National | Par Didier Bouville
L’effondrement de l’élevage porcin chinois emporté par la peste africaine désoriente les marchés des viandes, toutes filières confondues. Les pertes portent sur des millions de tonnes. Bien plus que les volumes de viandes exportés chaque année dans le monde.
La Chine produit 55 millions de tonnes équivalent carcasse (Mtéc), soit près de 45 % de la production mondiale alors que seules 8-9 Mtéc sont échangées chaque année dans le monde. « Or l’équivalent du cheptel russe (22 millions d’animaux) ou deux fois le cheptel canadien ou français pourrait être abattu cette année », rapporte Jean-Paul Simier dans l’édition 2019 du Cyclope présentée le 15 mai dernier par Philippe Chalmin, coordinateur de l’ouvrage de plus de 800 pages. Fin avril, la baisse de la production chinoise de viande de porc représentait déjà l’équivalent du commerce mondial. Mais depuis, la situation empire.
Selon une étude de la banque agricole hollandaise Rabobank, mentionnée par le quotidien Le Monde (édition du 17 mai 2019), jusqu’à 200 millions d’animaux seraient éliminés d’ici la fin de l’année. Par ailleurs, certains pays asiatiques, importateurs de viande porcine, accentuent la pénurie des marchés en constituant des stocks pour se prémunir des risques d’approvisionnement. Pour s’approvisionner en viande porcine, les choix sont restreints car la Chine boycotte le porc étasunien et même canadien. « En avril 2018, en réaction aux surtaxes américaines sur l’acier et l’aluminium, la puissance économique mondiale a répliqué par une surtaxe de 25 % sur le soja et le porc américain si bien que les ventes de porc en Chine, premier marché mondial, ont reculé de 52 % l’an passé », explique Jean-Paul Simier.
Aussi, seule l’Union européenne et le Brésil ont les faveurs de l’Empire du milieu à moins que nécessité fasse foi ! Même taxée, la viande de porc américaine sera attractive si les prix du marché intérieur chinois flambent ! Les choix des consommateurs chinois se portent vers d’autres viandes. Mais la Chine est le second pays importateur mondial de viande bovine (1,2 Mtéc) devant les États-Unis (1,37 Mtéc) et ce, sans compter les achats de carcasses en provenance d’Inde, qui transitent par le Vietnam.
Viande ovine…
L’Empire du milieu est aussi le premier pays importateur mondial de viande ovine (320 000 téc). Seule la filière avicole est excédentaire d’une centaine de milliers de tonnes. En fait, la crise de production chinoise modifie les fondamentaux des marchés mondiaux des viandes ovine, bovine et de volaille, aussi bien en termes de prix et de volumes.
L’offre mondiale de viande bovine et ovine est limitée et rigide. Le commerce mondial de viande ovine est dominé par deux pays, la Nouvelle Zélande et l’Australie (880 000 t) alors que la planète produit 15 Mt (dont 4,75 Mt en Chine). La Chine produit 7,2 Mt de viande de bœuf tandis que les exportations mondiales des principaux pays producteurs représentent 10 Mtéc. Soit des volumes bien inférieurs aux pertes de viande de porc en Chine. L’accroissement de la production de bovins et d’ovins est lié aux cycles de reproduction de ces espèces et les élevages australiens sont pénalisés par les périodes de sécheresse récurrentes.
Cette conjoncture de crise profitera pleinement aux éleveurs de porcs français et à leurs voisins européens tant qu’aucun cas de peste n’aura été détecté. Les cours de la viande de porc augmentent depuis quelques semaines (1,47 /kg sur le marché de Plérin le 16 mai dernier). « Après dix-sept ans d’embargo lié à la crise de la vache folle, le bœuf français (très apprécié) a fait son retour en Chine en novembre 2018 », rappelle Jean-Paul Simier. Mais seules 30 000 t de viande seraient exportées en Chine !
Par ricochet, le marché européen perd un certain intérêt pour les pays océaniens et sud-américains, exportateurs de viande ovine, bovine et de volailles. Ils réorientent déjà leurs ventes vers la Chine, plus proche. Mais tous les éleveurs de la planète pourraient profiter d’une conjoncture de prix favorable.
éleveurs+viande+bovins