National | Par La rédaction

Les ruraux à la reconquête de leurs services de santé

Vieillissement de la population et réduction du nombre des médecins. En quelques décennies ces deux mouvements combinés ont participé à l’émergence de la première préoccupation des Français, la difficulté d’accès aux soins. Les campagnes sont particulièrement concernées par ces «déserts médicaux». 

©ACTUAGRI-CS

Dans un pays qui se faisait une fierté de son système de soins, l’apparition des déserts médicaux, il y a une vingtaine d’années, a fait l’effet d’une douche froide. D’autant que le phénomène ne concerne pas seulement quelques territoires isolés mais semble s’élargir à des régions péri-urbaines ou qualifiées de peu attrayantes. Toutefois, les zones les plus touchées semblent bien être les territoires ruraux, et cet état de fait met en relief de nouvelles inégalités entre les villes et les campagnes. «On est abandonnés», s’écrie Gilles Noël, maire de Varzy dans la Nièvre, une commune de 1 255 habitants, et vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF). Cette association représente les 30 000 communes de moins de 3 500 habitants de France, soit 22 millions d’habitants, le tiers de la population nationale occupe près de 90 % du territoire. 

Dégradation du système

Une enquête a été réalisée par cette association, avec l’aide du géographe Emmanuel Vigneron, spécialiste des questions de santé à l’université de Montpellier. Intitulée «Accès aux soins en milieu rural, la bombe à retardement», elle dresse un constat sans appel : Dans les campagnes, plus de 6 millions d’habitants vivent à plus de 30 minutes d’un service d’urgence. Les habitants du rural consomment 20 % de soins hospitaliers en moins que ceux des villes. Les séances de chimiothérapie et de dialyse sont notamment inférieures d’un tiers en milieu rural très peu dense. Au cours des 30 dernières années, l’espérance de vie s’est creusée de deux années entre départements urbains et ruraux, au détriment de ces derniers. La densité de médecins pour 1 000 habitants est systématiquement inférieure à la campagne par rapport aux territoires hyper-urbains. On y compte aussi deux fois moins de spécialistes. La densité médicale stagne depuis les années 2000 alors que les personnes de plus de 75 ans sont passées de 4 à 9 % de la population. «Le monde rural est en première ligne face aux problèmes de la désertification médicale, avec 10 millions d’habitants vivant dans un territoire où l’accès aux soins est de qualité inférieure à celle de la moyenne des territoires français». Cette dégradation du système de soins est devenue la première préoccupation des habitants.

Investir dans les ARS

L’étude précise d’ailleurs les régions les plus concernées : la région Centre-Val-de-Loire, Champagne-Ardenne, l’Auvergne en dehors du Puy-de-Dôme, la Bourgogne hormis l’est de la Côte d’Or. Mais les zones rurales de Normandie, des Hauts-de-France, sont également touchées. Surtout, cette étude ne s’est pas contentée d’établir des moyennes départementales à partir des données des agences régionales de santé (ARS). En utilisant les codes postaux, elle est descendue au plus fin. «Il faut s’intéresser aux pôles de vie, non aux moyennes», explique Gilles Noël, le vice-président de l’AMRF. «Nous devons nous investir dans les ARS, et les contrats locaux de santé, ne plus simplement suivre nos collègues élus des villes, porter la parole du milieu rural et nous aussi nouer des contacts avec les Centres hospitaliers universitaires (CHU). Il y a urgence à réagir».

Le groupe Med’InFrance, spécialisé dans l’accompagnement à l’installation des professionnels de santé confirme ces données : dix millions de Français résidant dans des zones où l’offre de soins est insuffisante, 9 000 communes sont en manque de médecins. Même les régions mieux dotées en médecins, celles proches du littoral, connaissent des difficultés dès lors que l’on s’éloigne des bordures maritimes pour atteindre les zones rurales ou montagneuses. Au vieillissement de la population s’ajoute un renouvellement insuffisant des professionnels de santé. Et les jeunes médecins préfèrent souvent s’installer dans les zones urbaines. 

Liberté d’installation

En ce qui concerne les spécialistes, l’UFC-Que Choisir affirme que 19 % des Français résident dans un désert médical pour l’ophtalmologie, 23 % pour la gynécologie et 27 % pour la pédiatrie. Les élus des communes rurales s’interrogent sur la manière d’attirer des nouveaux médecins, à commencer par les généralistes. «La profession médicale et l’Etat doivent remettre le principe de la liberté d’installation sur la table», estime Gilles Noël. «Bien sûr un médecin doit s’installer selon son choix, mais ne pourrait-on pas demander une journée de présence par semaine dans une zone sous-dotée ?», précise-t-il. L’élu préconise également que la formation soit décentralisée. «Les CHU et les universités ne devraient pas prendre tous les internes mais favoriser des journées de formation à la campagne, à la condition qu’ils soient encadrés par un médecin tuteur. Et puis, il y a tous ces jeunes médecins qui ont fait leurs études à l’étranger, en Europe essentiellement. Bien souvent, à leur retour en France, ils ne trouvent pas automatiquement de stages. Pourquoi ne pas les inciter à poursuivre leur formation à la campagne. Mais nous cumulons les handicaps, il y a de moins en moins de médecins tuteurs à la campagne et les jeunes préfèrent être proches des CHU où ils peuvent multiplier les gardes». Nombre de communes pourtant font des efforts, et mettent à disposition des logement pour ces jeunes médecins.

L’action indispensable des collectivités territoriales

Conscient de la dégradation de la situation, qui suscite inquiétude et colère des élus parfois, le Sénat, dès 2021, appelait à une mobilisation des collectivités locales pour «réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins» face aux difficultés de l’état. Le rapport s’interroge sur l’efficacité des Agences régionales de santé, créées en 2009, pour agir dans ce domaine. Il identifie les initiatives des collectivités territoriales, communes, départements, régions et formule des recommandations de «bonnes pratiques locales». «Historiquement, ce sont les communes et leurs groupements qui, face à la carence de l’état, ont créé des centres de santé afin de remédier aux déserts médicaux et limiter l’isolement des professionnels de santé par le développement de leur exercice coordonné», constate le rapport. Des structures différentes ont vu le jour. Les Centres de santé, pour des soins de premiers recours, étaient autrefois appelés «dispensaires». Les médecins y sont salariés et les départements couvrent le déficit entre le produit des visites et les frais de fonctionnement. Le département de Saône et Loire fait figure de modèle en la matière avec la création d’un premier centre en 2017. Mais le nombre de médecins candidats au salariat reste insuffisant en France.

Les Maisons de santé sont quant à elles pluridisciplinaires. Ce sont des structures privées où les médecins, de différentes disciplines, mais aussi dentistes ou kinésithérapeutes, exercent une activité libérale. Le gouvernement espère en dénombrer 4 000 à l’horizon 2027, grâce à des aides à l’installation. Les zones définies par France Ruralité Revitalisation permettent aux médecins de bénéficier d’exonérations d’impôts sur les bénéfices dans l’espoir de les attirer dans les zones rurales. La Banque des territoires, émanation du groupe Caisse des Dépôts, a réalisé une étude qui recense 170 initiatives soutenues par des collectivités territoriales mais aussi par des entreprises privées. Elles témoignent de la mobilisation et de l’ingéniosité pour adapter le système de soins à une démographie médicale en baisse. Des nouvelles formes de soins apparaissent, avec la téléconsultation, des bus de dépistage itinérants, et plus que jamais, des actions de prévention auprès de la population. Le plus urgent étant de rester en bonne santé. 

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