National | Par Elisa Llop
Confrontées à une hausse des charges qu’elles ne peuvent répercuter vers l’aval et d’une inflation de taxes et de réglementations imposées par les pouvoirs publics, les entreprises charcuterie traiteur perdent pied.
« La situation des entreprises françaises de charcuterie traiteur s’est aggravée en 2023 , selon la Banque de France », a rappelé le 26 novembre dernier Christiane Lambert présidente de la Fédération des entreprises françaises de charcuterie traiteur (Fict), qui fête cette année son centenaire. « Il n’est pas envisageable de voir la situation de ces entreprises continuer à se dégrader…C’est pourquoi, nous appelons le gouvernement et tous les acteurs de la filière porcine, et en premier lieu les distributeurs, à agir collectivement pour redonner aux entreprises de charcuterie des perspectives de redressement, en faveur d’une filière forte et durable », a-t-elle ajouté.
30 % des entreprises en négatif
Dans son étude 2024, la Banque de France dresse un tableau préoccupant de la situation économique et financière des entreprises. Pour la deuxième année consécutive en 2023, elles ne sont pas parvenues à répercuter suffisamment la forte augmentation des coûts de production : ceux du porc, + 43 % entre 2021 et 2024, de l’électricité + 48 %, des emballages plastiques, + 19 % pour la même période et celui de la main d’œuvre (+ 13 % en deux ans pour le Smic). Conséquence : leur taux de marge nette est en recul de 65 % en deux ans. Déjà très faible en 2022 (1,1 %), il s’affiche à 0,9 % en 2023, contre 2,6 % en 2021. Qui plus est, 30 % des entreprises enregistrent un résultat négatif en 2023 contre 25 % en 2022. Les premiers signaux de 2024 ne permettent pas d’espérer un rétablissement de la situation et montrent au contraire que la tendance négative se confirme. Dans le même temps, la Fict se plait à rappeler que le rayon charcuterie est le plus gros pourvoyeur de marges pour les distributeurs, à 8,2 % de marge nette en 2022, six fois plus élevé que la moyenne des rayons alimentaires, selon l’Observatoire des prix et des marges. La marge nette générée par le rayon charcuterie est ainsi passée de plus de 400 M€ à 600 M€ entre 2021 et 2022.
Commerce extérieur déficitaire
La dégradation de la situation économique des entreprises et de leur compétitivité n’est pas sans conséquence sur le commerce extérieur. La balance commerciale de la charcuterie qui était à l’équilibre en 2020 affiche un déficit de 900 M€ en 2023. Les exportations ont certes augmenté de 30 % l’année dernière, mais les importations ont été multipliées par quatre, observe la Fict. Et ce sont les Italiens et les Espagnols qui tirent pour l’essentiel leur épingle du jeu en s’implantant durablement sur le marché français.
La Fict accuse les contraintes environnementales, les directives européennes qui sont appliquées beaucoup plus strictement en France et la pression de la grande distribution d’être en grande partie responsable de cette situation. Et ce ne sont pas les intentions du gouvernement dans le projet de loi de Finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (baisse des allègements de charges, les taxations supplémentaires) qui vont arranger les choses. Sans parler des incertitudes liées aux prochaines négociations avec la grande distribution pour « passer », les hausses des coûts de production.
La rédaction
Les limites du Nutriscore
Même si elle ne remet pas en cause le Nutriscore et les recommandations santé d’une façon générale, Christiane Lambert en pointe néanmoins les faiblesses qu’il faudrait impérativement corriger. La charcuterie est le 2ème secteur avec le plus de références portant un Nutriscore. Et dans leur grande majorité les produits de charcuterie sont notés D ou E. Autrement dit le Nutriscore n’est pas favorable à la charcuterie. Or dans 83 % des cas ces produits sont consommés avec un accompagnement et peuvent parfaitement s’inscrire dans des recettes parfaitement équilibrées. Par exemple, une saucisse seule est notée E, mais associée à des lentilles, la recette est notée A. « Le Nutriscore devrait s’intéresser au produit que le consommateur consomme réellement et non au produit qu’il achète », estime Christiane Lambert. Aussi plaide-t-elle pour la mise en place d’ indicateurs fiables et incontestés au regard de la santé. La Fict s’est prononcée pour un Nutriscore « recette » qui permettrait de fournir une information plus pertinente au consommateur. Une lueur d’espoir, cette démarche a été acceptée par la Direction générale de la Santé.
Les charcuteries plébiscitées par les Français
Les charcuteries bénéficient d’une très bonne image, selon le baromètre Opened Mind 2024 pour la Fict. Les sondés lui accordent une note de 7,5 sur 10 en moyenne en 2024, un score stable par rapport aux précédentes éditions. 95 % des Français en consomment et 51 % plus d’une fois par semaine, une fréquence stable par rapport à 2002. Deux tiers des répondants comptent maintenir leur consommation. Quant aux attentes des Français en la matière, ils demandent à ce que les charcuteries soient exemptes de nitrites (54 %), qu’elles contiennent moins d’additifs (52 %) et moins de sel (47 %). Ils sont également attentifs à l’origine française (43 %), la bientraitance animale (41 %) et la réduction de l’impact environnemental et des emballages recyclés (20 %).