Aveyron | Par La rédaction

L’agroforesterie dans les systèmes d’élevage : un potentiel multi-branches

Lors de la journée expert du 5 décembre organisée par l’EPAGE Viaur à Baraqueville, Fabien Liagre, chercheur à Agroof, a présenté un état des lieux de l’agroforesterie, ses utilisations principales, l’avancée des recherches et les multiples bienfaits et avantages que peut apporter l’agroforesterie aux agriculteurs la pratiquant.

Pluri-millénaire, l’agroforesterie n’en est pas moins aujourd’hui un secteur en plein développement ; c’est ce que montre Fabien Lagre au sein de la SCOP Agroof, un bureau d’études spécialisé en la matière, qui œuvre dans la recherche, la formation, le conseil et la mise en place de projet (de l’accompagnement au terrain). Ces dernières années, Agroof a conduit une soixantaine de projets de pilotage en France, concernant le bien-être et les performances zootechniques, la production prairiale, les arbres fourragers et litières. On retiendra notamment, pour ces projets de partenariats, PARASOL (Etude d’impact du microclimat agroforestier adulte en systèmes d’élevage ovin, de 2016 à 2018) et RAME (Systèmes agroforestiers à vocation fourragère, de 2021 à 2024). Pour compléter leurs recherches, Agroof cite également le projet parallèle territorial APACHE («Arbres pâturés par les chèvres», porté par Cap’Pradel et piloté par IDELE).


Agroof expose la situation : «la ressource fourragère tirée des arbres est encore peu étudiée et soulève des questions concernant l’éventail de leur valeur alimentaire, leur acceptabilité par les animaux et les itinéraires de production. Les études scientifiques s’intéressant à la valeur alimentaire des feuilles de ligneux (arbres, arbustes ou lianes) sont encore peu nombreuses en Europe. Les recherches ont surtout concerné des fourrages ligneux caractéristiques des systèmes pastoraux de la zone méditerranéenne, les zones tropicales. Le manque de références sur la valeur nutritive des essences d’arbre en milieu tempéré constitue un frein pour le développement de leur utilisation». En effet, à part sur le frêne, il existe très peu de projets développés de ce type en France.

Valeur fourragère des arbres

Dans ces études, les plantes ont été évaluées selon divers critères correspondant à des besoins et intérêts fourragers, mais aussi pratiques (entretien, durabilité…) pour l’agriculteur. On pourra compter sur la digestibilité des essences, les apports nutritifs, teneurs en minéraux, la facilité d’entretien…
«Pour citer quelques résultats, le mûrier offre une digestibilité très élevée ainsi qu’une richesse en protéines. Le frêne, la vigne et le robinier ne sont pas non plus négligeables. Le mûrier est également champion en apports nutritifs» commente Fabien Liagre. Concernant les teneurs en minéraux, des études sont toujours menées par l’INRAE. Pour l’heure, il en ressort que le magnésium et le calcium se retrouvent régulièrement en grande quantité dans la plupart des rations fourragères, ce qui offre un complément intéressant. Le frêne est particulièrement riche en ces deux minéraux favorisant la lactation.
Autre point à prendre en compte dans l’alimentation : la quantité de tanins ; divisés en plusieurs groupes, certains sont moins nocifs que d’autres, comme celui qui se trouve en grande quantité dans les fruits secs comme les glands, etc… Certains animaux particulièrement friands comme les chèvres, les porcs s’y sont plutôt adaptés.
«Il est intéressant de mélanger les rations, de diversifier, déjà pour varier les apports et bénéfices, mais aussi, de manière à avoir un effet de complémentarité en disposant de différents types de rations, tout au long de l’année. Certaines essences produisent 9 mois d’affilée», explique Fabien Liagre. La majorité de ces ressources complémentaires se trouvent cependant en été et automne.
Parmi les essences les plus intéressantes à exploiter pour un agriculteur, à tous points de vue : on retrouve mûrier blanc, aulne, saule, buis, sureau, figuier, prunellier, robinier, framboisier, tilleul, poirier, pommier, frêne, et diverses types de lianes et arbustes. Certains arbres fixent bien l’azote comme le robinier, les aulnes… Pour l’instant, la majorité des recherches porte sur des arbres tels que le mûrier, le peuplier, le frêne… Les calculs des rations fourragères précises et idéales sont donc toujours à l’étude. Pour les autres fruitiers sauvages, il n’y a pas beaucoup de résultats pour l’heure.

Ce que préfèrent les animaux

Le projet parallèle territorial APACHE instruit néanmoins sur le potentiel en apport nutritif et en production laitière dans la filière caprine. Les chercheurs ont testé et comparé 2 troupeaux de chèvres. Le premier était alimenté par des fourrages classiques (foin et luzerne) ; alors que le second était nourri de foin mais avec un apport périodique de feuilles de mûriers. L’expérience a été reconduite de façon similaire plusieurs années de suite. Sans surprises, la production laitière est la plus importante sur le troupeau bénéficiant d’un fourrage arboréen : en moyenne, on observe une augmentation d’0,5 litre de lait/jour/animal. On voit aussi une diminution de la teneur en azote dans l’urée des chèvres. Même constat au niveau butyreux (teneur en matière grasse) et pour le taux protéique. Des tests de rentabilité en matière grasse sur la production fromagère ont également été conduits. Dans le groupe nourri avec un apport de mûrier, le lait est plus riche en matière grasse, calcium etc.
De même, le rendement final fromager est de 2 kg de matière grasse de plus ; même chose pour des fromages frais et affinés. «En revanche, jusque-là, étonnamment, nous n’avons relevé aucune différence notable de goûts entre les fromages provenant des groupes différents. Après, il faut aussi garder en tête que leurs goûts dépendra en grande partie de la santé de la flore intestinale» poursuit Fabien Liagre. De même, les acides gras saturés (présents dans la châtaigne par exemple), semblent avoir un impact sur la qualité du lait et de la viande.
Du côté de l’appétence animale, les essences ne sont pas toutes appréciées équitablement. «D’après un début d’étude de l’INRAE, il semblerait que les arbres sont appétents en général. Il existe des techniques pour faire consommer aux animaux ces essences sous forme transformés, comme au Royaume-Uni avec le houx» conclut Fabien Liagre.

Les autres avantages de l’agroforesterie

Des services supplémentaires s’ajoutent aux apports fourragers, si la ration est en même temps une haie ou une rangée d’arbre, par exemple, constituant ainsi une clôture naturelle. Ici encore, mélanger les essences est particulièrement intéressant pour garder une haie fournie toute l’année. On ne dispose pas non plus de chiffres précis sur le nombre de ces dispositifs, qui peuvent se décliner en de multiples genres : taillis linéaires, trognes basses et hautes, haies fourragères plessées, alignements de bord…


Selon le type, ces pratiques agro-forestières permettent aussi de générer un revenu supplémentaire, découlant de la récolte en matière sèche (comestible ou non), des tailles, émondages, coupes, déchiquetage, de la transformation des végétaux en bois énergie, litières, etc. Selon une étude de rendement présentée par Agroof, en prenant l’exemple du mûrier en Ardèche, on pourrait espérer une production annuelle entre 1 et 3 tonnes de matière sèche par ha ; pour les haies, pour la région, on pourrait s’attendre à ramasser 1 tonne de matière sèche annuelle par ha de haies.

Les haies ou alignements d’arbres vont créer un microclimat selon leur orientation, mais aussi une protection contre le vent (si la haie est supérieure à 12 mètres de longueur). On a ainsi pu observer une différence de température, parfois jusqu’à 5° avec et sans l’ombre des haies. Un avantage certain lors des températures extrêmes ce qui contribue à atténuer le stress hydrique et thermique sur les animaux, qui impacte la production de lait (on peut ainsi perdre jusqu’à 1 400 litre de lait sur un troupeau en 1 mois), voire nuire à l’animal. Le stress impacte aussi les cultures ; le taux de protéines se révèle plus élevé sur les parcelles protégées. Encore une fois, tout est question d’équilibre : un surplus d’arbres par hectare peut donner des résultats très différents (et non voulus), comme une perte de rendement par exemple ; une moyenne entre 60 et 100 arbres par hectare sur une prairie est un bon compromis pour une production prairiale correcte (la prairie ne doit pas non plus rentrer en compétition de consommation de ressources avec les arbres).
Autre inconvénient si les arbres sont insuffisants dans une prairie l’été (en lien avec l’ombrage) : risque de stagnation du troupeau dans cette zone, détérioration des sols, création et propagation facilitée de maladies, sans compter, un peu plus d’insectes. Optimiser les déplacements, changements de sols de troupeaux via le pâturage tournant dynamique peut suffire.

Pour conclure, les autres bienfaits des haies et autres systèmes agro-forestiers dans les exploitations des agriculteurs : limiter les effets du ruissellement, de l’érosion, pour l’hygrométrie, la protection du bétail et des cultures.

Un maître-mot en agroforesterie : la patience. En effet, il faudra compter 2 ans, et bien plus, avant d’apercevoir les premiers rendus. Il faudra interdire le pâturage les premières années dans ces parcelles, le temps que les haies se développent.
La mise en pratique de ce système et son évolution dans le quotidien des agriculteurs sont toujours à l’étude. Il devrait bientôt être possible de répondre précisément sur les fréquences de pâturage des troupeaux dans les parcelles concernées. Mais il est conseillé de répartir la pression sur la parcelle (pâturage durant 2 jours au lieu de 2 semaines à la suite).

La matinée s’est clôturée par la présentation d’un sécateur hydraulique, un outil de taille d’une précision de coupe avancée et une technologie atypique sur le département.

Elisa Llop

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