Aveyron | Par Eva DZ
Serge Franc ne voulait pas attendre que vienne l’âge de la retraite pour transmettre son exploitation. Sachant que ses deux enfants ont fait d’autres choix professionnels, l’éleveur laitier de La Terrisse s’est mis en quête d’un repreneur.
«Grâce au groupement d’employeurs de Jeune Montagne, les adhérents à la coopérative bénéficient d’un soutien de main d’œuvre salariée. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Baptiste Guibert», explique Serge. Ses parents sont eux aussi, producteurs de lait pour Jeune Montagne à Laguiole mais pour ce jeune homme de 23 ans qui a toujours voulu s’installer en lait («l’allaitant c’est pas pour moi !»), ce n’était pas possible de réaliser son projet sur la ferme familiale.

De belles pages à écrire
«Je me suis tourné vers le salariat. Sur les 70 fermes adhérentes de la coopérative, j’ai travaillé dans une quarantaine, toutes avec des modes d’élevage différents, des façons de fonctionner diverses, c’est une expérience très formatrice», raconte Baptiste. «Au détour d’un échange avec Serge, il m’a parlé de sa recherche d’un repreneur et je lui ai parlé de mon envie de m’installer… Nous sommes bien tombés tous les deux», sourit Baptiste. Même s’ils se connaissaient bien, ils ont pris chacun le temps de la réflexion et Baptiste a travaillé plus régulièrement chez Serge. Cet automne, ils ont démarré un CEFI pour 6 mois qui devrait les mener à une installation courant 2025.
Dès 2012, Serge avait commencé à anticiper cette possible transmission à un hors-cadre familial. Ses investissements se terminaient sur la ferme, il voulait «savoir quoi faire : avais-je envie de ré-investir ? De laisser faire ? Serais-je toujours capable de maintenir un système qui fonctionne bien jusqu’à la retraite ?». Apprentis, salariés, stagiaires, Serge a toujours eu l’envie d’impliquer des jeunes sur sa ferme : «il me fallait trouver la bonne personne» !
Il s’est donné les moyens de cette transmission. En EARL unipersonnelle, il a séparé les moyens de production (bâtiment, cheptel, matériel) du foncier dont il est propriétaire en quasi-totalité. «Nous sommes sur un secteur géographique l’Aubrac où le prix du foncier dépasse sa valeur agronomique et où la concurrence est rude. En séparant le foncier, je rendais plus facile la reprise. Sinon il aurait été compliqué de tout racheter pour un jeune», avance Serge qui a choisi de mettre en fermage ses terres pour Baptiste. «Il me semble plus logique que les moyens de production, comme le bâtiment soit la propriété du repreneur, pour qu’il puisse le faire évoluer. Mon ambition est de lui donner les moyens de faire son métier sereinement, de faire perdurer l’outil de travail, libre à lui de l’adapter comme il le souhaite».
Bien accompagnés
Ensemble Serge et Baptiste ont rencontré le Crédit Agricole, le CERFRANCE, la Chambre d’agriculture, la coopérative… pour construire ce projet de transmission. Le CEFI leur permet ainsi de démarrer une lactation ensemble pour «passer le témoin en douceur». «Le bénéfice est réciproque pour Baptiste à qui je peux transmettre mes 30 années d’expérience et pour moi qui vit cette transmission tout à fait sereinement», confie Serge. «Je serai là s’il a besoin mais ensuite ce sera son outil à lui».
Serge est confiant pour la suite : «Ce qui m’a plu chez Baptiste, c’est le bonhomme d’abord ! Il est bien entouré par sa famille, sa compagne, ce qui est très important dans une production avec l’astreinte quotidienne». Baptiste, lui, est sensible à l’accompagnement de Serge : «Je connaissais son sérieux, son élevage qui marche bien. C’est un éleveur très ouvert, conciliant. Et le fait d’adhérer à Jeune Montagne, une coopérative à taille humaine, qui offre des perspectives, de la stabilité, de la solidarité m’a rassuré», poursuit le jeune éleveur qui a déjà beaucoup de copains livreurs à la coop. Pour l’un comme pour l’autre, Jeune Montagne a joué tout son rôle dans cette «communauté de destins». «J’ai passé ma vie dans mon métier mais outre ma contribution, la meilleure trace que je peux laisser, c’est d’accompagner un jeune derrière moi et de lui donner la chance de faire vivre son outil, sa coopérative, son territoire».
Eva DZ