National | Par Didier Bouville
L’équilibre du marché ovin, français et européen, est menacé par la baisse attendue des importations de viandes britanniques et par les convoitises néozélandaises et australiennes.
Les sujets traités lors de la dernière conférence « Grand angle » organisée par l’Institut de l’élevage n’ont jamais autant été au cœur de l’actualité agricole. Le 14 mars dernier, la première édition consacrée à la filière ovine portait en grande partie sur le Brexit et les deux accords de libre-échange en cours de négociation entre d’une part l’Union européenne et l’Australie et d’autre part, la Nouvelle-Zélande et l’Union européenne. Mais elle s’est surtout déroulée le lendemain du vote du Parlement britannique qui a refusé, en l’état, l’accord politique sur le Brexit avec l’Union européenne. Or, les producteurs d’ovins français et européens savent qu’une partie de leur avenir se joue en ce moment.
Comme la France produit deux fois moins de viande qu’elle n’en consomme, elle en importe massivement dont 40 000 tonnes équivalent carcasse du Royaume-Uni (sources 2017). Si ce dernier est relégué au statut de pays tiers, les approvisionnements français et européens d’Outre-Manche seraient taxés et soumis à des contrôles de sécurité sanitaire. Le prix de carcasse serait majoré de 3-4 € par kilogramme. Toutefois, une nouvelle dévaluation de la livre sterling pourrait atténuer la hausse des prix. L’Union européenne n’aurait pas les moyens de réagir immédiatement en mettant sur le marché davantage de viande ovine produite sur le continent. A vingt-sept, elle ne pourvoirait plus à ses besoins qu’à hauteur de 80 % contre 88 % actuellement en comptant le Royaume-Uni.
Conséquences du Brexit
Sur les étals de la grande distribution, la gamme de produits disponibles serait profondément modifiée en France. Davantage de viande ovine importée d’Océanie, bon marché, pourrait concurrencée la production intérieure et mettre en péril de nombreux éleveurs, sans avoir la possibilité de se reconvertir. La production ovine est en effet présente dans les territoires agricoles très défavorisés où l’activité agricole est très difficile. Cette crainte est tout à fait justifiée. A ce jour, le contingent océanien de viande océanienne à droits nuls est partiellement rempli avec la Nouvelle Zélande (62 % des 228 000 tonnes équivalent carcasse allouées).
Si l’accord négocié entre le Royaume-Uni et l’Union européenne est finalement approuvé, les échanges commerciaux se dérouleraient comme à l’accoutumée de part d’autre de la Manche jusqu’à la fin de l’année 2020. Et ensuite, le Royaume-Uni aurait avec l’Union européenne, à peu près le même statut que celui de la Norvège actuellement. Toutefois, le Brexit impactera les relations commerciales entre l’Union européenne à Vingt-sept (UE 27) et le continent océanien. Les contingents tarifaires entre d’une part l’UE 27 et le Royaume-Uni, et d’autre part l’Australie et la Nouvelle Zélande sont répartis en fonction des expéditions de viande observées. Avec la Nouvelle Zélande, l’UE 27 reprend la moitié du Contingent de 228 000 téc et avec l’Australie 20 % des 19 000 téc importées.
Maintenir des mesures de protection
Les accords commerciaux actuellement en cours de négociation entre l’UE 27 et les deux pays océaniens reposeront sur ces nouveaux contingents, ce qui réduira d’emblée les opportunités commerciales des pays océaniens. Or, le marché européen est rémunérateur. Le coût de production du kilogramme de carcasse d’agneaux est de 4,9 € en Nouvelle Zélande et de 5,6 € en Australie contre 12,9 € en France dans les troupeaux de 750 brebis. « Aussi, il apparaît essentiel de maintenir des mesures de protection dans l’Union européenne afin d’éviter toute déstabilisation du marché », défend l’Idele, « sinon l’élevage ovin périclitera. Le marché européen offre des marges de développement important si la Chine ferme ses frontières aux importations de viande néozélandaise ».
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