National | Par Actuagri
L’État français devrait passer d’un régime d’autorisation à un régime de déclaration pour les tirs de défense contre le loup. Une revendication défendue de longue date par les éleveurs et qui suscite de vives oppositions chez les associations environnementales.
Lors de la réunion du Groupe national loup (GNL) qui s’est tenue le 23 septembre, Fabienne Bucchio, préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes (AuRA) en charge du dossier « loup », a fait savoir que l’État allait simplifier le régime de tirs de défense. Jusqu’à présent, la réponse face au loup devait être graduée, en trois étapes. Car si l’on se réfère au code de l’environnement, (article L415-3), le loup reste une espèce protégée et sa destruction ou tentative de destruction en dehors de certaines règles est punie de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende.
Première étape : Les éleveurs, propriétaires d’un permis de chasse, et qui subissent une attaque de loup peuvent procéder à des « tirs d’effarouchement » à l’aide de munitions non létales*. Deuxième étape : Ces mêmes éleveurs peuvent procéder à « un tir de défense simple », là encore dans des conditions très particulières, notamment à proximité immédiate du troupeau protégé (chien, barrières électrifiées, bergers…). Si le tir a lieu de nuit, la chasseur doit se doter d’un système lumineux mais l’usage des lunettes de visée est interdite.
Ce tir de défense simple nécessite le dépôt préalable d’une demande d’autorisation auprès de la préfecture de son département. La troisième étape concerne le « tir de défense renforcée » autrement dit de « destruction du loup ». Les conditions sont plus strictes : le tir de défense simple a été mis en œuvre et le registre de tirs est renseigné et en plus le troupeau a subi des dommages importants et récurrents d’une année à l’autre (trois attaques en douze mois).

Attaques : + 26 % en un an
Après la réunion du GNL à laquelle les associations écologiques n’ont pas participé, les règles vont être modifiées. Elles permettront aux éleveurs (bovins, caprins, équins, ovins) de disposer automatiquement d’un droit à effectuer un tir de défense et de déclarer leurs tirs une fois le loup abattu. Pour le préfet référent « loup », Jean-Paul Célet (qui conseille Fabienne Bucchio), « ce passage d’une autorisation dérogatoire à une déclaration aura un effet de simplification, mais aussi un effet de rapidité dans la réaction quand les attaques commencent ». A la FNSEA, Bernard Mogenet en charge du dossier de la prédation, juge « qu’on est encore loin du compte pour faire baisser la pression de la prédation ». De son côté, la Fédération nationale ovine (FNO) estime que les propositions du GNL constituent « une avancée importante ».
Mais aussi bien cette dernière que la FNSEA souhaiteraient aller un peu plus loin, notamment dans le comptage des loups qui reste toujours une pierre d’achoppement entre l’État, l’Office français de la biodiversité (OFB), les associations écologistes et les éleveurs. De même, le syndicat majoritaire souhaite revoir à la hausse le plafond de 19 % pour le prélèvement des loups, pour éviter de gérer les prélèvements alors qu’il faut agir sur la pression de la prédation. Le relèvement de ce plafond est aussi une demande de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM) qui veut le pondérer « en tenant compte également du nombre d’attaques de loup chaque année », a-t-elle indiqué dans un communiqué du 23 septembre.
Naturellement la simplification des tirs de défense fait pousser des cris d’orfraie aux associations écologistes qui y voient « la volonté de l’État d’organiser une réduction drastique de la présence du loup en France ». A ce jour,146 loups (sur 192) ont été abattus et le nombre d’attaques a augmenté de +26 % depuis un an, de manière encore plus importante (+60 %) dans les zones où le loup vient de s’implanter, a rapporté la préfecture AuRA. Il est à noter que le Conseil de l’Union européenne a validé le 16 avril dernier la proposition de la Commission européenne visant à déclasser le loup dans la directive Habitats, d’espèce « strictement protégée » à « protégée ».
La réaction de la FNO
« Nous notons une avancée importante avec l’amélioration du protocole de tirs. Désormais, le tir de défense pourrait être réalisé sur simple déclaration, et non plus sous condition d’autorisation, pour les éleveurs situés en zone de prédation. Cela signifie aussi qu’il ne sera plus nécessaire de mettre en place au préalable des mesures de protection pour pouvoir défendre son troupeau »,
Indique la Fédération nationale ovine (FNO) dans un communiqué du 23 septembre. Elle demande comme la FNSEA « une augmentation des prélèvements ».
Le seuil de viabilité de l’espèce en question
Selon le Plan national d’action Loup de 2008, le seuil de viabilité de l’espèce est situé à 500 individus au niveau français. Mais il semblerait que « nous ayons mal compris », ironise Bernard Mogenet. En effet, selon les représentants de l’État, il faut comprendre « 500 loups participant à la reproduction ». Ce qui repose le système de comptage. Une chose est certaine, 73 départements font aujourd’hui des mesures de financements pour la protection des troupeaux. Pas moins de 4 800 demandes ont été déposées pour un montant de 39 millions d’euros, assure Bernard Mogenet. « Les compteurs de l’État ont explosé et ceux des éleveurs aussi car le reste à charge est important ». Ces 39 M€ ne tiennent pas compte des indemnisations pour les troupeaux prédatés.
Christophe Soulard
(*) balles en caoutchouc ou bien grenailles métalliques d’un diamètre inférieur ou égal à 2,25mm