National | Par eva dz

«Contractualiser pour prendre en compte nos coûts de production»

Eleveur en Saône-et-Loire et coordinateur du Berceau des races à viande, Christian Bajard invite les éleveurs à faire sans tarder une proposition de contrats à leurs acheteurs. Dans leur intérêt et comme le prévoit désormais la loi.

Pourquoi les éleveurs doivent-ils proposer un contrat à leur acheteur ?

Christian Bajard : L’enjeu est très important. Jusqu’à présent, au sein de la filière nous avons essayé beaucoup de choses pour permettre aux éleveurs d’être rémunérés au juste prix. C’est une demande incessante que nous avons porté au sein de nos sections bovines départementales, régionales, du Berceau des races à viande, de la Fédération nationale bovine. Force est de constater que souvent nous nous sommes heurtés aux mêmes réticences, et à des résultats très mitigés. Aujourd’hui, avec la contractualisation obligatoire, la situation change profondément car elle redonne la main aux éleveurs. C’est une opportunité inédite pour enrayer le déclin de la production bovine, pour donner envie et de la lisibilité aux jeunes, et surtout sortir d’une spirale de crises successives.

Comment promouvoir la contractualisation auprès des éleveurs ?

C.J. : Parce qu’avec la loi Egalim 2, la contractualisation d’une part devient obligatoire et qu’elle implique le respect des coûts de production des éleveurs, et pas n’importe lesquels, ceux de l’Idèle validé par l’interprofession établis tous les semestres. Nous avons bien conscience que cela constitue une révolution dans notre secteur, mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. On ne peut pas d’un côté se plaindre que les prix sont trop bas, et de l’autre ne rien faire pour que les choses changent.

Que répondez-vous à certains qui considèrent la contractualisation comme une atteinte à leur liberté ?

C.J : La liberté est assez limitée quand on ne couvre pas ses coûts de production. On ne peut pas refuser d’aller chercher un outil qui permet d’être mieux rémunéré. Une fois le contrat proposé par l’éleveur, on entre dans un processus de négociation avec les opérateurs, qui eux-mêmes, vont devoir porter les contrats auprès des abatteurs et distributeurs. Le processus n’a rien de figé bien au contraire. Tout le monde a peur du changement, et chacun l’aime le plus souvent pour les autres. Si la responsabilité de proposer des contrats incombe à chacun, c’est collectivement que nous serons en mesure de dépasser les difficultés.

Sur le terrain, les questions sont nombreuses. A qui les éleveurs peuvent-ils s’adresser pour se faire aider ?

C.B. : Les éleveurs ne doivent pas rester seuls face à leurs interrogations. C’est pourquoi, depuis l’automne, des réunions d’information sont organisées dans la plupart des départements par le réseau syndical. Certaines chambres d’agriculture devraient proposer un accompagnement, tout comme certaines organisations de producteurs non commerciales. Aujourd’hui, la plupart des éleveurs savent qu’ils ont ce contrat à remplir et à proposer à leurs premiers acheteurs et sont donc plus réceptifs aux réunions. A terme, plus personne ne devrait pouvoir acheter de gros bovins sans un contrat. En revanche, foires et marchés, concours d’animaux de boucherie et animaux reproducteurs en sont exemptés. L’éleveur a la liberté de signer son contrat avec qui il veut. Il peut signer plusieurs contrats pour la même catégorie d’animaux avec plusieurs acheteurs.

En quoi cette nouvelle donne a-t-elle un intérêt pour tous les acteurs de la filière ?

C.J : Si on ne bouge pas, on continuera à faire le constat d’un appauvrissement du secteur de la viande bovine, avec des revenus toujours en queue de peloton, et une décapitalisation du cheptel qui pourrait être dramatique pour nos zones où il est difficile de faire autre chose que de l’élevage. De l’éleveur à l’abatteur, demeure un intérêt commun de maintenir un niveau dynamique de production.

La contractualisation va amener plus de transparence y compris au bout de la chaîne alimentaire avec la GMS…

C.J. : L’avantage de ces contrats, c’est effectivement que nous pourrons vérifier les allégations de la grande distribution en faveur d’une juste rémunération des producteurs. Les GMS surfent sur cette vague car les consommateurs y sont sensibles. A eux désormais de se donner les moyens de la respecter.

Propos recueillis par S.Chatenet

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