Aveyron | Par Eva DZ
Mercredi 17 décembre, en soirée, JA Aveyron avec le Groupe de Camboulazet et le soutien du Département organise une conférence «Prédation ou agriculture, va-t-il falloir choisir ?». Pour aborder les conséquences des attaques de loups et des dégâts occasionnés par les sangliers sur l’élevage et évoquer les solutions à apporter, le scientifique, Romain Lasseur, partagera son expertise en faune sauvage et espèces invasives.

Qui est Romain Lasseur ?
R. Lasseur : «De formation scientifique, je suis docteur en toxicologie. Je travaille sur les espèces invasives (moustiques, tiques, punaises de lit, frelon asiatique,…) et à ce titre, je dirige un groupe d’une cinquantaine de collaborateurs à Lyon, qui travaillent sur la gestion de ces espèces dont le processus d’installation est rapide. En outre, j’interviens comme expert au sein de commissions départemen-tales sur la faune sauvage.
En quoi consiste cette mission ?
R. Lasseur : Au sein de la commission internationale sur la faune sauvage, j’interviens en tant que scientifique. J’éclaire les débats entre les parties prenantes, j’apporte mon expertise, neutre et objective à partir des observations et chiffres du terrain, pour permettre à chacun de mieux comprendre les enjeux réels de la présence du loup, du sanglier dans nos territoires. J’amène de l’objectivité dans des discussions où l’émotion prédomine.
Justement ces observations terrain, dont l’évolution de population et le nombre d’individus, des espèces comme le loup, sont souvent controversées. Qu’en pensez-vous ?
R. Lasseur : En effet, les chiffres issus du réseau d’observateurs de l’OFB sur le niveau de population du loup sont remis en question par la profession agricole, qui estime qu’il ne reflète pas la réalité du terrain. De même les chiffres de population des sangliers livrés par les chasseurs sont rarement pris en compte. Ces deux espèces cristallisent les tensions d’où l’intérêt de regarder les faits d’un point de vue scientifique, de dépasser la posture idéologique, pour trouver des mesures de gestion efficaces et qui fassent consensus.
Comment trouver un consensus alors que les intérêts des uns et des autres semblent très éloignés ?
R. Lasseur : Il faut déjà bien comprendre que si nous voulons conserver un élevage et une agriculture autonome, qui assure la souveraineté alimentaire du pays, il faut donner à la profession des outils simples pour gérer l’évolu-tion des espèces qui perturbent leur activité. Le loup est toujours protégé par un cadre européen même s’il a été un peu allégé. Pour ce qui est du sanglier, malgré les 900 000 prélèvements, c’est une espèce qui peut envahir très vite les espaces par son taux de reproduction. Le monde de la chasse évoluant, avec de moins en moins de chasseurs, et un exercice de la chasse qui change. Les pratiques agricoles évoluant elles aussi vers une multiplicité des surfaces en maïs, une mécanisation plus importante, laissant moins de place à la petite faune… Les plans de chasse constituent un marché générant d’importantes sommes pour couvrir les dégâts et on n’arrive plus à réguler.
Le loup comme le sanglier ont leur place dans la nature mais elle ne doit pas se faire au détriment de l’activité agricole.
Quelles sont, à votre avis, les solutions pour une meilleure cohabitation ?
R. Lasseur : Je prône le rapprochement entre tous les acteurs concernés : agriculteurs, chasseurs, forestiers, associations de pro-tection de la nature… pour mettre en œuvre des mesures de gestion en commun. Que les agriculteurs soient associés au plan de chasse. Il faut de la concertation locale : la problématique locale doit être gérer par les instances locales. Et même si tous les acteurs ne sont pas d’accord, il faut pouvoir dis-cuter dans un climat apaisé, que soient compris et reconnus l’intérêt et le rôle de chacun.
Je peux prendre l’exemple de la commission faune sauvage de mon département, le Rhône, à laquelle je participe depuis 10 ans. Chez nous ça fonctionne bien à condition que tout le monde soit constructif. Tout ne peut pas être blanc ou noir. Les solutions doivent être trouvées ensemble.
Avez-vous quelques exemples à partager ?
R. Lasseur : Lors d’un séminaire de l’association nationale des chasseurs de grand gibier, j’ai dit que l’on ne pouvait pas gérer la surpopulation de sangliers par les conditions de tirs drastiques en place aujourd’hui. On a d’un côté, une surpopulation de sangliers, de l’autre, des lâchers de gibier qui coûtent 19 millions d’euros : ce n’est plus lisible, ni acceptable par la société, y compris par les agriculteurs.
Quel sera votre message lors de cette conférence ?
R. Lasseur : La concertation autour de mesures de gestion prises en commun par les différents acteurs concernés pour la problématique locale, notamment du sanglier, est l’une des solutions.
Au-delà, je pense qu’il est aussi primordial de travailler sur la bio-sécurité en élevage. Ce que nous faisons avec la profession vétérinaire et au sein du concept One Health (une seule santé). Autour d’un élevage, il y a un éco-système avec des espèces invasives (rongeurs, oiseaux, insectes, gibier…), des entrées majeures de pathogènes dont les élevages doivent se prémunir pour éviter de traiter ensuite les maladies.
Entre la prédation et l’agriculture il ne faut pas choisir. Les deux sont nécessaires, il faut composer avec mais pas une au détriment de l’autre. Les acteurs concernés doivent s’apporter mutuellement des solutions pour que les impacts soient moindres pour les deux parties».
Recueillis par Eva DZ


