Aveyron | Par La rédaction
Jeunes Agriculteurs Aveyron et le Groupe de Camboulazet avec le soutien du Département, reprennent leur cycle de conférences. La première de la saison se déroule mardi 25 novembre à 20h30, aux Archives Départementales sur le thème de la transmission agricole «Entre héritage et avenir». Ils sont accompagnés de la FDSEA, du Point Accueil Installation Transmission de la Chambre d’agriculture Aveyron et des acteurs aveyronnais qui œuvrent pour le renouvellement des générations en agriculture.
Dominique Jacques-Jouvenot, professeur émérite en université de sociologie de Franche-Comté, animera cette conférence. Cette socio-anthropologue a consacré sa carrière aux problématiques de la ruralité et de l’agriculture. «Quand on commence à travailler pour le monde paysan, on ne s’arrête pas !», témoigne-t-elle. Elle s’est notamment penchée sur l’organisation du travail, le suicide en agriculture, la transmission… thème sur lequel elle a écrit deux ouvrages dont Le choix du successeur. Ses travaux de recherche ont essentiellement porté sur le secteur de l’élevage, alimenté par des échanges avec des agriculteurs, agricultrices, de toutes générations mais aussi des conseillers, techniciens de structures en charge de l’installation – transmission.
«La question du renouvellement des générations se pose partout, elle est en effet cruciale», note-t-elle. Mais selon elle, elle doit être «pensée autrement que sous le prisme d’un problème». «Certes il y a la dimension économique qui doit être anticipée, pour assurer la réussite d’une transmission. Mais il n’y a pas que cet aspect !», avance-t-elle, évoquant la dimension sociale «parfois oubliée».

«Ne pas oublier la dimension sociale d’une transmission»
«Les jeunes générations s’inscrivent dans une logique de développement et ne pensent pas aux rapports relationnels qu’ils soient au sein même de leur famille, si ce sont leurs parents qui cèdent ou en dehors, s’ils ne sont pas issus du milieu. Et pourtant, eux aussi conditionnent la réussite d’une transmission, pour les cédants comme pour les repreneurs».
Dominique Jacques-Jouvenot évoque également la difficulté de parler transmission : «c’est parfois un sujet tabou, qui gêne et dont on parle peu !». Le poids de l’héritage, du patrimoine, et les «dommages collatéraux» qu’ils peuvent engendrer au sein des familles dans les questions de partage par exemple : «dans ce contexte, il n’est pas toujours si facile de parler transmission, de transmettre».
Pour autant, la socio-anthropologue veut relativiser ce processus de transmission : «Contrairement à ce que beaucoup pensent, la transmission n’est pas propre au monde paysan. A titre personnel, j’ai beaucoup apprécié de former la personne qui me remplace mais pour autant j’aurai bien encore continué ma mission un peu !». La transmission n’est donc pas chose aisée, dans quelque domaine d’activité que l’on soit ! «Mais c’est sûr qu’en agriculture, les cédants restent parfois sur place, à proximité de ceux qui leur succèdent et parfois même viennent leur donner un coup de main… La transition n’est pas toujours facile, ni pour les uns, ni pour les autres !», continue la spécialiste.
Un acte anthropologique
La transmission est selon Dominique Jacques-Jouvenot, «un acte anthropologique». «Personne ne coupe à transmettre son savoir-faire, y compris quand on travaille à l’usine ! Mais je comprends l’attachement supplémentaire dans le monde paysan, à un patrimoine…».
Réussir sa transmission n’est pas sans pression. «C’est en agriculture, transmettre ce qu’on a passé une vie (voire quelques générations avant nous) à construire. La pression peut parfois être forte…», convient Dominique Jacques-Jouvenot.
Une question existentielle
«Observatrice» de ce qui se passe autour de la transmission, la socio-anthropologue ne veut en aucun cas, donner de leçons. «Lorsque j’entends des techniciens, des conseillers, parler de cette question de transmission, ils insistent sur la nécessité d’anticiper. C’est bien gentil mais c’est très difficile ! Personne ne le fait dans aucun métier ! A 55 ans, on ne se pose pas la question de savoir qui prendra la suite !», interpelle-t-elle. «Faire se rencontrer cédants et repreneurs, c’est une bonne initiative mais la rencontre ne doit pas seulement rester sous l’ordre économique. Il faut aider les personnes à réfléchir sans dramatiser le processus de transmission», conseille-t-elle.
«Transmettre fait partie de la vie, on n’y peut rien ! Et il ne faut pas dramatiser le fait qu’une transmission n’a pas été prévue. On dit partout qu’il faut anticiper sa retraite mais au fond, ça veut dire quoi ?! C’est une question existentielle, très personnelle et qui nécessite parfois un chemin pour l’envisager… D’autant plus quand le professionnel se mêle à la vie privée dans le cadre familial».
Et de conclure : «Oui le volet économique d’une transmission s’anticipe et nécessite d’être bien cadré par un nombre important d’intervenants. En revanche, chacun doit aborder la dimension sociale à son rythme, se sentir prêts à céder, à passer à autre chose». Dominique Jacques-Jouvenot attend beaucoup de cette conférence à Rodez. «J’espère que le public sera mixte entre la jeune génération et un public plus âgé car la transmission est perçue différemment par chacun. L’échange n’en sera que plus intéressant !», prédit-elle.
Eva DZ
Entrée libre mardi 25 novembre à 20h30 aux Archives Départementales à Rodez – avenue Victor Hugo.


