Aveyron | Par Elisa Llop
Aurélien Viala est éleveur d’ovins et producteur de lait pour Roquefort, pour la Maison Carles. Installé à Coudayrolles, sur la commune de Martrin, dans l’exploitation familiale depuis plusieurs générations, le Roquefort, là-bas, est aussi une question trans-générationnelle.
En effet, l’aventure familiale commence avec l’arrière grand-père d’Aurélien, qui entre autres des activités de sa ferme, produit déjà du lait de brebis pour Roquefort. « Mais pour les quantités, c’était presque de l’ordre du symbolique, rien à voir avec les quantités d’aujourd’hui », explique Aurélien. « Puis dans les années 70, mon grand-père a repris le corps de ferme et s’est spécialisé dans le lait de brebis. Puis c’était le tour de mon père en 1981 qui a bien développé notre élevage en ce sens ».

Depuis 4 générations
Dans sa jeunesse, bien qu’il soit régulièrement présent sur l’exploitation pour donner un coup de main, Aurélien ne songe pas immédiatement à poursuivre la destinée familiale. «Jusqu’au lycée, j’ai suivi un parcours général avec un Bac S. Puis j’ai intégré l’école de Purpan à Toulouse pour un cursus en 5 ans comme ingénieur agri. A cette occasion j’ai effectué des stages dans des exploitations laitières bovines en Bretagne mais aussi en Australie, pour voir autre chose. Ce fut très intéressant». Après une période en tant que commercial dans le photovoltaïque, le jeune homme reprend finalement l’exploitation familiale . Il s’y installe donc en 2018, en GAEC avec son père, avant que celui-ci prenne sa retraite récemment.
Depuis, il est installé en individuel, entouré de Samuel, son employé à mi-temps et de Baptiste, son apprenti depuis cette année. Et bien sûr, il peut également compter sur son père pour l’épauler de temps en temps si besoin.
«Depuis les années 70, nous sommes restés sur le même modèle d’élevage et d’exploitation. Cela correspond très bien pour 2 personnes au travail en moyenne». Aurélien y a entrepris quelques travaux, comme en 2020 en refaisant la salle de traite, ou en 2023 en renouvelant le système de ventilation ainsi que le toit de la bergerie…
Aujourd’hui, l’exploitation de près de 400 brebis, comprend 90 hectares, dont 30 de prairies permanentes, 20 ha environ d’orge, et le reste en productions variées comme ray-grass, luzerne… En moyenne, 1500 hectolitres de lait, à destination de Roquefort, sont produits annuellement.
«Nous sommes un élevage en sélection et j’ai un système classique. A cette saison, mes brebis pâturent plutôt en matinée pour les préserver de la chaleur. Jamais de nuit. Je n’ai jusque là ni eu de problème de prédation, ni sanitaire, je touche du bois».
La fierté de produire pour Roquefort
Sur son fromage fétiche, il déclare : «Etre éleveur et producteur de lait pour Roquefort est une fierté. Ce n’est pas n’importe quel fromage, déjà, puis notre cahier des charges, notre méthode d’élevage est qualitative, vertueuse en elle-même». Une méthodologie modèle mais exigeante, forcément.
«On observe une baisse de consommation du Roquefort depuis une dizaine d’années. Ce n’est pas facile pour nous, d’autant plus avec nos conditions et exigences du cahier des charges». Si certains producteurs ont pu ressentir du découragement, paradoxalement, le Roquefort semble toujours populaire auprès des nouvelles générations qui s’installent, en ovins, et, localité et identité forte oblige, souhaitent se tourner vers le Roi des Fromages. A l’instar de Baptiste, l’apprenti d’Aurélien, en formation à La Cazotte, non issu d’une famille agricole et d’origine héraultaise.
«De mon côté, malgré tout cela, je suis toujours fier de produire pour Roquefort». D’autant que certaines choses tendent à évoluer. «Pour moi comme pour mes collègues, il est très important d’avoir des conditions de travail ainsi qu’un emploi du temps équilibrés, laissant place à une vie de famille et suffisamment de temps libre. Ce que j’applique personnellement». Une condition générale des nouvelles générations tout à fait compatible avec l’excellence de la production laitière Roquefort, donc.
Impliqué au sein des JA (comme administrateur), sur sa commune (comme premier-adjoint), mais surtout comme administrateur à l’APLBR, Aurélien s’est ainsi spontanément attelé, au-delà de la promotion du Roquefort «comme fromage de fête à réinventer», au renouvellement des générations et à l’installation. Le Roquefort continue donc de rimer avec transgénérationnel.
Elisa Llop