National | Par La rédaction

L’archéologie au service de l’agriculture

Récemment invité par le Cniel (interprofession laitière) à s’exprimer sur la domestication des animaux, Jean-Denis Vigne, archéologue, a laissé transparaître dans une conférence les connaissances que l’archéologie peut apporter à l’agriculture : comment celle-ci est apparue, la maîtrise du stockage, l’émergence de l’élevage, avec tous les progrès qu’il a induits dans les développements de la vie humaine.

© iStock-wjarek

La sédentarisation de l’homme, qui a entraîné l’apparition de l’agriculture puis celle de l’élevage, a été une étape clé des développements de l’aventure humaine sur la planète, a expliqué le professeur Jean-Denis Vigne, archéologue et naturaliste lors d’une récente rencontre du Cniel. Pour ce scientifique de renommée mondiale, directeur de recherche émérite au CNRS et directeur général délégué du Muséum national d’Histoire naturelle, la domestication des animaux, est un phénomène central à partir duquel l’élevage est devenu un enjeu économique, sanitaire, éthique et politique majeur. «Ces 15 000 dernières années, une transition climatique s’est produite, au cours de laquelle l’époque tardiglaciaire a cédé la place à l’holocène où nous sommes. De chasseurs-cueilleurs, les humains sont devenus agriculteurs et artisans, puis éleveurs», transformant peu à peu le milieu dans lequel ils vivent, a exposé Jean-Denis Vigne. La sédentarisation des communautés humaines, détectable au Proche-Orient vers 13 000 ans avant l’époque actuelle, a favorisé la transition vers l’agriculture, qui a émergé il y a 11 500 ans au Proche-Orient. L’élevage est apparu, lui, entre 10 000 et 9 000 ans avant l’époque actuelle. 

Transplantation des élevages

La domestication, clé de l’élevage, s’est répandue sur toute la planète, d’après une carte projetée par l’archéologue : la dinde au nord du Mexique, l’âne, le chat, la chèvre, le mouton, le porc et le bœuf au Proche-Orient, le lapin en France, le porc en Chine, le coq au Vietnam, le zébu en Inde, le cheval en Russie et le chameau en Asie Centrale. La domestication a permis la transplantation des élevages sur toute la planète. «Les animaux, une fois domestiqués, ont été adaptés à des pays qui ne les connaissaient pas. Ainsi le cochon, domestiqué en Égypte, a été diffusé à Taïwan, en Thaïlande, aux Philippines». La «valise néolithique» est partie du Proche-Orient, contenant blé, cochon, légumineuses, poteries. Grâce au développement de l’outillage, les habitants du Proche-Orient ont construit des villages en pierres. Dans le village, est situé un bâtiment communautaire qui est un lieu de stockage des céréales. Un indice de cette maîtrise du stockage des grains est la présence du chat, domestiqué pour chasser les souris, qui ont commencé à proliférer, a précisé Jean-Denis Vigne.

La vache fait tout

La domestication des bovins a enclenché un modèle de développement des sociétés humaines. Tant au néolithique qu’au XVIe siècle en Europe, «c’est la vache qui fait tout : elle transporte, laboure, ses déjections fertilisent les cultures, elle chauffe la maison, elle produit des veaux, du lait, et à partir du lait, des fromages». Ce modèle a rendu possible une mutation génétique chez l’homme : alors qu’il ne pouvait pas digérer le lactose, le système digestif humain s’est adapté à la consommation du lait grâce aux fromages. Tous ces progrès en cascade ont engendré la croissance démographique. «L’homo sapiens est une espèce invasive», a ironisé Jean-Denis Vigne. «Je plaide pour une agro-biodiversité», a-t-il lancé, en écho à diverses prises de position qu’il a déjà prises dans des tribunes de presse, condamnant les élevages démesurés et préconisant des exploitations «plus petites et respectueuses», ainsi que le bocage, «qui existe depuis plusieurs millénaires et qui joue un rôle considérable dans le maintien de la biodiversité».

La rédaction

Toutes les actualités

Sur le même sujet

Le Centre national interprofessionnel d’économie laitière (CNIEL) a publié fin avril son deuxième baromètre social. Comme en 2019, les éleveurs laitiers qu’il a interrogés restent partagés sur leur métier, oscillant entre d’un côté fierté et attachement et de l’autre inquiétude sur la pérennité du métier.«On peut voir dans cette étude le verre à moitié vide et aussi celui à moitié plein », résume à grands traits Noëlle Paolo, responsable des études au CNIEL. En effet, le baromètre qui a questionné 802 éleveurs entre août et septembre 2020, n’est pas aussi sombre que certains ont voulu le montrer. Certes, l’étude ne cache rien des difficultés rencontrées par les éleveurs, en termes de pénibilité du travail. Sur une échelle de 1 à…