National | Par Didier Bouville

Élevage et consommation de viande : nouvelles injonctions à la baisse

L’institut de l’économie pour le climat, (I4CE), filiale de la Caisse des dépôts, vient de publier deux rapports. Le premier, intitulé « Transition de l’élevage : gérer les investissements passés et ceux à venir » fait le constat de la baisse du cheptel allaitant et laitier depuis vingt ans, et incite à poursuivre cette courbe. Le second rapport, « réduction de la consommation de viande : des politiques publiques bien loin des objectifs de durabilité » suggère de réduire la consommation.

Le cheptel de vaches laitières a diminué de 17 % entre 2000 et 2020. Le troupeau allaitant a baissé de 11 % depuis 2016. La décapitalisation est en cours dans la filière porcine. Ce phénomène s’explique par des raisons démographiques, mais « cette réduction, signale le rapport, va, et doit continuer, afin de répondre aux objectifs climatiques de la stratégie nationale bas-carbone. » « Le sujet est tabou, pas assumé, » déclare Claudine Foucherot, directrice du programme agriculture, de l’Institute for Climate Economics (I4CE). Pour cette ingénieure agronome « ne pas accepter cette réalité, c’est se priver des moyens de l’accompagner » et notamment d’aider les éleveurs qui partent en retraite et qui ont du mal à céder leur exploitation en raison de sa taille. Elle fait référence aux « actifs échoués », désormais inutilisables et donc invendables dans un contexte de réduction de l’élevage. Le rapport recommande donc d’arrêter de « gonfler les actifs » et de flécher les investissements vers des systèmes durables et résilient.

Réduire la consommation de viande de 20 à 70 %

Le deuxième rapport a trait à la consommation de viande et constate, à regret, que celle-ci reste stable quand elle n’augmente pas. C’est le cas pour la volaille et les produits transformés contenant de la viande. Résultat : avec la baisse de la production française, cela entraîne une augmentation des importations. Mais ce maintien de la consommation va surtout à rebours de tous les scénarios visant la neutralité carbone en France et en Europe d’ici 2050. Pour Lucile Rogissart, économiste et auteur de ce rapport, « il faudrait baisser la consommation de viande de 20 à 70 %, et cela ne veut pas dire remplacer la viande rouge par du porc ou de la volaille. » Mathieu Saujot, économiste à Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), estime « qu’il faut changer de braquet sur l’alimentation, emmener toute la population à modifier ses habitudes, aller vers moins mais mieux. » Les auteurs du rapport se posent toutefois la question de savoir s’il est légitime d’intervenir sur les pratiques alimentaires. Leur réponse est positive quand les enjeux sont sociaux et environnementaux. Le rapport préconise ainsi de changer l’offre en valorisant les produits végétariens et de modifier l’image des produits carnés dans la publicité ou les programmes scolaires. Il s’interroge également sur l’éventualité de renforcer la TVA sur la viande, comme cela fût proposé mais jamais acté en Allemagne en 2019.

La réponse de l’éleveur

Bruno Dufayet, éleveur de vaches Salers dans le Cantal et ancien président de la Fédération nationale bovine (FNB), n’a pu que constater le déclin du troupeau allaitant et la fragilité de l’élevage. 830 000 vaches en moins, soit 10 % du cheptel depuis 2016, un quart d’éleveurs en moins en dix ans, et la moitié d’entre eux proches de la retraite aujourd’hui. Comment concilier ce recul sans mettre à mal des territoires de montagne ? « L’enjeu, déclare t-il, est de donner une définition de ce qu’est l’élevage durable. Comment avoir une viande issue d’un cheptel durable ? » « Il faut allier nos forces », a t-il lancé aux auteurs des rapports, « avoir une orientation politique forte, en précisant des notions essentielles pour un modèle d’élevage, comme le lien au sol, la part d’herbe et donc le chargement ». Il a insisté sur la nécessité de donner un cap aux jeunes qui vont s’installer en élevage, « car ils font partie de la société et ils veulent être acteurs de cette transition. » Il a conclu enfin en rappelant qu’il ne suffit pas de décider une baisse de la consommation pour que le consommateur l’adopte.

La rédaction

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