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À l’occasion de la réunion des ministres de l’Agriculture de l’UE du 23 janvier, Janusz Wojciechowski a fait part de l’intention de la Commission européenne de publier, le 29 janvier, son étude sur les effets cumulés des accords de libre-échange dans le secteur agroalimentaire. Celle-ci prendra la forme d’une mise à jour de l’analyse publiée en 2016, déjà actualisée en 2021. Attendue depuis plusieurs mois par les professionnels et les États membres, cette publication s’inscrit dans un contexte où les sensibilités agricoles vis-à-vis de la politique commerciale de l’UE resurgissent, entre la hausse significative des importations de certains produits agricoles en provenance d’Ukraine ou la négociation d’accords de libre-échange controversés, comme celui avec le Mercosur.

Didier Bouville

 Alors que les négociations commerciales annuelles s’achèveront le 31 janvier pour les plus grandes entreprises (elles sont closes depuis le 15 janvier pour les PME et ETI), la Coopération agricole (LCA) dresse un constat «alarmant» des discussions en cours, d’après un communiqué du 23 janvier. Certains distributeurs «renient le principe de non-négociabilité du prix des matières premières agricoles» instauré par la loi Egalim 2, affirme la fédération des coopératives. Les coûts de production agricoles «ne sont pas pris en compte» par ces enseignes, dénonce-t-elle. Par ailleurs, ces distributeurs «refusent de reconnaître la hausse des coûts de production industriels (énergie et salaire)».

La Coopération agricole note enfin «l’abandon de l’origine France pour passer à une origine UE dans certains produits sous marque distributeur». Ces derniers jours, plusieurs organisations avaient déjà alerté sur des pressions portant sur les prix des matières premières agricoles, à l’image de la Fnil (laiteries privées) ou encore de la FNSEA. De son côté, dans un contexte de mobilisations des agriculteurs, le ministre de l’économie Bruno Le Maire a promis le 20 janvier que l’État «multipliera dès la semaine prochaine les contrôles» liés aux négociations commerciales.

Eva DZ

Le mouvement des agriculteurs a été endeuillé, le 23 janvier, par la mort d’une exploitante dans l’Ariège, renversée par une voiture qui a foncé sur un barrage de manière non intentionnelle, selon les premiers éléments de l’enquête. Les victimes – une agricultrice de 35 ans, son conjoint de 40 et leur fille de 14 ans, selon le préfet – ont été renversés mardi entre 5h30 et 6h sur un barrage routier d’agriculteurs à Pamiers. Les trois occupants de la voiture qui a foncé sur le barrage, «un couple et une de leurs amies, tous trois de nationalité étrangère» selon le parquet (de nationalité arménienne selon une précision du préfet), ont été placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête ouverte notamment pour homicide involontaire aggravé. «Les faits en cause ne paraissent pas revêtir un caractère intentionnel», a souligné le parquet, mettant en avant la très faible luminosité sur place «en pleine nuit», «sans éclairage public». Le véhicule, qui s’était engagé sur la RN 20 alors que l’accès en était interdit, a percuté un mur de paille qui était «recouvert d’une grande bâche noire», derrière lequel des manifestants se restauraient. «Dans le moment particulier que vit l’agriculture, ce genre de drame est difficile à vivre», a déclaré le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, sur RMC. «L’ampleur de ce qui est en train de se préparer ne sera pas modifiée par ce drame», a-t-il souligné ensuite, ajoutant: «Les combats continuent».

Didier Bouville

Les tarifs négociés avec la grande distribution par les PME et ETI laitières n’ont pas ou peu évolué par rapport à 2023, indique le président-directeur général de la Fnil, François-Xavier Huard, à Agra Presse. «Une partie du monde de la grande distribution a un problème avec l’option 3 d’Egalim», rapporte-t-il. Pour rappel, cette option de transparence prévoit que la part du tarif relevant de la matière première agricole (MPA) – et donc non négociable – soit certifiée par un commissaire aux comptes. «Les entreprises sont arrivées avec les attestations des commissaires aux comptes. Certaines ont même montré des factures et, malgré cela, la MPA a été un enjeu des négociations», affirme François-Xavier Huard. Les plus grands groupes ont encore jusqu’au 31 janvier pour signer. «Les quinze jours qui viennent sont importants», observe de son côté le président de la Coopération laitière, Pascal Le Brun. D’après un sondage réalisé par l’organisation, «le bilan n’est pas satisfaisant» pour les coopératives ayant négocié au 15 janvier. Alors qu’elles demandaient des hausses «entre 2 et 4%» et elles n’ont obtenu qu’une simple «reconduction» des tarifs de 2023, explique Pascal Le Brun à Agra Presse. «Après dix années de déflation qui ont tué l’amont, on avait l’impression d’avoir été compris, mais non.» Dans ce contexte, il craint que «le prix du lait ne soit pas au rendez-vous».

Didier Bouville

Des producteurs britanniques de fruits et légumes devaient manifester le 22 janvier à Londres, pour protester contre les conditions commerciales jugées «injustes» avec la grande distribution anglaise, rapporte l’AFP. Symboliquement, ils ont érigé 49 épouvantails devant le Parlement, représentant les 49% de producteurs susceptibles d’arrêter leur activité dans les douze prochains mois. Cette manifestation se déroulait le jour où les députés anglais devaient débattre d’une pétition les appelant à revoir complètement le Code de bonnes pratiques entre distributeurs et fournisseurs agricoles. Lancée à l’initiative de l’entreprise Riverford Organic (paniers de fruits et légumes dans le Devon), elle a reçu plus de 112 000 signatures. Un porte-parole du ministère de l’Environnement, de l’alimentation et des affaires rurales a déclaré qu’il «est normal que les agriculteurs et les producteurs britanniques reçoivent un prix équitable, et notre examen de l’équité de la chaîne d’approvisionnement contribuera à répondre à ces préoccupations». Les syndicats agricoles avaient déjà envoyé une lettre ouverte aux distributeurs en 2023, affirmant que leurs pratiques d’achat sont «trop souvent déséquilibrées, court-termistes et inutiles», poussant les agriculteurs à devoir «lutter pour survivre».

Didier Bouville

À la sortie d’un entretien le 22 janvier au soir avec le Premier ministre Gabriel Attal, le président de la FNSEA Arnaud Rousseau – qui était accompagné par le président des Jeunes agriculteurs, Arnaud Gaillot –, a indiqué qu’il n’y aurait «pas de levée des actions» menées par les deux syndicats tant qu’il n’y aurait «pas de décisions concrètes» de l’exécutif. «On a besoin d’actions très concrètes et donc ce qu’on a dit au Premier ministre, c’est qu’aussi longtemps qu’il n’y aurait pas de décisions concrètes (…), il n’y aura pas de levée des actions menées sur le terrain», a déclaré Arnaud Rousseau devant les journalistes, assurant que le monde agricole «ne se contentera pas de mesurettes». Sur le sujet du GNR, la FNSEA a notamment demandé une «remise immédiate en pied de facture». Par la voix du ministre de l’Agriculture, le gouvernement a quant à lui promis des annonces rapides: «Le Premier ministre a affirmé clairement sa volonté (…) d’aller vite, dans la semaine pour un certain nombre de premières annonces», a déclaré Marc Fesneau à la sortie de cette réunion. Parmi les sujets les plus urgents figurent celui des «négociations commerciales» sur les prix de l’alimentation, celui des «crises que traversent un certain nombre de secteurs» et certains sujets en termes de «simplification», a-t-il ajouté. Plus tôt dans la journée, le président de la FNSEA Arnaud Rousseau avait annoncé, sur France Inter, le lancement d’actions syndicales dans toute la France, appelant le gouvernement à entendre leur «ras-le-bol» et leur «colère». «Je peux vous dire que dès aujourd’hui et toute la semaine et aussi longtemps qu’il sera nécessaire, un certain nombre d’actions vont être menées», a déclaré M. Rousseau. Ces actions concerneront «chaque département», a-t-il dit.

Didier Bouville

La production française de viande bovine devrait reculer de 1,2% en 2024 (à 1,282 Mtéc), une chute qui ralentirait après «deux années consécutives de baisse de l’ordre de 5%», selon les prévisions de l’Institut de l’élevage (Idele) publiées le 19 janvier. Principale explication: la décapitalisation «a décéléré courant 2023», pour les bovins viande comme pour les bovins lait. «Ce ralentissement de la décapitalisation pourrait se poursuivre en 2024 pour se situer en fin d’année à -1,7%» pour les vaches allaitantes. Idem en vaches laitières (-1,6%), grâce à «un prix du lait attractif pour les producteurs et des stocks fourragers plutôt conséquents fin 2023», estime l’institut technique. Toutefois, certains pans de la production devraient continuer à reculer fortement: les exportations de broutards sont attendues en chute de 5% sur 2024 (à 942 000 têtes), «du fait de la contraction des disponibilités et d’une relocalisation partielle de l’engraissement en France». Et la production de veaux de boucherie devrait connaître une chute comparable. Par ailleurs, l’Idele prévoit «une quasi-stabilité de la consommation par bilan en 2024 (-0,5%/2023)», à 1,43 Mtéc. Ce qui devrait profiter aux importations (+3%) dans un contexte de baisse des abattages et de rebond des exportations (+2,2%).

Didier Bouville

La mobilisation des agriculteurs occitans se poursuivait le dimanche 21 janvier, l’autoroute A64 étant toujours coupée près de Toulouse pour une quatrième journée consécutive, tandis qu’un barrage filtrant doit être installé sur une route nationale de l’Ariège. A hauteur de Carbonne, à quelque 45 km au sud-ouest de la Ville rose, les manifestants continuent de tenir un camp de fortune installé sur les deux fois deux voies de l’autoroute vers Bayonne, selon Bison futé et un participant sur place. Une réunion de près de trois heures samedi après-midi, entre le préfet d’Occitanie Pierre-André Durand et cinq représentants du monde agricole, n’a pas permis de décider de la levée du barrage, au «regret» de M. Durand. Dimanche, c’est en Ariège qu’une nouvelle opération devrait être menée. Un barrage filtrant doit être installé sur un rond-point à Tarascon-sur-Ariège à partir de 14h, a averti la préfecture départementale. «Des difficultés importantes de circulation sont attendues dans les deux sens de circulation», prévient le préfet du département pyrénéen dans un communiqué, appelant les automobilistes à «anticiper leurs déplacements». Les agriculteurs occitans multiplient depuis quelques mois les actions en vue d’obtenir de l’Etat le déblocage en urgence d’aides conséquentes, notamment face au renchérissement du carburant, d’une maladie bovine, et une politique de l’eau favorable à l’irrigation des cultures.

Didier Bouville

Les manifestations d’agriculteurs qui se multiplient dans plusieurs pays traduisent «un mouvement de colère» contre l’Union européenne «qui veut la mort de notre agriculture», a déclaré le 20 janvier Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national pour les élections européennes. «Il y a un mouvement de colère qui est en train de se lever partout en Europe et le point commun de ce mouvement de colère c’est l’Union européenne et l’Europe de Macron qui veut la mort de notre agriculture (…) et qui refuse aux agriculteurs le droit de vivre de leur travail», a déclaré l’eurodéputé lors d’un déplacement chez un éleveur laitier à Queyrac (Gironde), dans le Médoc. «Cette incapacité à vivre de son travail et le refus de dépendre d’aides permanentes» est «probablement le coeur de ce mouvement de colère», a-t-il ajouté, après avoir visité l’exploitation et longuement caressé une vache. M. Bardella a fustigé les accords de libre-échange signés par l’UE avec d’autres pays – dont l’agriculture devrait être exclue selon lui -, l’absence de «patriotisme économique» pour «protéger nos intérêts», ou encore les «normes toujours plus dures et toujours plus lourdes qu’on impose aux agriculteurs français». Selon lui, les prochaines «élections européennes sont un enjeu de civilisation», notamment «celui de demeurer dans les années qui viennent une grande puissance agricole». «La France a toujours été une grande puissance agricole, ça fait partie de notre héritage, de notre patrimoine, ça a façonné nos territoires. Je refuse de laisser mourir nos agriculteurs», a-t-il plaidé.

Didier Bouville

«Ça partait de bonnes intentions, mais ça ne marche pas, les agriculteurs manquent de conseil», a déclaré le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau à l’occasion des 10es rencontres du biocontrôle d’IBMA (fabricants), à Angers le 17 janvier, rapportent nos confrères de Réussir Fruits et légumes. Sa déclaration intervient après la parution de deux rapports parlementaires, l’un en juillet, l’autre en décembre, qui avaient pointé l’inefficacité du dispositif prévu par la loi Egalim 1. Dans son discours de vœux le 17 janvier, le président de la Coopération agricole, Dominique Chargé, a demandé un «support législatif» pour mettre fin à «l’interdiction d’accompagner les agriculteurs et donc [à] cette fausse bonne idée de la séparation de la vente et du conseil». Plusieurs pistes sont possibles au Parlement, d’après l’un des auteurs des deux rapports, le député socialiste Dominique Potier: l’intégration au projet de loi d’orientation et d’avenir (PLOA) – mais le gouvernement semble parti pour un texte resserré autour de la seule question de l’installation-transmission; l’intégration à la future loi Pacte 2 (simplification); ou encore une proposition de loi transpartisane dédiée. Pour cette dernière option, Dominique Potier souhaiterait intégrer un volant de mesures destinées à créer «un conseil agronomique global annuel et universel sous l’autorité des chambres d’agriculture».

Didier Bouville