National | Par Didier Bouville
L’institut de l’élevage organisait le 24 juin un webinaire sur «la viande bovine en Amérique du Nord : entre protectionnisme et politique de la canonnière, les enjeux sur les marchés intérieurs». Les rapports entre les Etats-Unis et l’Europe restent toujours très tendus.
«America First», négociations agressives sur le plan commercial, une Union européenne accusée de protectionnisme… le tableau que Sylvain Maestracci, conseiller pour les affaires agricoles à l’ambassade de France aux Etats-Unis, dresse des rapports entre l’Amérique du Nord et l’Union européenne sur le marché de la viande bovine est pour le moins interrogateur. Les Etats-Unis affichent clairement « leur volonté d’user des armes de politique commerciale pour défendre l’agriculture américaine», indique le conseiller qui précise : «Parce que l’Europe dispose de règles notamment techniques et sanitaires qui ne correspondent pas aux critères américains, elle est accusée de fermer ses marchés. C’est un des ‘irritants persistants’ entre les deux continents».
Les Etats-Unis sont d’autant plus amers, que le solde des échanges en produits agricoles et alimentaires est déficitaire. En effet, l’Union européenne a exporté aux Etats-Unis en 2019 pour 48,2 milliards d’euros (Mds€) de ces produits contre 23,5 Mds€ (importations). L’Europe a exporté plus de viande bovine (153 millions €) qu’elle n’en a importée (34,7 M€).
Bœuf de «haute qualité»
Surtout, le vieux contentieux «hormones» qui date de 1999 n’est pas encore un chapitre clos. En effet, à cette époque, l’Union européenne avait été sanctionnée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour avoir refusé d’importer de la viande hormonée des Etats-Unis. Ces derniers avaient boycotté, en particulier, le roquefort et les échalotes. En contrepartie, L’Europe s’était vu infliger des droits de douanes supplémentaires de l’ordre de 117 M€ par an.
Un mémorandum (le Memorandum of understanding) signé en 2009 gelait ces sanctions contre l’ouverture d’un quota de bœuf «de hautequalité», c’est-à-dire sans hormone. Sept ans plus tard, parce qu’ils perdaient des parts de marchés, les Américains, sous l’impulsion de l’administration Obama, le remettait en cause. Puis en juillet 2019, un autre accord était signé, après deux ans de négociation pour réserver une part importante (78 % d’ici 2026) pour le bœuf américain sans hormones.
«Biens critiques et stratégiques»
Et même si « les Américains n’ont pas appliqué les pénalités de 117 M€ depuis 2017 », souligne Sylvain Maestracci, ils n’entendent rien lâcher. Pour preuve, les forts soutiens conjoncturels dont l’agriculture bénéficie depuis 2018, et surtout le plan Covid-19 d’un montant global de 19 milliards de dollars américains (Mds$) dont 5 Mds$ pour soutenir la filière bovine. L’administration Trump voulait ainsi répondre à la fermeture des restaurants qui valorisait les pièces de découpe haut de gamme, mais également venir financièrement en aide à la vingtaine de gros abattoirs contraints de fermer leurs portes parce que le Covid s’y était déclaré et propagé.
Le président Trump a surtout, sur fond de campagne électorale, mobilisé un outil de défense nationale, le Defense Production Act, pour déclarer les viandes (bovine, porcine et de volaille) « biens critiques et stratégiques ». Ce qui se traduit, dans les faits, par le maintien en activité des abattoirs et des ateliers de découpe. Concrètement, 80 % de l’abattage et de la découpe est assuré, pour la filière bovine, par… quatre entreprises.
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