National | Par eva dz
Charlotte Jacquet et Alexandre Asmode, ingénieurs agronomes formés à Vet’Agro Sup ont créé leur chaîne sur Youtube, l’Oiseau bondissant. Ils sont auteurs et co-réalisateurs de documentaires vulgarisant les pratiques agricoles. L’un de leur court-métrage sur le techno-pâturage a été diffusé au Sommet de l’élevage.
Vu de drone, on remarque bien les différentes cellules de pâturage, les différents stades des prairies pour mieux comprendre la technique du techno-pâturage.
Capture d’écran du documentaire Carbone pâturé – Oiseau bondissant.
Charlotte Jacquet et Alexandre Asmode vont à la rencontre d’agriculteurs qui «proposent des solutions incroyables». Ces deux ingénieurs agronomes diplômés de Vet’Agro Sup se disent «vulgarisateurs agro-naturalistes», «transmetteurs de savoirs scientifiques sur l’agro-écologie pratique et réaliste».
Issu de la technique d’un agronome français
Leur documentaire «Carbone pâturé, l’élevage pour la nature» donne la parole à Agnès et André Delpech, éleveurs ovins dans le Lot, qui pratique le technopâturage, une gestion fine du pâturage de leurs brebis, toute l’année, sur de petites cellules et sur de courte durée.
A la tête d’un troupeau de 1 500 brebis de race Causse du Lot, adaptée aux parcours de ce territoire, la Ferme de Fargues pratique le pâturage tournant dynamique qui permet d’optimiser la pousse de l’herbe. Cette technique a été développée par un agronome français, André Voisin qui l’a développé notamment en Nouvelle Zélande dans les années 50, là où l’élevage est pratiqué en plein air, sans bâtiment. «Le technopâturage nécessite une gestion très fine, au quotidien en fonction de la pousse de l’herbe», témoignent les deux éleveurs dans le documentaire. En pratique, Agnès et André font pâturer des lots d’une centaine de brebis sur de petites cellules pendant 2 jours intensifs puis passent à une autre parcelle. «Nous améliorons le pâturage par le rationnement de nos brebis, c’est-à-dire que le premier jour, les brebis mangent plus que de besoin, le deuxième jour elles raclent et le troisième jour on passe sur une autre parcelle et ainsi de suite», explique Agnès. «Cette pratique oblige les brebis à tout manger et à ne pas trier simplement les jeunes pousses. Et cela favorise la repousse de la prairie. On s’est ainsi aperçu que l’herbe pousse même l’hiver !», complète l’agricultrice. «Cette technique semble simple mais elle est en fait très précise et adaptative quasiment au quotidien en fonction de la météo. Une conduite naturelle qui coûte 4 à 5 fois moins cher qu’une ration stockée en bergerie», avance Alexandre Asmode. Car à la ferme de Fargues, point de bergerie, les brebis pâturent toute l’année ! Les animaux sont aussi moins malades car moins soumis au parasitisme, ils ne restent pas longtemps au même endroit.
Les prairies multi-espèces sont équilibrées et les agneaux sont juste un peu complémentés à la fin de leur engraissement pour le label rouge Agneau fermier du Quercy. «Les plantes herbacées sont suffisamment variées pour apporter de la diversité aux brebis», avance André. Et pour augmenter la productivité de leurs prairies, pas d’engrais, les exploitants pratiquent le sur-semis : «Nous avons fait beaucoup de tests avant de trouver le bon mélange !», témoignent-ils. Alexandre Asmode explique alors que la plante capte le carbone dans l’air pour grandir et le stocker dans le sol. En plus des prairies, les brebis pâturent également dans les sous-bois, un bon moyen pour éliminer la couche basse de l’herbe et préserver les bois des incendies. Des brebis qui entretiennent et protègent le territoire.
Des prairies multi-espèces bien équilibrées
Pour déplacer leurs lots de brebis, Agnès et André ont chacun leur quad qu’ils ont équipé sur-mesure, en plus de leurs chiens de troupeau qui guident les brebis. «Avec nos quads, nous mettons en place et déplaçons rapidement les clôtures électriques, nous roulons dessus avec nos quads sans les abîmer ainsi nous n’avons pas besoin de portail. Nous réalisons également les semis de prairies avec le quad, nous n’avons pas de tracteur», témoignent les agriculteurs.
Le technopâturage n’est pas sans contrainte pour les éleveurs : changer régulièrement les clôtures, entretenir les chemins pour un accès facilité, installer un abreuvoir dans chaque cellule de pâturage (ou le placer au centre pour desservir plusieurs cellules, sous forme d’étoile). La surveillance est quotidienne et globale (état des prairies, précipitations, taille des parcelles, saison,…). «Pour gérer la forte pousse du printemps, les brebis passent plus vite sur les parcelles et en hiver, le pâturage n’a aucun impact sur la repousse au printemps. C’est une approche sur-mesure», résument Agnès et André.
Leur fille, Marie, ingénieur agro, se sent prête à suivre les traces de ses parents : «C’est un système qui peut paraître compliqué mais nous aurons toujours besoin des brebis pour entretenir nos paysages, notre territoire. Les prairies sont bien plus que des espaces laissés sauvages».
Eva DZ
Retrouver le documentaire Carbone pâturé sur la chaîne Youtube de l’Oiseau bondissant.