Le groupe Lactalis annonce, dans un communiqué du 26 septembre, réduire ses volumes de 450 millions de litres (Ml) de lait d’ici 2030, soit plus de 8% de la collecte de la laiterie en France (5,1 milliards de litres). L’industriel baissera sa collecte de 160 Ml dans l’Est et le sud des Pays de la Loire à l’horizon 2026.
Lactalis prévoit de réduire sa collecte de 450 Ml de lait en France d’ici 2030, soit 8% de la collecte du groupe et 2% de la production nationale. Selon la principale association d’organisations de producteurs livrant à Lactalis, l’Unell, «272 producteurs sont ciblés» dans un premier temps dans des «zones très circonscrites». «Lactalis veut rompre leur contrat d’ici la fin de l’année et il y a un an de préavis, donc ça veut dire un arrêt de la collecte fin 2025», explique le président de l’Unell Yohann Serreau à Agra Presse. En outre, d’ici 2030, Lactalis ne renouvellera pas son contrat de l’ordre de 160 Ml de lait avec «une coopérative». Selon le président de la FNPL (producteurs de lait, FNSEA), Yohann Barbe, il pourrait s’agir d’Unicoolait (Lorraine, Alsace). Le groupe ne détaille pas sa stratégie pour «la seconde étape» qui concernera les 130 Ml restants. Les volumes concernés par le plan de réduction de Lactalis sont «des volumes de lait excédentaires», valorisés par l’industriel sur les marchés internationaux. Lactalis souhaite «se recentrer sur les produits de grande consommation français, mieux valorisés car moins sujets aux aléas des marchés mondiaux», explique son communiqué.
«C’est une déflagration pour le milieu laitier», a déclaré le président de la FSNEA Arnaud Rousseau, dans une interview à France info le 26 septembre, en réaction à l’annonce de Lactalis. «Pour nous, l’enjeu, c’est de s’assurer que les producteurs de lait continueront à trouver quelqu’un qui leur collecte le lait», assure-t-il. La FNPL (producteurs de lait, FNSEA) dénonce, dans un communiqué, un industriel «sans scrupule» et un désengagement «inacceptable». Le syndicat fustige «l’irresponsabilité du numéro un mondial vis-à-vis de la ferme laitière française» et l’accuse de s’attaquer à sa «pérennité» comme «à la souveraineté alimentaire française». La FNPL veut «soutenir les producteurs» pour qu’ils «poursuivent leur activité laitière et trouvent de nouveaux débouchés». Selon l’Unell (organisations de producteurs), les contrats des éleveurs concernés arriveront à échéance fin 2025 après un an de préavis. La FNPL demande «un délai beaucoup plus long pour identifier des alternatives».
Un coup de massue !
La FDSEA et les JA de l’Aveyron ont également réagi dans un communiqué, faisant état d’un «coup de massue», «une honte que nous ne ne pouvons cautionner». «Les exploitations laitières aveyronnaises ne sont pas concernées par cette annonce mais comment ne pas réagir et soutenir les éleveurs laitiers de l’est de la France et de Bretagne qui seraient concernés. Aujourd’hui c’est eux, et demain ?», avancent les deux syndicats. «Comment une entreprise telle que Lactalis, engagée dans une démarche RSE avec comme leitmotiv «assurer notre mission d’entreprise de façon responsable», peut mettre des exploitations devant le fait accompli en ne prenant pas le soin de les informer avant ? Lactalis, numéro un mondial du lait, prévoit-elle des approvisionnements hors de la France pour le lait ? Les éleveurs concernés auront certainement appris la nouvelle à la radio pendant la traite du matin… Il ne faut pas oublier que derrière ces hommes et ces femmes qui se lèvent tôt tous les matins pour nourrir la population, ce sont aussi des entreprises familiales qui seront peut-être contraintes de fermer, laissant les agriculteurs et les agricultrices sans aucune indemnité de chômage. Ces mêmes agriculteurs ont pourtant pris des engagements pour répondre à l’enjeu de la souveraineté alimentaire et agricole et investi des centaines de milliers d’euros. Pensons aux jeunes, récemment installés, qui voient leurs perspectives d’avenir disparaître. Retrouveront-ils facilement une coopérative pour collecter leur lait ?». Et de rappeler qu’une vache produit du lait 365 jours : «Que feront les éleveurs de leur lait ? Le jeter ? Des questions qui n’ont pas dû effleurer Emmanuel Besnier, président-directeur du groupe. Seul le profit dicte sa conduite ! Le marché international intéresse moins le groupe Lactalis et son président qui souhaitent donc se recentrer sur la transformation de produits à forte valeur ajoutée et sur le marché européen où les consommateurs ont des revenus».
Cette baisse de volume équivaut à deux fois la production aveyronnaise.
L’annonce de Lactalis, le 25 septembre en soirée est «brutale» et «inacceptable», dénoncent la FDSEA et les JA. Durant des mois, les OP ont mené une réflexion et proposé des solutions en vue de conserver les volumes de lait des fermes. Différentes pistes ont été envisagées et discutées, pour protéger les agriculteurs en tenant compte des débouchés pour l’entreprise Lactalis. «La décision assassine du leader du lait est prise sans aucune considération ni pour le travail des OP ni pour les agriculteurs. Un mépris déplorable, à l’égard des producteurs, mais pire encore. Le contexte alarmant de diminution du nombre d’agriculteurs engendre déjà à lui seul une perte de volumes, cette annonce de Lactalis est donc un coup de poignard envers le monde de l’élevage laitier qui ne fera qu’aggraver la perte de production laitière».
La rédaction