National | Par Didier Bouville

« Sans mesure de compensation, la suppression de la détaxation du GNR est inacceptable »

La FNSEA dénonce l’initiative du Gouvernement de supprimer progressivement l’exonération de la taxe sur le GNR, sans mesure d’accompagnement pour les agriculteurs.

Comment avez-vous accueilli l’annonce de la suppression progressive de l’exonération de la taxe sur le GNR par Bruno Le Maire à l’issue des Assises des finances publiques, le 19 juin ?

Luc Smessaert : C’est effectivement une mauvaise nouvelle. Cette mesure fiscale prise dans un objectif budgétaire n’est en aucun cas une réponse adaptée aux enjeux de la transition énergétique et de la décarbonation des carburants agricoles. En effet, la taxation réduite est un facteur de compétitivité de la Ferme France, notamment pour compenser les charges plus élevées que nous subissons par rapport à celles de nos concurrents européens et mondiaux, notamment en matière de main d’œuvre. En outre, les agriculteurs ne sont pas en mesure de la répercuter à l’aval la suppression de la détaxe qui va grever leurs coûts de production et amputer leurs revenus. De plus, sans mesure d’accompagnement, cette suppression progressive s’inscrit en faux par rapport aux objectifs de souveraineté alimentaire et de transition énergétique affichés par ailleurs par les pouvoirs publics.

A combien estimez- vous le préjudice d’une telle mesure pour les agriculteurs ?

LS : La détaxation du GNR agricole représente un manque à gagner important pour les agriculteurs, de l’ordre de 3 500 euros pour une ferme de 70 hectares, taille moyenne des exploitations françaises. Dans ce cadre, les agriculteurs bénéficient d’une double exonération, l’une sur le prix d’achat du GNR, comme les autres professionnels des travaux publics, l’autre sous forme de ristourne sur leurs achats l’année n qui leur est remboursée l’année suivante. En tout cela représente un bonus de 55 euros/hl environ. Sachant que la culture d’un hectare de blé comme l’élevage d’une vache laitière induisent la consommation de 100 – 120 litres de carburant environ, l’impact d’une telle mesure sur la trésorerie des exploitations est considérable. Davantage même pour les exploitations bio, pour lesquelles la consommation est de l’ordre de 120/140 hl par hectare. Une telle annonce, c’est comme si nous avions un sens interdit qui nous tombe sur la tête alors que nous avons besoin de visibilité et d’une vraie politique d’accompagnement sur le long terme.

Que proposez-vous au Gouvernement ?

LS : Nous ne remettons pas en cause la transition des carburants agricoles vers la sortie des énergies fossiles. D’ailleurs la FNSEA propose aux pouvoirs publics depuis quatre ans la mise en place d’une feuille de route pour accompagner les agriculteurs dans cette trajectoire. Par exemple, il serait facile d’incorporer davantage de biocarburants dans nos tracteurs et équipements agricoles et de porter le taux d’incorporation de 7 % actuellement à 30 %. Soit une multiplication par quatre, ce qui représenterait déjà un effort important en matière de décarbonation. A l’horizon de 10-15ans, nos moteurs pourraient fonctionner à l’hydrogène et/ou à l’électricité. Ces changements exigent des investissements lourds y compris en matière de distribution des carburants à la ferme, où plusieurs cuves, selon le carburant, seraient nécessaires. C’est la raison pour laquelle nous demandons que l’Etat nous aide, y compris pour compenser la montée en puissance des biocarburants dont le coût de production est plus élevé. Ce que nous revendiquons, c’est la neutralité du coût sur nos fermes afin de préserver notre capacité à produire.

La rédaction

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