National | Par eva dz

Regain d’intérêt pour les races bovines locales

Les races locales à petits effectifs, abandonnées à la sortie de la guerre, suscitent un nouvel intérêt. Avec les transformations agroécologiques en cours, elles enrichissent la «biodiversité domestique». Avec leurs caractères rustiques, plus économes, elles peuvent être une solution pour des jeunes qui veulent se lancer dans l’élevage, à la condition de transformer et d’écouler la production sur le marché local.

Elles sont peu connues, mais elles ont attiré beaucoup de monde au dernier Salon de l’agriculture : les races locales à petits effectifs. Pour le public, c’est un peu comme une galerie d’images des campagnes du début du XXe siècle. Elles ont des robes de couleur différentes, souvent des cornes en lyre et des noms qui sentent bon le terroir : la Ferrandaise, la Lourdaise, la Nantaise, la Maraîchine, la Froment du Léon et d’autres encore.

Selon l’Inrae il y a en France 32 races locales bovines, dont 25 «menacées d’abandon pour l’agriculture», car leur effectif est inférieur à 7 500 femelles. Pourtant, au siècle dernier, jusqu’à l’entre-deux guerres, chacune de ces races comptait entre 100 000 et 200 000 têtes. Elles étaient reconnues et avaient même des livres généalogiques. Elles avaient trois aptitudes, le lait, la viande et le travail. Dans les années 50, avec la modernisation de l’agriculture, les lois sur l’élevage ne les ont pas retenues dans les programmes de sélection. Pour aller plus vite, et être plus efficace, la moitié des races locales sont abandonnées au profit des plus performantes, parmi lesquelles trois races allaitantes et trois laitières, la Charolaise, la Blonde d’Aquitaine et la Limousine d’un côté, la Frisonne Pie Noire, la Normande et la Montbéliarde de l’autre. En quelques décennies le cheptel des races locales françaises s’amenuise. Les éleveurs qui, par attachement ou habitude, s’obstinent à les conserver «sont considérés comme hostiles au progrès», déclare Delphine Duclos de l’Institut de l’élevage (Idele)

Programmes de sauvegarde dès les années 70

C’est pourtant grâce à ces éleveurs, et à leurs descendants, que l’on a pu, dès les années 70, reconstituer ces troupeaux et sauver ces races locales oubliées. A cette époque, les responsables du monde agricole prennent conscience de la richesse de cette diversité génétique et lancent des programmes de conservation. La Bretonne Pie Noir est la première à en bénéficier en 1976. Il ne restait que 311 femelles, alors que l’on recensait 700 000 têtes en 1900. Grâce à ce plan de sauvegarde les troupeaux augmentent de 10 % chaque année pour atteindre 3 000 mères aujourd’hui et 70 élevages professionnels. En 2017, la Bretonne Pie Noir est l’égérie du salon de l’agriculture, ce qui contribuera à sa reconnaissance. Sa spécialité laitière, le «Gwell», une recette de gros-lait traditionnel, est aujourd’hui renommée et vise l’obtention d’une AOP.

Julien Soulé a repris le troupeau de Mirandaises que son père avait conservé à côté de ses Blondes d’Aquitaine. Il a aujourd’hui 35 mères. Il a convaincu les bouchers de mettre en avant cette viande de veau et de bœufs gras issue de cette race locale. «La Mirandaise, c’est une des valeurs patrimoniales du Gers», explique-t-il, «elle est adaptée à son milieu, et regardez ces yeux aux contours noirs, comme son museau et ses sabots». Aujourd’hui on compte 850 mères, 25 élevages actifs de Mirandaises, regroupés dans l’association «Bœuf Nacré de Gascogne».

Réservoir de diversité

A côté des revenus tirés de ces productions les éleveurs peuvent prétendre aussi à une aide Mesure agroécologique (MAE) intitulée Prime Race Menacée de 200 euros par vache. Conserver ces races, ce n’est pas simplement préserver le patrimoine régional, c’est aussi s’assurer d’un réservoir de diversité génétique pour répondre aux attentes de l’agriculture de demain. Dans les années 80, l’Idele a pris en charge ces programmes et mis en place des livres généalogiques et la collecte des taureaux. Il a également lancé « l’organisme de sélection des races bovines à petits effectifs » qui assure la préservation d’une dizaine d’entre elles dont la Saosnoise, l’Armoricaine, la Mirandaise, la Casta et la Corse, qui s’ajoutent aux cinq précédemment citées. On compte aujourd’hui 12 000 femelles dans ces dix races, pour 1 200 éleveurs et dix fois plus de vaches qu’il y a trente ans. A noter que la Vosgienne, la Bazadaise et la Bleue du Nord sont toujours classées races menacées.

La rédaction

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