National | Par Didier Bouville
Réunis à Luxembourg, le 25 avril, les ministres de l’Agriculture ont consacré une partie de l’ordre du jour à la crise provoquée par les arrivées massives de produits agricoles ukrainiens sur les marchés agricoles d’Europe orientale.
Ordre du jour chargé au Conseil des ministres européens de l’Agriculture à la suite des mesures unilatérales prises par des États membres d’Europe orientale. Le 15 avril dernier, le gouvernement polonais a adopté un règlement interdisant l’importation de produits agricoles en provenance d’Ukraine. Entré en vigueur immédiatement jusqu’au 30 juin, il concerne non seulement les céréales et le sucre mais aussi la plupart des produits agricoles, les fruits et légumes, les vins, les viandes bovine, porcine et ovine, les produits laitiers, les œufs et le miel. Le même jour, le gouvernement hongrois a annoncé l’interdiction d’importation de céréales et d’oléagineux en provenance d’Ukraine ainsi que de plusieurs autres produits agricoles. La mesure s’applique également jusqu’au 30 juin.
Doublement des importations agricoles
La Pologne et la Hongrie ont été suivies par la Slovaquie et la Bulgarie dont les marchés sont également perturbés par les importations de produits agricoles et alimentaires en provenance d’Ukraine. En effet, depuis juin 2022, les autorités européennes ont supprimé les barrières douanières sur les importations en provenance d’Ukraine pour soutenir l’effort de guerre contre la Russie. Conséquence ces importations ont pratiquement doublé en 2022 passant de 7 à 13 milliards d’euros, ce qui a provoqué un effondrement des prix sur ces marchés d’Europe orientale. En Pologne d’ailleurs, le ministre de l’Agriculture Henryk Kowalczyk a été contraint de démissionner sous la pression des manifestations paysannes considérant qu’il n’était pas assez ferme vis-à-vis de l’arrivée massive des produits agricoles ukrainiens. Il a été remplacé depuis par Robert Telus.
Il y a quelques semaines, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen a annoncé une enveloppe de 56,3 millions d’euros destinée aux producteurs de céréales et d’oléagineux de Bulgarie, Pologne et Roumanie, ces États étant autorisés par ailleurs à doubler la mise. Sans faire baisser la tension dans ces pays. Lors du Conseil des ministres du 25 avril, le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski a confirmé l’ouverture d’une seconde tranche de 100 millions d’euros, déjà promise par la présidente de la Commission, avec la possibilité pour les États concernés de la porter à 200 millions d’euros.
Clause de sauvegarde en vue
En parallèle, à la demande de la Pologne, le Commissaire envisage d’appliquer des clauses de sauvegarde, c’est-à-dire l’arrêt des importations de certains produits agricoles, à compter du 5 juin 2023, « jusqu’à la fin de l’année éventuellement », a-t-il précisé. En suspendant ces importations, la Commission vise à contrecarrer immédiatement la détérioration de la situation des agriculteurs concernés, à savoir les producteurs de blé, de maïs, de colza et de tournesol. En revanche, le transit de ces produits dans ces États pour une autre destination finale serait autorisé.
Le moins que l’on puisse dire est que les ministres de l’Agriculture sont relativement partagés sur l’analyse de la situation créée, les uns mettant plutôt l’accent sur le soutien à apporter à l’Ukraine, d’autres sur le bon fonctionnement du marché intérieur. L’Espagne et le Portugal ont plaidé pour la réexportation des volumes de céréales. L’Espagne, mais aussi la France et l’Irlande ont fait valoir la contradiction qu’il y a entre l’adoption de mesures unilatérales et une demande de solidarité accrue de la part de l’Union européenne. « Il faut réagir en tant qu’Union, trouver des solutions sans compromettre la solidarité avec l’Ukraine », a résumé sans préciser davantage, Peter Kullgren, le président suédois du Conseil des ministres.
La rédaction