Europe | Par La rédaction
La Commission européenne a présenté le 19 février sa Vision pour l’agriculture et l’alimentation, sa nouvelle feuille de route remplaçant la très décriée stratégie de la Ferme à la table. L’idée est désormais de «trouver des solutions pratiques dans le dialogue plutôt qu’imposer des objectifs simplistes et brutaux», résume le commissaire européen à l’agriculture Christophe Hansen.

Au premier rang de ses priorités : alléger la charge administrative. Un paquet de simplification de la PAC sera dévoilé dans les prochains mois et un autre, plus tard dans l’année, s’attaquera aux obligations (politique environnementale, sanitaire…). La PAC post-2027 devrait aussi prévoir une réforme de la conditionnalité, réservant davantage de place aux «incitations» aux pratiques les plus vertueuses, et réduisant la part des «obligations».
Autre objectif : mieux cibler les aides notamment vers les jeunes agriculteurs, les exploitations familiales, de polyculture-élevage et dans des zones soumises à contraintes naturelles. Christophe Hansen plaide pour la dégressivité et le plafonnement des aides sans remettre en cause les paiements à l’hectare. Ces propositions devraient être présentées en juillet, comme celles sur le futur cadre financier pluriannuel de l’UE. Bruxelles présentera aussi en 2025 des stratégies sur le renouvellement générationnel, une vision à long terme pour le secteur de l’élevage, une stratégie numérique de l’UE pour l’agriculture, ainsi qu’un observatoire européen des terres agricoles.
En revanche, ce texte définitif se montre moins ambitieux sur la réciprocité des normes. Bruxelles s’engage bien à ce que «les pesticides les plus dangereux interdits dans l’UE ne puissent pas être réintroduits dans l’UE par le biais de produits importés». Mais précise qu’une analyse d’impact sera lancée en 2025 pour examiner les conséquences «sur la position concurrentielle de l’UE et les implications internationales». Des modifications du cadre juridique seront proposées, à l’issue, si nécessaire. De même, la Commission évaluera «l’exportation de produits chimiques dangereux» sans s’engager, comme dans la version précédente, à en interdire les exportations.
Sur le bien-être animal, Bruxelles promet de veiller à ce que les futures propositions législatives appliquent les mêmes normes aux produits fabriqués dans l’UE et à ceux importés de pays tiers «dans le respect des règles de l’OMC et sur la base d’une analyse d’impact». Une task force sera créée pour les contrôles sur les importations. Anticipant de futures mesures de rétorsion commerciales, la Commission souhaite élaborer «un ambitieux filet de sécurité unitaire» afin de protéger le secteur agroalimentaire de l’UE «par tous les moyens disponibles, y compris dans le cadre de l’OMC ou d’instruments autonomes de l’UE tels que l’instrument anticoercition».
Dominique Fayel : «il faut un changement sur le fond»
Dominique Fayel, président du Groupe Viande bovine du COPA-COGECA a réagi sur cette «vision» : «elle amorce un virage dans la reconnaissance du rôle des agriculteurs, de la souveraineté agricole. L’acte de production est réhabilité non pas contre mais en parallèle à la durabilité. La réciprocité et «l’alignement normatif» entre produits en Europe et ceux importés sont mentionnés». Tout comme le rôle de l’élevage avec l’annonce d’une «stratégie» dédiée, l’importance de la transparence sur l’alimentation, l’étiquetage des pays d’origine ainsi que le lien avec les territoires et les traditions de même qu’une «alerte utile sur les produits ultra transformés».
Sur la PAC, l’essentiel du «dialogue stratégique» a été repris mais reste assez flou à ce stade notamment sur le «ciblage». A noter que la mention des zones à contraintes naturelles «à cibler». «L’investissement et l’innovation sont considérés comme des leviers pour la durabilité. Pas de rupture ouvertement affichée avec le Green deal, seulement un changement de méthode reconnu à ce stade.
Ce document affiche de bonnes intentions, à confirmer toutefois dans les décisions concrètes. La proposition pour la PAC est attendue pour l’automne, après le budget. Sur le budget justement le flou demeure : rien sur le niveau ou l’évolution n’est indiqué par la commission qui appelle tout de même les Etats membres à ouvrir la possibilité de ressources propres accruees dans un contexte de contributions contraintes. L’option affichée par la commission de fusionner des fonds de la PAC et ceux de la cohésion est plus qu’inquiétante.
Le rythme du chamboulement géopolitique en cours pourrait obliger la commission et les Etats membres à accélérer ce que l’on peut percevoir comme des évolutions du début de cette mandature. Un changement de ton ne suffit pas, il faut un changement sur le fond».
Plus globalement, les organisations et coopératives agricoles de l’UE (Copa-Cogeca) se félicitent de cette «remise à zéro pragmatique» et de ce «catalogue ambitieux de pistes de travail pour l’avenir» mais craignent le manque de fonds dans le prochain budget. Les jeunes agriculteurs européens (CEJA) encouragent les décideurs politiques à aller plus loin pour améliorer l’attractivité du secteur face à la question centrale du renouvellement des générations. A contrario, Via Campesina pointe «les profondes contradictions» du texte, soulignant à la fois «la volonté d’améliorer les prix payés aux agriculteurs» et les «fausses solutions» qui «détruiront les petits agriculteurs et empêcheront la nécessaire transition». Pour l’ONG Pan Europe, Bruxelles «laisse en suspens les revendications des citoyens visant à abandonner l’agriculture chimique». Les consommateurs européens (BEUC) estiment que «la Vision déçoit du côté de la demande» sans inclure d’élément sur les systèmes alimentaires durables. Toutefois, les engagements à revoir la législation sur le bien-être animal, à étendre l’étiquetage de l’origine et à renforcer la réciprocité des normes sont salués.
La rédaction