Aveyron | National | Par Didier Bouville

Accord du libre échange et agriculture [point de vue]

L’accord de partenariat économique entre l’Union européenne et les Etats-Unis (TTIP ou TAFTA) pourrait être conclu d’ici quelques mois. Un 13ème cycle de négociations a été lancé cette semaine. Le secteur agricole est l’un des enjeux. Le point de vue de Dominique Fayel, président de la FDSEA.

La FNB est encore montée au créneau ce lundi, indiquant que «les producteurs de viande bovine ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel du libéralisme». Quel est votre sentiment ?

«Il faut tout d’abord aborder ces négociations de libre échange dans leur globalité : le Canada, en cours de ratifica-tion?; TTIP (USA), dont les négociations avancent ; le Mercosur, pour lequel une offre est en cours d’élaboration ; et, enfin, le Mexique, l’Australie et la Nouvelle Zélande qui sont en projet… Cela fait beaucoup ! Et surtout, on retrouve là tous les grands exportateurs mondiaux du secteur de la viande bovine. Le contexte européen étant ce qu’il est aujourd’hui, avec une érosion de la consommation, le revenu des producteurs au plus bas, il n’est juste pas imaginable d’ouvrir notre marché à tous ces concurrents pour des volumes cumulés aussi considérables. C’est véritablement l’avenir de la production de viande en Europe qui est en jeu, avec l’économie de pans entiers des territoires ruraux européens, et qui est mis en balance avec les intérêts, réels ou supposés, d’autres secteurs d’activité, comme l’automobile, les services ou les marchés publics.

La levée de barrières douanières avec les USA aurait-elle malgré tout des points positifs pour notre agriculture exportatrice ?

S’agissant du TTIP en particulier, les secteurs agricoles ayant des intérêts offensifs avérés sont rares.?Les vins et spiritueux, c’est probable, le secteur laitier est parfois cité, notamment les fromages.?Mais globalement, il s’agit davantage des intérêts de nos grands groupes souvent implantés sur place. En fait, les destinations sur lesquelles les productions agricoles françaises, et notamment la viande bovine, ont un réel potentiel de développement, sont les marchés émergents, encore aujour-d’hui même, avec une croissance ralentie, comme le Sud-Est asiatique, le Moyen-Orient, le pourtour méditerranéen et dans un avenir proche, l’Afrique Sub-saharienne. Il ne faut pas oublier non plus l’Est européen, dans ou hors UE, ni, bien-sûr, la Russie avec laquelle tout est à reconstruire.

Quelle position avoir face à une remise en cause des IGP et AOP par les USA ?

La question est de savoir si les Etats-Unis vont reconnaître nos identifications géographiques basées sur les spécificités des territoires. Pour des raisons historiques et «culturelles», ils sont profondément sur des logiques de «marque» et on ne les voit pas vraiment bouger pour l’heure. Pour autant, même s’ils devaient évoluer significativement sur ce point, il ne serait pas acceptable que l’Europe lâche tout contre la seule reconnaissance, de toute façon très partielle, des IGP par les USA.

Notre modèle alimentaire serait-il remis en cause ?

C’est un risque très serieux. La concentration des animaux dans les feed lots, l’alimentation avec OGM, «additifs», antibiotiques, la quasi absence de réglementation dans le domaine de l’environnement ou du bien-être animal, l’absence d’identification individuelle, ainsi que la logique sanitaire «curative» avec le traitement des carcasses, sont à l’opposé de ce qui est imposé chaque jour aux producteurs européens à la demande, au fil du temps, des consommateurs et des citoyens européens. C’est un changement radical de modèle alimentaire qui attend notre société en cas d’accord sur les bases actuelles ou proches.

Quelle est la position de la FNSEA pour le moment ?

Elle juge inaceptable ce traité en l’état, de même d’ailleurs que la tentative sur le Mercosur. La FNSEA n’est pas opposée au principe d’accords commerciaux, mais à condition que l’Europe sorte de sa «naïveté» et rentre dans la négociation avec une ligne claire de défense de ses intérêts propres, comme le font tous nos «partenaires». L’agriculture ne peut plus être ad vitam aeternam la monnaie d’échange d’autres secteurs de l’économie, de surcroît pour des ouvertures limitées et dans certains cas illusoires».

Recueilli par Didier BOUVILLE

Lire aussi dans la Volonté Paysanne datée du jeudi 28 avril 2016.

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