Aveyron | Par Eva DZ

Jacky Salingardes, président de la FNEC «La filière caprine a toute sa place»

Eleveur caprin à Villefranche de Rouergue, Jacky Salingardes préside la fédération nationale des éleveurs de chèvres (FNEC) depuis 2006. Les 23 et 24 avril, il présidera sa dernière assemblée générale. Interview.

Jacky Salingardes, éleveur caprin à Villefranche de Rouergue, préside la FNEC depuis 2006.

Comment se porte la filière caprine en France ?
J. Salingardes : «Notre filière va bien ! Mais ça n’empêche pas quelques bémols !
Le premier et non des moindres, c’est la perte de volumes. En 3 ans, la baisse de production de lait de chèvre dépasse les 10% et pour 2025, elle affiche déjà -5% ! C’est un point négatif dans toutes les régions de production.
Et pourtant les laiteries sont en demande de lait… Je profiterai de l’assemblée générale pour lancer un appel aux installations !

Quelles sont les raisons de cette baisse de production ?
J. Salingardes : Comme toutes les autres, notre filière est marquée par le manque de renouvellement des générations. Moins de cheptels, moins de chèvres et donc moins de lait produit…
A cela s’ajoute aussi une mauvaise année de fourrages l’an passé. La matière première n’était pas de grande qualité pour faire du lait.

La filière caprine est plutôt porteuse en terme de rémunération des éleveurs. Qu’en est-il ?
J. Salingardes : La concurrence est forte entre les laiteries dans certaines régions, ce qui crée des tensions mais fait aussi monter un peu le prix. Pour autant cette augmentation n’est pas structurelle sur le prix du lait comme cela est inscrit dans la loi EGAlim. Si d’ici fin d’année, nous n’obtenons pas de hausse de prix, ce sera compliqué… Il faut sanctuariser ce prix au sein de la loi.

Quels sont justement les dossiers en cours pour la filière caprine ?
J. Salingardes : Comme je l’ai dit : l’accompagnement à l’installation d’ateliers durables, viables et vivables pour conforter les volumes de production.
Bien sûr, la valorisation du prix du lait pour couvrir les coûts de production et rémunérer les producteurs. Cela passe aussi par un gros travail de valorisation du chevreau dans nos élevages. Les chevreaux partent de nos fermes pour une misère malgré notre combat permanent pour construire une filière rémunératrice… Et ce manque de valorisation ne nous favorise pas face à la concurrence de l’agneau qui, lui, se vend bien ! Nous ne faisons pas le poids dans le choix des éleveurs qui se tournent davantage vers l’ovin… Nous devons retrouver de la valeur pour nos chevreaux si nous voulons faire perdurer notre filière.
La problématique de perte de production n’est pas propre à la France. En Espagne, aussi, par exemple, la production est en chute. Le lait de chèvre va devenir un produit rare…
L’ensemble de ces enjeux seront bien sûr abordés lors de notre assemblée générale.

Et pourtant, la consommation est au rendez-vous…
J. Salingardes : En effet ! De toute ma carrière de responsable, la filière caprine est la seule qui n’a jamais eu de consommation négative. Chaque année, la croissance oscille entre 1 et 3%, même pendant la crise sanitaire ! Et aujourd’hui encore, le fromage traditionnel (en buchette) correspond à la consommation. Il faut surfer sur cette force ! D’ailleurs, la table-ronde de notre assemblée générale portera sur l’adéquation entre l’évolution de l’élevage et les nouveaux modes de consommation.

Quel regard portez-vous sur la production caprine en Aveyron ?
J. Salingardes (il préside par ailleurs l’Organisation de producteurs caprins du Rouergue – livrant à Lactalis) : Notre filière est dynamique en Aveyron et j’espère qu’elle va continuer à se développer. Il y aurait la place de volumes et de production en plus. Notre souci, c’est la concurrence, de plus en plus forte, avec la production ovine, plus rémunératrice notamment sur le produit viande.

D’un point de vue personnel, vous présidez la FNEC depuis 19 ans. Que retenez-vous de ces deux décennies d’engagement ?
J. Salingardes : Les enjeux sont nombreux et pas simples à gérer… J’y ai été confronté à mes débuts et aujourd’hui encore mais pour des raisons qui ont changé ! Le collectif se perd et il faut sans cesse se mobiliser, être présent pour ne pas perdre la reconnaissance de notre filière. Nous sommes une petite fédération à l’échelle nationale, avec peu de moyens. Il faut savoir se faire entendre et je pense au fil des années, avoir fait du bon boulot !
Je citerai parmi les satisfactions, la mise en place de la prime à la chèvre, l’augmentation progressive du prix du lait, la création d’Interbev caprin, l’octroi de moyens pour l’interprofession caprine (ANICAP) que j’ai présidée pendant 14-15 ans. Et pour mon département, j’ai amené du litrage supplémentaire.
J’ai vécu aussi des moments difficiles, je pense par exemple à la faillite du GLAC, qui a généré des sur-stocks importants de lait… Un dossier très difficile. Je me souviens d’une manifestation en particulier, très dure à l’usine de Surgères…
Au long de ces années, j’ai croisé des personnes que je n’aurai jamais côtoyées sans cet engagement. Au milieu des autres filières, il faut faire sa place… Aujourd’hui parmi les associations spécialisées, la filière caprine compte, est reconnue. Mon élection au poste de secrétaire général à l’Institut de l’élevage depuis 8-9 ans, est une preuve de la reconnaissance de notre travail pour faire entendre la filière caprine. La tâche est d’autant plus délicate que notre filière se partage en parts égales entre les producteurs livrant les laiteries et les producteurs fermiers. Nos contraintes sont différentes, les besoins tout autant ! Il faut savoir défendre tout le monde, savoir rassembler.

L’Aveyron accueille pour la deuxième fois l’assemblée générale de la fédération nationale des éleveurs de chèvres. La dernière que vous présiderez. Que ressentez-vous ?
J. Salingardes : J’ai gardé une phrase de Xavier Beulin, qui m’a dit : il n’y a pas de petite filière. Tout au long de mon engagement, j’ai gardé cette phrase et je la transmets à celles et ceux qui prendront la suite. La filière caprine est dynamique, elle a, comme d’autres, de nombreux défis à relever. Bien sûr je suis très heureux d’accueillir cette assemblée générale, dans mon département. C’est une belle reconnaissance pour la filière caprine aveyronnaise. Ce sera une belle AG !».


Recueillis par Eva DZ

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