 litres sur les huit premiers mois de 2017.

– Quel est votre sentiment global sur la situation ?

Aujourd’hui, il n’y a pas de pénurie de produit ! Mais il est impératatif que la filière laitière retrouve enfin un fonctionnement plus réactif avec un vrai partage de la valeur. Cette situation unique est une alerte pour nos dirigeants politiques et nos écologistes. Seule une agriculture de production sur l’ensemble de notre territoire, avec des producteurs bien rémunérés, pourra fournir une alimentation de qualité, avec des prix abordables pour les consommateurs».

Recueilli par Didier BOUVILLE

(1) Centre National Interprofessionnel de l’Economie Laitière.

Lire aussi dans la Volonté Paysanne datée du jeudi 2 novembre 2017.

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