Aveyron | Par Eva DZ

Clément Conquet, Pisciculture d’Estaing : comme un poisson dans l’eau !

La pisciculture d’Estaing est une institution. Depuis les années 60, cette structure familiale sur la rivière Coussane, produit des truites très appréciées des amateurs. En 2023, Clément Conquet en a repris les rênes après une reconversion.

Clément Conquet est le 4ème pisciculteur à Estaing. Il a racheté l’entreprise en 2023 après avoir travaillé pendant quelques mois avec Gérard Aldebert qui lui a donné les clés à sa retraite. Ce salarié des travaux publics en Aveyron est originaire de Saint Pierre de Bessuéjouls, aux portes d’Espalion. «A 40 ans, j’ai eu envie de passer à autre chose, de m’installer à mon compte. J’ai eu l’opportunité grâce au dispositif Transition professionnelle de me reconvertir. J’ai d’abord pensé à la menuiserie et c’est là que j’ai rencontré un maçon qui avait refait les bassins de la pisciculture d’Estaing. Etant passionné de pêche je me suis dit : pourquoi pas !», confie Clément.

Clément Conquet a repris la pisciculture d’Estaing en 2023. Il a développé la truite fumée en plus des filets de truite frais.

Jamais loin du milieu agricole, le pisciculteur considère ce métier très proche de celui d’éleveur : «Mon troupeau est dans l’eau !», sourit-il. Et comme en élevage, l’attention est quotidienne, du lundi au dimanche et comme les étables et les bergeries, les bassins sont équipés de caméras pour surveiller à distance si besoin. Son activité est aussi soumise aux aléas, en particulier en période d’étiage. Et pourtant, c’est auprès de la CCI qu’il est reconnu… Pour s’installer il a bénéficié d’un prêt d’honneur agricole, par le biais d’Initiative Aveyron et avec le soutien du Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées. Et d’une aide du fonds européen des Affaires maritimes, via la Région, pour ses bassins. «Je n’étais pas éligible à l’aide jeune agriculteur. Heureusement ces soutiens ainsi que l’appui familial m’ont permis de démarrer», témoigne Clément.
C’est son prédécesseur, Gérard Aldebert qui l’a formé, ainsi que le petit cercle des pisciculteurs réunis au sein d’un comité interprofessionnel et d’un syndicat. «Nous sommes peu nombreux mais il y a des liens entre nous pour partager les infos et transmettre les connaissances», soulignant aussi l’appui des vétérinaires sur la santé des truites.

Très proche de l’élevage

«Il faut aimer avoir les pieds dans l’eau mais ça ne me gêne pas», lui qui a passé son enfance les pieds dans la rivière pour pêcher ! «C’est très plaisant d’entendre le bruit de l’eau !». Ce qui motive aussi Clément, c’est de proposer «de bons produits» et d’être au contact des clients : «Leur retour est très agréable, on sait pourquoi on travaille !», confie le pisciculteur présent chaque mardi au marché de Laissac et chaque vendredi au marché d’Espalion, en plus de son point de vente sur place. Ses produits sont également vendus dans les épiceries fines locales et les grandes surfaces de Laguiole à Saint Geniez, de Laissac à Saint Amans des Côts, de Rodez à Bozouls et Espalion, ainsi que chez les restaurateurs de Nasbinals à Rodez et pour la première fois à Paris, dans la brasserie de la famille Nayrac. Ses truites régalent aussi les collégiens d’Espalion et de Saint Amans des Côts !


Il lui tenait à cœur de pouvoir maîtriser son produit jusqu’au bout en transformant tout sur place. Il a donc repris l’activité de transformation de son prédécesseur en vendant des truites entières et en filet en frais. Et il y a mis sa pâte : il a ainsi obtenu un agrément UE pour son laboratoire de transformation. Il peut désormais proposer des produits sous vides, et a installé un fumoir pour développer des filets de truite fumées ainsi que des rillettes fumées en conserve. Et l’été sur les marchés de producteurs de pays d’Espalion, Valady et au marché nocturne d’Estaing, Clément propose des beignets de truite.

Une diversité de gamme

«Cette diversité dans la gamme me permet d’avoir une activité plus régulière dans l’année et notamment au moment des fêtes, même si les gens mangent aussi de la truite fumée l’été dans les salades !», sourit Clément. «Je veux être sûr de la qualité de mes produits, cet agrément UE est aussi une garantie pour mes clients, d’un produit avec une traçabilité, un suivi sanitaire et hygiène. C’est rassurant pour moi comme pour eux !», souligne Clément. Il vend également 2-3% de truites vivantes pour les pêcheurs amateurs.

Et pour la première fois cette année, Clément a inscrit ses produits au Concours général agricole à Paris, sous la marque Fabriqué en Aveyron. «Sans esprit de compétition mais pour voir si mes truites peuvent être appréciées au-delà du local !»

L’ensemble des produits de la pisciculture d’Estaing sont transformés sur place.

Recréer les conditions en rivière

Son site n’étant pas adapté à la reproduction, le pisciculteur achète ses alevins au poids de 50 g auprès d’importants pisciculteurs spécialisés à Angoulême ou près d’Aubenas. «Ma mission est de faire grossir ces alevins. J’utilise un aliment conventionnel réglementé, soumis à analyses ainsi qu’un aliment d’une gamme en AB parce que mon objectif est que mes truites soient bonnes !». En 6 mois, les poissons atteignent un poids de 220 g. «Je garde quelques têtes de lots. Je ne travaille qu’avec des truites stériles dont les chairs sont plus fermes», explique Clément qui est en réflexion sur la production d’œufs de truite, un produit très demandé. «Mais pour ce produit, je dois passer à la pasteurisation, ce qui veut dire agrandir le labo».

Vigilance sur les débits d’eau

L’une de ses limites reste aussi la production d’eau. «Mes truites sont élevées sur la Coussane, qui alimente mes quatre bassins. En période d’étiage, l’eau est restituée en totalité au pied de chaussée pour préserver la continuité écologique. Ma production est donc soumise à une autorisation de débit décrétée par arrêté préfectoral», explique le pisciculteur. Hors étiage, des prélèvements d’eau sont réalisés une fois par mois (deux fois par mois en période d’étiage) pour vérifier la qualité du rejet. Et un registre est tenu, vérifié par la Police de l’eau. «Je suis très vigilant sur la quantité de truites à l’achat, à mes stocks». Il veille à la température de l’eau, la tenue des bassins. Ils sont équipés d’aérateurs pour que l’eau soit bien oxygénée pour les truites. Il faut qu’elle circule toujours pour reproduire les mêmes conditions qu’en rivière. Depuis 2021, les bassins sont sous-couverts de toitures apportant de l’ombre et du confort aux poissons comme au pisciculteur ! Là aussi comme en rivière, cachées sous les branches des arbres, les truites sont également abritées. Et ces toits améliorent encore la qualité de l’eau.


Dans cette jeune activité, Clément se sent comme un poisson dans l’eau et même si les journées sont parfois très chargées, il ne reviendrait jamais en arrière. «J’espère pouvoir employer deux personnes à mi-temps et ainsi pouvoir aller pêcher avec mon fils !», conclut-il.

Eva DZ

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Amandine Bousquet est apicultrice. Après une reconversion professionnelle, elle s’est lancée avec passion, dans un milieu qu’il l’a toujours fascinée : les abeilles. Son miel, qu’elle produit «au plus près du terroir» a été à de multiples reprises médaillé au concours officiel départemental des miels à Baraqueville. Amandine Bousquet, apicultrice à la tête de la marque Aveyr’Honey, est très attachée au lien avec le terroir qui l’entoure. Sa marque «Aveyr’Honey» ne laisse pas indifférent, par l’humour qu’il dégage mais surtout par le lien indéfectible à l’environnement qui l’entoure. Quand, en 2020, Amandine Bousquet a fait le choix de quitter son emploi à l’usine Bosch, elle rêvait de se rapprocher d’un monde qui l’a toujours «fascinée» : «celui des petites bêtes,…