La section ovins lait de la FDSEA Aveyron, présidée par Thierry Agrinier, communique :
«Aujourd’hui, le principe de solidarité entre producteurs et industriels, quintessence de la filière Roquefort, est mis à mal par le désaccord avec un industriel, et quelques producteurs, qui ne veulent plus entendre parler de mutualisation. Et pourtant la transversalité, c’est-à-dire une gestion commune de tout le lait quelle que soit l’entreprise qui le collecte, projet encore porté par de nombreux producteurs, aurait été la solution pour construire une nouvelle solidarité.
Le choix de la verticalité (négociation directe des producteurs avec leurs propres laiteries) va rapidement montrer ses limites et imposer des difficultés au niveau de la gestion de la filière. L’implosion du système Roquefort a donné l’illusion d’un vent de liberté aux producteurs. Nous craignons qu’il fasse surtout entrer le lait de brebis dans une politique similaire au lait de vache : produire plus pour gagner moins !
Les entreprises, pour garder leurs producteurs, ont ouvert les vannes. Ce lait produit en plus (environ 10 millions de litres), n’ayant pas de valeur ajoutée et finissant sur le marché du vrac ou de la poudre, tire le prix du lait vers le bas. Il est facile de pointer du doigt tel ou tel producteur, ou telle ou telle entreprise, alors que le marché a bel et bien été inondé par l’ensemble des acteurs, et dans tous les bassins de production de lait de brebis.
« On constate aujourd’hui la difficulté de mettre en place une nouvelle politique de production équitable »
Certes, l’ancien système a bridé le développement de certaines exploitations, mais il maintenait un prix correct en maîtrisant les volumes. A l’époque, le lait produit hors référence, appelé « classe 3 », a permis à certaines exploitations de produire plus sans compliquer le travail, alors que d’autres ont joué la carte de la diversification pour se développer.
Par conséquent, on constate aujourd’hui la difficulté de mettre en place une nouvelle politique de production équitable, entre ceux qui se voient attribuer un volume conséquent, du fait qu’ils ont produit par le passé de la classe 3, et ceux qui ont géré leur revenu en créant, par exemple, un atelier supplémentaire.
La mise en place d’un système de prix moyen occasionne donc des inégalités. Nous ne contestons pas, bien sûr, que certains tirent leur épingle du jeu mais nous sommes soucieux de ceux qui vont enregistrer une telle baisse de revenu que leur exploitation risque d’être fortement déstabilisée. Un groupe de travail réunissant, au sein de l’interprofession Confédération générale de Roquefort, industriels et producteurs, ces derniers sous l’égide de la FRSEB (fédération régionale des syndicats des éleveurs de brebis), s’était pourtant mis à pied d’oeuvre pour conserver de la mutualisation au sein du Rayon de Roquefort. Il avait ainsi imaginé, de manière collégiale, la création d’un « fonds de qualité lait cru » dont l’objectif était de diminuer les écarts et de limiter la casse, en particulier pour les plus petits producteurs. Ce projet est aujourd’hui malheureusement abandonné.
En outre, avec la disparition de l’ancienne péréquation (rééquilibrage entre producteurs des différents fabricants), retrouvera-t-on la même masse financière (151 millions d’euros) allouée au paiement du lait aux producteurs en 2015 ? Cela n’est pas sûr… Dans le cas contraire, où la différence sera-t-elle affectée, chez les producteurs ou bien chez les industriels ?
Par ailleurs, le nouveau fonctionnement du collège industriel de l’interprofession, qui prend les décisions à la stricte unanimité, montre la bêtise du nouveau système : un seul industriel, même le plus petit, peut mettre en échec une filière et une gestion collective qui était citée en exemple jusqu’à présent.
« Créer de nouvelles fondations »
La disparition du «plan de régulation de l’offre» représente aussi un danger supplémentaire. Elle signifie la libéralisation de la fabrication des fromages de Roquefort et va engendrer une guerre entre fabricants pour la conquête des marchés.
A l’interprofession, pour l’instant, il reste le service de suivi de la qualité du lait, ainsi que l’hébergement de l’ODG (organisme de défense et de gestion de l’AOP Roquefort) avec un budget publicité réduit aux trois quarts. Sa dimension fédératrice s’en retrouve donc grandement affaiblie, alors qu’elle était une inspiration pour les autres bassins laitiers, et donnait du poids à la filière sur le plan national.
Ce constat d’échec étant posé, nous devons à présent nous tourner vers l’avenir et créer de nouvelles fondations. En ce moment, un nouveau collège de producteurs est en cours de construction au sein de l’interprofession. Il regroupera des représentants de l’ensemble des organisations et associations de producteurs, ainsi que des élus de territoires et des syndicats agricoles à vocation générale. Une fois créé, ce collège lancera un nouveau départ dans un esprit d’unité, pour que la voix des producteurs soit toujours entendue. Il sera aussi le gage de la vitalité de l’interprofession et de sa capacité à peser dans les décisions concernant la filière.
Malgré de profondes mutations, notre volonté de pérenniser la filière reste intacte, dans le but de maintenir un maximum de producteurs sur des exploitations viables et vivables, et ainsi conforter la dynamique de tout un territoire. La section ovins lait de la FDSEA participera au nouveau collège producteurs, comme elle l’a fait auparavant au sein de la FRSEB dans une démarche loyale, vis-à-vis de tous les éleveurs, et constructive».
Lire aussi dans la Volonté Paysanne datée du jeudi 19 mai 2016.
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