Aveyron | Par Jérémy Duprat
Poids des machines agricoles et changement climatique : un combo gagnant pour l’érosion des sols. Et si arbres et haies étaient une solution viable et de long terme ?
Jean-Christophe Lacombe, installé sur la commune de Flagnac, est suivi par Sandra Frayssinhes, conseillère en agronomie au sein de la CA12. Au début des années 2000, de violents orages et intempéries ont activement participé à l’érosion de ses sols. «Nous avions fait un semis de prairies fourragères derrière une céréale en septembre. Il y avait des dégâts importants, de larges sillons avaient été creusés. Je me suis dit que si je voulais continuer à faire ce métier, il fallait changer ma façon de travailler sinon je n’allais pas m’en sortir. J’ai longtemps laissé les trous dans la parcelle pour me rappeler de ma bêtise», plaisante l’éleveur.
Il a complètement remis en cause sa façon de travailler à partir de ce moment-là. En 2006, Jean-Christophe Lacombe plante 340 m de haies en 2006 puis 370 autres mètres la même année. «Elles ont été implantées à côté du bâtiment près d’une parcelle en pente, propice à l’érosion depuis longtemps», ajoute-t-il. Petit à petit, face aux bénéfices palpables des haies, l’éleveur se lance davantage dans le projet avec de l’agroforesterie. «79 plants ont été plantés en 2016 puis 104 en 2021. Les parcelles sont proches du bâtiment, donc très pâturées. Cela évite que le soleil crame trop la prairie, les vaches sont à l’ombre, le sol est protégé de l’érosion, les feuilles apportent beaucoup au sol… Bref, les arbres apportent beaucoup», défend l’éleveur.
Bien qu’encore jeunes, de petits bénéfices sont déjà observables grâce aux pousses d’arbres. «A terme, je m’attends à une meilleure infiltration de l’eau dans les sols, un développement de mycorhizes pour favoriser le déplacement des minéraux et un apport de matière organique, grâce aux feuilles notamment. Tout cela, c’est un avantage indéniable, surtout au vu des effets du changement climatique. De même, pour les animaux, il y a évidemment l’ombrage et la production de plaquettes pour la litière», assure l’éleveur. Il ajoute cependant que le dispositif est coûteux en temps et en main d’œuvre pour planter et entretenir les plants. Des filets de protection sont installés autour des jeunes pousses et le tout est électrifié. «Malgré cela, je souhaite continuer à poursuivre dans cette voie, la question ne se pose pas», se réjouit Jean-Christophe Lacombe.
Comme il le mentionne, ce projet d’implantation de haies et d’arbres est incontournable face au changement climatique. «L’arbre permet d’infiltrer l’eau et de garder le sol frais. Ce qui fait le lien avec la nécessité de capter l’eau dans le sol pour encaisser les variations et les évolutions climatiques. L’été, cette eau va remonter et l’arbre va évapotranspirer. À petite, moyenne ou grande échelle, cela permet de créer un micro-climat», explique Sandra Frayssinhes. Une ambition à long terme, alors mieux vaut s’y mettre rapidement. «Le délai pour disposer des pleins effets de mes arbres et haies, c’est celui du temps des arbres : 30, 40 ou 50 ans. Si personne ne le fait, cela ne se fera jamais», ajoute la conseillère en agronomie.
Les pousses d’arbres ne sont pas arrosées jusqu’à présent. «Nous les entourons de copeaux. Pour 100 arbres il faut compter 1100 cubes de copeaux par arbre, plus ou moins. Je suis allé vérifier ensuite, et en effet sous les copeaux, le sol était frais. Les plants qui n’ont pas résisté, c’est vraiment le soleil qui les a brûlés et non pas le manque d’eau», estime l’éleveur, qui a perdu une dizaine de pousses. «Un plant coûte autour de 300 euros. Je n’ai pas tous les chiffres pour les piquets et les filets. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, les subventions sont à hauteur de 80%. C’est avantageux», met en avant l’agroforestier.
Ses rangées d’arbres, Jean-Christophe Lacombe les a implantées de façon à garder des parcelles cultivables. «Il y a 26 m entre les rangs soit 24 m de cultivables. Et chaque arbre est espacé de 8 m. Au niveau des arbres, il y a un peu de tout : peuplier, frêne, érable, aulne…», complète Sandra Frayssinhes. Le projet a été lancé avec l’association Arbres haies paysages d’Aveyron. Cet hiver, l’éleveur prévoit de rajouter encore davantage de haies, pour continuer à entourer ses parcelles.
Jérémy Duprat