National | Par Actuagri
La Commission Bas-Carbone d’Axema, le syndicat des constructeurs de machines agricoles, a récemment présenté au Sénat le fruit de ses réflexions sur la décarbonation du secteur. Plusieurs scénarios sont avancés. Quel est le plus efficace/rentable ? Le moins coûteux ?

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Verra-t-on bientôt dans les champs des tracteurs électriques et des moissonneuses à hydrogène ? C’est en tout cas l’une des pistes explorées par Axema qui estime que le parc des machines agricoles représente aujourd’hui 2,5 % des émissions totales de gaz à effet de serre de la France. Toutes les politiques publiques mise en œuvre ces dernières années poussent à décarboner dans tous les secteurs : transports, énergie, agriculture, etc. L’objectif clairement affiché de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) est d’atteindre la neutralité carbone du pays, tous secteurs confondus, à l’horizon 2050. Mais l’objectif semble d’ores et déjà inatteignable si l’on en croit les spécialistes. «Sachant que les agriculteurs investissent en moyenne 5 milliards d’euros par an dans les machines motorisées, le surcoût de 77 à 149 Md€ à investir sur 25 ans, soit 3 à 6 milliards d’euros supplémentaires par an, pour atteindre une décarbonation de 43 %, semble difficilement réalisable», a indiqué Laurent de Buyer, ancien directeur général d’Axema.
Énergies fossiles
Dans le domaine du machinisme, l’idée est de pouvoir réduire l’empreinte carbone dès la construction mais aussi les motoristes sont aussi mis à contribution. Dans ce domaine des alternatives existent au Gasoil non routier (GNR). Axema en pointe six qu’il envisage d’emblée de combiner car aucune solution ne semble «viable» toute seule : l’électricité, le HVO (hydrotreated vegetable oil), le B100, l’e-fuel, le biogaz et l’hydrogène. Selon les scénarios «multiénergie» retenus, le surcoût s’étale de 10 Md€ à 150 Md€, pour une efficacité de décarbonation comprise entre 16 % et 40 %. Abandonner le GNR pour aller vers un avenir où l’hydrogène prédominerait (à 80 %) paraît le plus vertueux (40 % de décarbonation) mais aussi le plus coûteux (150 Md€), sachant de surcroît que les infrastructures sont aujourd’hui quasi-inexistantes et que la production d’hydrogène s’appuie pour la quasi-totalité sur des énergies fossiles… Une donnée ne manquera pas d’être réintroduite dans les calculs et qui disparaîtra quand 100 % de l’hydrogène sera produit avec des énergies renouvelables. Ce qui n’est pas pour demain… A l’autre extrémité du spectre, la moins coûteuse (10 Md€) et l’une des plus vertueuses (35 % décarbonation) serait de transformer le parc routier agricole en grande majorité (80 %) en HVO qui est produit principalement à partir de déchets et de résidus organiques (dont les huiles alimentaires usagées et les graisses animales). Le principal avantage de ce carburant est d’être compatible avec les moteurs existants, mais il se trouve très concurrencé par d’autres usages comme l’aviation.
Chemin de croix
Passer au tout électrique n’est envisageable que pour les «menus» travaux avec des machines légères. Les recharges sont nécessaires une à deux fois par jour, ce qui s’avère peu rentable. En plus de cette autonomie réduite il faut aussi compter sur la faible puissance des moteurs peu compatibles aujourd’hui avec des travaux agricoles longs et puissants. Mais comme la pile à combustible (Hydrogène) l’avantage de la décarbonation (95 %) n’est pas négligeable. Cependant le «rétrofit» (remplacement des moteurs thermiques par des moteurs électriques) reste coûteux entre 77 Md€ et 108 Md€ pour l’achat de batteries et les frais de remplacement. Aujourd’hui le parc agricole français contient environ 2,7 millions de machines motorisées dont plus d’1,15 million de tracteurs. Il faudra aussi tenir compte de la décarbonation de la construction car ces machines sont composées à 80 % d’acier… D’autant qu’il faudra, par un moyen ou un autre, essayer de «faire rentrer le coût de cette décarbonation dans la chaîne de valeurs (…)», a indiqué Olivier Dauger, administrateur et référent climat énergie carbone de la FNSEA. «Pour une baguette de pain, le coût de décarbonation c’est un centime et pour une bière deux centimes», a-t-il illustré. Si les agriculteurs et les constructeurs sont prêts à investir, le consommateur est-il prêt, en bout de chaîne, à en payer aussi le prix puisque que c’est une de ses demandes ? Pas si sûr. En attendant, cette décarbonation est «un vrai chemin de croix», a concédé un intervenant.
Christophe Soulard – Actuagri


