National | Par Didier Bouville
A quelques semaines des élections européennes, Jean-Christophe Bureau, professeur à l’Inra et Agro Paris Tech, et Aurélie Trouvé, Maître de conférences en économie à AgroParisTech, rappellent l’importance de la PAC et les difficultés nouvelles auxquelles elle doit faire face, notamment la perte de sens et l’enjeu de maintenir un socle commun entre les Etats membres.
Essentielle à l’agriculture européenne, la Politique agricole commune a néanmoins perdu de son sens auprès des citoyens européens. « Historiquement, l’objectif était d’augmenter la production, avec la mise en place de prix garantis, ce qui a très bien fonctionné, et a rendu nécessaire la réforme de 1993 pour mettre fin aux excédents » explique Jean-Christophe Bureau, professeur chercheur à l’Inra et AgroParisTech et spécialiste des questions agricoles, à l’occasion d’un débat organisé le 7 mai par l’Association des journalistes de l’environnement (AJE), à Paris.
Mais aujourd’hui, « on ne voit plus la rationalité de la PAC actuelle », poursuit-il, en tout cas du point de vue social. Et la future réforme n’apporte rien de nouveau, si ce n’est « un objectif sur la qualité des aliments et sur la santé, mais qui pour l’instant ne recouvre rien de concret », explique de son côté Aurélie Trouvé, maître de conférences en Economie à AgroParisTech.
Pour les deux spécialistes, la proposition de réforme de la PAC, qui s’inscrit dans le cadre du futur budget européen 2020-2027, est particulièrement décevante, notamment car elle basée sur la subsidiarité. En effet, cette proposition de la Commission « repose sur l’idée que l’on va donner beaucoup plus de marges de manœuvre aux Etats membres », explique Aurélie Trouvé, dans une logique de résultats et non pas de moyens, mais comme la Commission n’a pas fixé d’indicateurs chiffrés, la mesure de l’atteinte de ces résultats sera difficile voire impossible, ajoute-t-elle.
Pour Jean-Christophe Bureau, la Commission a proposé le plus petit dénominateur commun face à l’ampleur des divergences entre Etats membres, mais la volonté de laisser chaque Etat mettre en place des plans stratégiques risque de conduire à des distorsions de concurrence et, au final, de se traduire par une course au moins-disant. Avec des conséquences sur les plans environnementaux et sociaux, ce qui ne permet pas de réconcilier les citoyens européens avec une politique dont ils peinent déjà à comprendre l’utilité.
Le budget en baisse de 15 % en euros constants est également inquiétant, surtout sur le deuxième pilier, qui verrait son budget diminuer de 27 % (contre 10 % pour le premier pilier). Un budget d’ailleurs loin d’être voté, puisque les divergences d’avis entre le Parlement, la Commission et le Conseil sont importantes.
Un accord serait envisageable au mieux en juillet 2020. Si certains choix peuvent paraitre regrettables, il ne faut pas non plus oublier « que la Commission subit une pression énorme en ce qui concerne la simplification », précise Jean-Christophe Bureau, ce qui explique aussi cette tentation de laisser plus de marge aux Etats membres.
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