National | Par Agra

Loi Entraves : un compromis a été trouvé

Réunis en commission mixte paritaire (CMP) le 30 juin, les parlementaires ont trouvé un compromis sur la proposition de loi (PPL) Entraves des sénateurs Duplomb et Menonville. Une rédaction commune des rapporteurs a été adoptée pour chaque article. Et l’ensemble du texte a été adopté à 10 voix pour – RN, LR, centristes et macronistes – et 4 oppositions des socialistes et Insoumis. Un ultime vote sur cette rédaction commune est prévu ce mercredi 2 juillet au Sénat, puis mardi 8 juillet à l’Assemblée nationale. Le vote favorable de la chambre haute, qui penche à droite, ne fait aucun doute. Celui des députés, en revanche, est plus incertain, même si l’addition des voix du Rassemblement national, des Républicains et d’une grande partie du bloc central macroniste semble dessiner une nette majorité pour l’adoption de ce texte, réclamé notamment par la FNSEA.

Comme attendu, les parlementaires ont convenu de supprimer l’essentiel de l’article 2 dédié au rôle de l’Anses dans la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM). L’Anses est toutefois sommée de «tenir compte» à l’échelle nationale des circonstances «agronomiques, phytosanitaires et environnementales» dans son examen. Une telle décision n’empêche pas le gouvernement d’instaurer par voie réglementaire une priorisation des dossiers, comme évoqué par le ministère de la transition écologique. Comme proposé notamment par Julien Dive (LR) lors du passage en commission, le texte adopté par la CMP inscrit toutefois le rôle du Comité des solutions dans le code rural, qui organise la priorisation des efforts de recherche d’alternatives. Concernant l’acétamipride, c’est le Sénat qui a eu gain de cause en obtenant que la ré-autorisation ne soit pas assortie de restrictions prédéfinies ou d’une période de 3 ans – toutefois, au bout de ces 3 ans, le conseil de surveillance des alternatives aux néonicotinoïdes émettra un avis consultatif. Durant l’examen, le rapporteur LR Julien Dive aurait évoqué une surface de 500 000 hectares potentiellement concernée par la ré-autorisation, incluant les cultures de pommes, de noisettes et de betterave. Par ailleurs, un amendement de Delphine Batho (EELV) aurait été adopté qui interdit production, stockage et distribution de produits interdits en France – une disposition similaire a été adoptée dans la loi Egalim de 2018 mais contournée depuis.

Le conseil stratégique sur les pesticides ne sera pas obligatoire

Contrairement à ce qui avait été envisagé à l’Assemblée en commission des Affaires économiques, à l’initiative notamment de Stéphane Travert (Ensemble), le conseil stratégique sur les pesticides ne sera finalement pas rendu obligatoire, ont décidé le 30 juin les parlementaires réunis en commission mixte paritaire (CMP). L’amendement faisait partie des dispositions dans le viseur du sénateur LR Laurent Duplomb. Toutefois, un module dédié à la «stratégie phytosanitaire» sera ajouté à la formation de renouvellement du Certiphyto. Pour rappel : prévu par la loi Egalim, le conseil stratégique aurait dû être réalisé deux fois tous les 5 ans, mais un moratoire avait été annoncé avant les dates butoir par Gabriel Attal en février 2024. Au printemps 2024, la ministre déléguée à l’agriculture Agnès Pannier-Runacher avait émis le souhait que le conseil stratégique devienne «facultatif». Par ailleurs, le texte de la CMP acte bel et bien la fin de la séparation de la vente et du conseil des pesticides, sauf pour les fabricants, indique le sénateur Menonville. Et comme proposé par le CGAAER, et introduit par les députés de la commission des Affaires économiques, la facturation de la vente et du conseil spécifique devra être séparée, explique le parlementaire – selon des modalités qui devraient être précisées par un décret en Conseil d’Etat.

Le sujet des zones humides évacué

Dans leur version de la proposition de loi Entraves adoptée le 30 juin, les parlementaires de la CMP ont voté les dispositions relatives à la reconnaissance par défaut d’un caractère d’«intérêt général majeur» pour les ouvrages de stockage d’eau et d’irrigation agricoles, dans une version très proche de celle produite par le Sénat (conditions de démarche concertée et d’engagements de sobriété). Même si la portée du dispositif reste incertaine dans le cas de la directive Habitats, l’association FNE s’était dite « particulièrement inquiète» en ce qu’il «remet en cause la hiérarchie des usages de l’eau, telle que définie aujourd’hui par la réglementation, en tentant de placer l’usage agricole de l’eau au même niveau que les usages liés à l’eau potable, la salubrité, la sécurité et le bon fonctionnement des milieux». Par ailleurs, le sujet de l’encadrement des zones humides a été retiré, indique le sénateur Menonville. Au Sénat, le gouvernement avait introduit la notion de «zone humide fortement dégradée» pour des milieux qui «ne sont plus en mesure de remplir les fonctions spécifiques essentielles caractérisant les zones humides». Dans le texte initial, les sénateurs proposaient de revenir à une définition en vigueur selon eux depuis 2019, à savoir un double critère cumulatif de terrain hydromorphe et végétation hydrophile.

Le relèvement des seuils en bovins renvoyé à la rentrée

Dans leur version de la proposition de loi (PPL) Entraves adoptée le 30 juin, les parlementaires de la commission mixte paritaire (CMP) n’ont pas intégré le projet gouvernemental de sortir l’élevage «du droit commun» des ICPE (installations classées). Il fut un temps envisagé de l’intégrer à la PPL par ordonnance, puis dans le dur, mais son intégration au Code de l’environnement est finalement renvoyée à des véhicules législatifs ultérieurs. En CMP, les parlementaires sont revenus à une version proche de celle sortie du Sénat, visant à corriger les effets de bords de la loi Industrie verte. Il s’agit notamment de laisser la possibilité au commissaire enquêteur de remplacer la réunion publique par une permanence en mairie, et de rendre facultatives les réponses aux objections dans le cadre des autorisations environnementales. Le texte de compromis introduit aussi des amendements apparus à l’Assemblée prévoyant que le principe de non-régression environnementale ne s’applique pas aux ICPE visant les élevages bovin, porcin et avicole. Ce dispositif ouvre la voie à un relèvement des seuils en élevages porcins, avicoles, et bovins, qui sera pris par décret, expliquent des députés LFI. Le relèvement des seuils en bovins n’a pas été intégré, renvoyé «à la rentrée», indiquent-ils.

Assurance prairies : retour aux modalités de recours proposées par le gouvernement

Dans leur version de la proposition de loi Entraves adoptée le 30 juin, les parlementaires de la CMP ont réintroduit – en le modifiant à la marge – le dispositif de recours pour l’assurance des prairies proposé par le gouvernement avant le rejet du texte en séance publique à l’Assemblée. Selon le compromis adopté à l’unanimité, les «comités départementaux d’expertise» prévus par l’article L361-8 du Code rural analyseront les recours et transmettront leur «synthèse» à la Codar et au comité des indices. Ce dernier compare les résultats des indices – parfois contestés par les éleveurs – avec «des données de terrain relatives à l’évaluation des pertes de récolte et de cultures pertinentes». Ces données seront fournies par le réseau de fermes de référence, que l’État devra «pérenniser», selon le texte ; aucune mention n’est faite des enquêtes de terrain réclamées par la profession, mais dont l’exécutif ne voulait pas. En cas «d’anomalie majeure», le ministère de l’agriculture «invitera» le fournisseur de l’indice à modifier son indice, tout en demandant à l’assureur de «verser une indemnisation complémentaire le cas échéant, dans le cadre de l’indemnisation de solidarité nationale ou des garanties d’assurances». Par ailleurs, la CMP a réintroduit le plan pluriannuel de renforcement de l’assurance prairies proposé par le gouvernement lors du passage au Sénat.

La rédaction – source Agra

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