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Dans une décision du 12 avril, le Conseil d’État français demande à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de préciser la notion d’«élevage industriel» mentionnée dans le règlement n°2021/1165 fixant la liste des produits utilisables en agriculture biologique. Ce texte européen interdit l’utilisation en bio d’engrais organiques en «provenance d’élevages industriels», sans en préciser la définition. Dans le détail, la plus haute juridiction administrative pose deux questions à la CJUE. D’abord, la notion d’«élevage industriel» est-elle «équivalente à celle d’élevage hors sol»? Et en cas de non-équivalence, quels critères permettent de qualifier un élevage d’industriel? Le verdict de la CJUE permettra au Conseil d’État de trancher un litige opposant depuis 2020 l’Afaia (fabricants de fertilisants organiques) et l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité). Dans son guide de lecture (version mise à jour le 1er janvier 2022, point 192), l’organisme public considère comme industriels les élevages «en système caillebotis ou grilles intégral» et en cages. Autre condition: qu’ils dépassent les seuils mentionnés dans la directive 2011/92/UE (85 000 places de poulets, 60 000 places de poules, 3000 places de porcs charcutiers, 900 places de truies). L’Afaia conteste cette définition, estimant que la réglementation européenne vise les seuls élevages hors sol. Une notion là aussi non définie et reprise dans certaines traductions du règlement n°2021/1165 (versions danoise, néerlandaise, portugaise).

Didier Bouville

La Pologne et la Hongrie ont décidé, le 15 avril, d’interdire les importations de céréales et d’autres produits agricoles depuis l’Ukraine voisine pour protéger leurs propres agriculteurs, selon des responsables des deux pays. Les céréales ukrainiennes destinées à des pays étrangers transitent par l’Union européenne depuis que l’itinéraire traditionnel d’exportation via la Mer Noire est bloqué par l’invasion russe. Mais, en raison de problèmes logistiques, des stocks de céréales s’entassent en Pologne, faisant chuter les prix locaux, ce qui a conduit à des manifestations d’agriculteurs et à la démission du ministre polonais de l’Agriculture. «Aujourd’hui (samedi), le gouvernement a décidé d’interdire l’entrée, les importations de céréales en Pologne ainsi que de dizaines d’autres produits agroalimentaires», a déclaré le chef du parti au pouvoir, Jaroslaw Kaczynski, dans le village de Lyse, dans le nord de la Pologne. Le ministère ukrainien de la Politique agricole a dit «regretter la décision de son homologue polonais», et proposé que les deux pays trouvent un accord au cours des prochains jours de nature à mutuellement les satisfaire. Dans un mouvement similaire à celui de la Pologne, le ministre hongrois de l’Agriculture, a indiqué dans un message sur Facebook que son pays avait interdit l’importation de produits agricoles en provenance d’Ukraine. Pologne et Hongrie ont indiqué que leurs interdictions étaient valables jusqu’au 30 juin.

Didier Bouville

Pointant les restrictions occidentales visant son secteur agricole, la Russie a appelé le 13 avril à les lever, sous peine de mettre fin le 18 mai à l’accord d’Istanbul relatif aux exportations de céréales ukrainiennes en mer Noire (conclu en juillet 2022). En raison de ces sanctions qui empêchent la mise en œuvre formelle du second accord relatif à l’exportation des engrais russes, conclu également en juillet 2022, Moscou avait proposé le 18 mars de proroger l’accord pour 60 jours, plutôt que la reconduction tacite initialement convenue de 120 jours. Dans un communiqué, Moscou a mis en avant cinq exigences, dont la reconnexion au système bancaire international Swift de la banque russe spécialisée dans l’agriculture Rosselkhozbank, la reprise des livraisons en Russie d’engins et pièces détachées agricoles, l’annulation des entraves pour assurer des navires et accéder aux ports étrangers. Elle a également demandé le dégel des actifs de sociétés russes liées au secteur agricole situés à l’étranger et la reprise du fonctionnement du pipeline Togliatti-Odessa, qui relie la Russie à l’Ukraine et permet la livraison d’ammoniac. Le 7 avril, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avait déjà menacé, à l’issue d’un entretien avec son homologue turc Mevlüt Cavusoglu à Ankara, de suspendre l’accord «si aucun progrès n’est réalisé dans la levée des obstacles aux exportations d’engrais et de céréales russes».

Eva DZ

Les pluies de mars n’ont pas suffi à recharger les nappes phréatiques en France, dont 75% restent à des niveaux modérément bas ou très bas, rendant «avéré» le risque de sécheresse estivale pour certaines régions, a annoncé le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) le 13 avril. Selon l’organisme public, une bonne cinquantaine de départements métropolitains, notamment dans le nord, le centre et le sud-est du pays présentent un risque «très fort» de sécheresse «présageant d’un printemps et d’un été probablement tendus», et qui, en l’absence de pluies «très excédentaires» dans les prochaines semaines, devraient se traduire par des arrêtés de restriction d’eau.

En mars, où la France a connu, selon Météo-France, un excédent de précipitations de 40% au niveau national par rapport aux normales, (avec des situations très hétérogènes selon les régions), seules les nappes de la Bretagne à la Nouvelle-Aquitaine ont bénéficié «d’épisodes conséquents de recharge». Plusieurs autres, en Champagne, dans le couloir Rhône-Saône, le Roussillon ou en Provence/Côte d’Azur, affichent toujours des «situations peu favorables» avec des niveaux qui restent très bas. Au sortir de l’hiver, «l’ensemble des nappes affiche des niveaux sous les normales et 75% affichent des niveaux bas à très bas». L’an dernier, au 1er avril, 58% des niveaux étaient sous les normales ; l’été 2022 avait été marqué par une sécheresse historique.

Eva DZ

Comme attendu, le conseil d’administration de la FNSEA a élu le 13 avril Arnaud Rousseau à la présidence du syndicat majoritaire. Céréalier à Trocy-en-Multien (Seine-et-Marne), il est aussi à la tête de la Fop (producteurs d’oléoprotéagineux, FNSEA) ainsi que du groupe Avril, un siège qu’il indique vouloir conserver dans un entretien à Agra Presse hebdo. Le nouveau secrétaire général est Hervé Lapie, polyculteur-éleveur dans la Marne. Quant aux deux premiers vice-présidents, ils étaient, eux aussi, déjà présents dans l’équipe précédente: Jérôme Despey, viticulteur dans l’Hérault et ancien secrétaire général, et Patrick Bénézit, éleveur dans le Cantal et président de la FNB (éleveurs de bovins viande). Lors d’une conférence de presse le 13 avril, le nouveau président a fixé les «trois grands piliers» de la mandature qui débute: «la souveraineté et la compétitivité de la ferme France», le renouvellement des générations d’agriculteurs et la conclusion d’un «pacte avec la société». «Nous voulons porter le sujet de l’influence», a lancé M. Rousseau, qui avait aussi promis «une nouvelle gouvernance» dans un courrier envoyé au réseau fin 2022. Le bureau élu le 13 avril compte presque un tiers de nouveaux membres sur un total de 25. Un renouvellement comparable à celui du conseil d’administration du syndicat, élu au congrès d’Angers le 29 mars et composé de 40% de nouveaux membres.

Didier Bouville

Le groupe coopératif céréalier du nord-est de la France Vivescia a annoncé dans un communiqué de presse du 12 avril l’ouverture sur 200 hectares d’expérimentations autour de la fertilisation à partir d’engrais dits décarbonés. Ces derniers sont fabriqués par le groupe Fertiberia, qui utilise pour ce faire de l’hydrogène obtenu par électrolyse de l’eau à partir d’électricité solaire, en lieu et place de gaz naturel pour produire de l’ammoniac. «La première usine de Fertiberia concernée par ce nouveau procédé de fabrication industrielle est celle de Puertollano, au sud de l’Espagne», précise le communiqué. Par ailleurs, les engrais développés par Fertiberia permettent de réduire les émissions d’oxyde nitreux – un gaz à effet de serre 300 fois plus puissant que le CO2 – au champ. «Les premiers tests en laboratoire montrent une réduction de 20 à 45% par rapport à un engrais conventionnel», souligne Bernard Boulanger, directeur commercial chez Fertiberia France. En France, l’agriculture est aujourd’hui le troisième émetteur de gaz à effet de serre et y contribue à hauteur de 19%, selon le Commissariat général au développement durable. «Tous les leviers disponibles dès aujourd’hui pour diminuer les conséquences de la fertilisation azotée doivent être actionnés et les engrais décarbonés en font évidemment partie», précise Savine Oustrain, directrice recherche et agronomie au sein de la coopérative.

Didier Bouville

Alors que plusieurs groupes de travail planchent sur la révision du plan national loup, les représentants de l’État seraient intéressés par la révision des tirs de défense suggérée par les organisations agricoles. «Les tirs de défense simples et les tirs de défense renforcés pourraient être fusionnés pour créer un tir de défense intermédiaire avec entre trois et cinq tireurs», détaille Claude Font, référent de la FNO en charge du dossier loup. Actuellement, le tir de défense simple n’autorise qu’un tireur, quand le tir de défense renforcé permet jusqu’à dix fusils, «mais la plupart des arrêtés ne vont pas jusque-là», souligne l’éleveur de Haute-Loire. Dans les autres groupes de travail, la FNO défend également des mesures comme le renforcement des effectifs de louvetiers, ou encore des aides à la mise en place de mesures de protection en cercle 2. «Il reste encore beaucoup de travail. Le prochain plan loup doit être effectif en 2024, et nous devrons rendre la copie à l’automne», prévient Claude Font. Plus largement, les éleveurs demandent «de passer à la vitesse supérieure, avec des objectifs de réduction des dégâts et une régulation de la population». «Le seuil de viabilité est largement dépassé», répète Claude Font.

Didier Bouville

Dans un rapport sur la politique d’installation et de transmission, la Cour des comptes a proposé le 12 avril d’ouvrir la DJA (Dotation jeunes agriculteurs) aux plus de 40 ans. La prise en compte de profils de néo-agriculteurs plus âgés «nous apparaît en effet nécessaire parce qu’elle correspond à des réalités sociologiques qu’il serait absurde d’ignorer», a déclaré le premier président Pierre Moscovici devant la commission des Finances du Sénat. «Oui, il y a de plus en plus (de candidats à l’installation) de plus de 40 ans (…) pour autant ils bénéficient de très peu d’aides, ce qui les place dans une situation moins favorable que d’autres», a-t-il souligné en présentant le rapport de la Cour. Et d’estimer qu’il fallait « remédier » à ce «couperet d’âge». Un tiers des installations concerne les plus de 40 ans, qui ne peuvent prétendre qu’à 9 % des aides publiques, d’après le rapport. Les Sages recommandent plus globalement une politique consistant à «ouvrir à la diversité des agriculteurs et des modèles agricoles». Il s’agit pour cela de conditionner la désignation des structures chargées du programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission «à l’engagement de nouer des partenariats représentatifs des divers modèles agricoles».

Didier Bouville

Le ministère de l’Agriculture a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) sur les agroéquipements innovants pour les fruits et légumes frais et transformés (dont pomme de terre) dans l’Hexagone et outre-mer, annonce un communiqué le 11 avril. Opéré par BpiFrance, cet AMI vise à «identifier les équipements, serres (dont abris froids, NDLR) et plants les plus adaptés» aux enjeux de la filière figurant dans le plan souveraineté. Il s’adresse «aux équipementiers et pépiniéristes (pour les plants arboricoles)» et s’achèvera «le 12 mai à 12h (midi heure de Paris)». Dans un deuxième temps, un guichet opéré par FranceAgriMer sera ouvert «à l’été» pour soutenir les agriculteurs dans leurs projets d’investissements qui correspondront aux «matériels innovants sélectionnés dans le cadre de l’AMI». Ce dispositif s’inscrit dans le cadre de la première enveloppe de 100 millions d’euros promise à la filière en 2023, comme annoncé au SIA le 1er mars. Il est ouvert sur «huit thématiques»: gestion de l’eau et qualité de l’eau, de l’air et des sols; risques sanitaires liés au changement climatique; consommation énergétique et énergie renouvelable; substitution ou réduction des intrants chimiques et risques associés; réduction des gaz à effet de serre et polluants atmosphériques; préservation de la biodiversité; gestion des déchets; amélioration des conditions de travail.

Didier Bouville

Le recul de la collecte laitière est «encore plus fort» en ce début d’année 2023 malgré des prix «au plus haut», a souligné l’économiste Gérard You, lors de l’événement Grand Angle Lait organisé par l’Institut de l’élevage (Idele), le 5 avril. La collecte affiche un recul de 1,4% en janvier et février 2023 après une baisse de 0,7% sur l’année 2022. Ce signal préoccupant interroge sur «la capacité de reprise» de la filière, note Gérard You. La production laitière française semble «insensible aux signaux de marché», contrairement aux autres pays européens où la collecte a été très réactive à la hausse des prix en 2022. À noter que la hausse du prix du lait a été plus modérée et tardive que chez nos voisins: +23% en France, contre +47% en Allemagne, par exemple. La sécheresse et le manque de fourrages, ainsi que la décapitalisation qui s’est poursuivie et même amplifiée en 2022, ont lourdement handicapé la reprise de la production. De plus, la production laitière souffre toujours de «la concurrence d’autres productions dans les régions où il y a la possibilité de faire des cultures», indique Gérard You. En Vendée, par exemple, le déclin du cheptel dépasse 5% sur l’année. Le département a vu disparaître 21% de son cheptel laitier depuis 2014.

Didier Bouville