National | Par Didier Bouville

L’industrie laitière prise en étau

Pivot de la filière laitière, les industries laitières sont confrontées à une flambée des charges qui pourrait les anéantir. Sans plafonnement temporaire du prix du gaz, certaines entreprises pourraient cesser leur activité et ne plus collecter de lait.

L’industrie laitière et l’élevage laitier sont dans la même situation, tous les deux confrontés à des hausses de charges effrénées qu’ils ne parviennent pas à répercuter sur les prix du lait et des produits transformés vendus à la grande distribution. Aussi, la Fédération nationale des industries laitières (FNIL) demande en urgence l’ouverture d’un troisième round de négociations pour obtenir de nouvelles augmentations de prix. Sa centaine d’adhérents ne peut pas attendre le prochain cycle annuel de négociations de la fin de l’année pour obtenir gain de cause.

Jusqu’à présent, les augmentations de prix obtenues aux termes des deux précédents rounds étaient inférieures de moitié aux revendications initiales (6 % en juillet alors que la demande était de d’au moins 12 %). Quoi qu’il en soit, François-Xavier Huart, président-directeur général de la FNIL, plaide la fin de ces négociations commerciales annuelles sous leur forme actuelle, génératrices de frustrations. « Telles qu’elles se pratiquent, elles ne font que des perdants », affirme-t-il. Sa préférence porte sur le modèle de négociations à l’allemande, assis sur des rencontres régulières entre industriels et grande distribution. Il est très efficace pour répercuter toute variation de coûts de fabrication des produits transformés. Mais ce nouveau mode de fonctionnement repose sur la transparence et la confiance entre les parties, des valeurs inconnues en France. « Il est plus que nécessaire d’agir et de reconnaitre le secteur industriel laitier et agroalimentaire comme prioritaire dans les dispositifs d’aide pour l’énergie », a déclaré François-Xavier Huart. Mais cet hiver, les industries laitières de la FNIL pensent être exemptées de délestages même si la plupart d’entre elles consomment plus de 5 giga wattheure. Cependant une baisse de 10 % des livraisons de gaz empêcherait les industries de fonctionner. Plus de la moitié des 11 milliards de litres livrés ne serait alors plus collectée !

Sanctuariser les achats

Pour aborder sereinement l’hiver, la FNIL demande dans un premier temps le plafonnement en urgence et temporaire des prix de l’énergie pour les entreprises et un élargissement des critères du plan de résilience. Sur les 3 milliards d’euros disponibles, seuls 50 millions d’euros ont été alloués ! Dans un second temps, la FNIL veut bénéficier des nouveaux appels d’offre de France 2030 pour accélérer la décarbonation de ses entreprises. Parallèlement, elle souhaite que les industries aient les moyens de recycler et de réutiliser jusqu’à 11 millions de m3 d’eau sur les 70 millions consommés chaque année.

Sanctuariser les achats de l’ensemble de la matière première industrielle, comme l’est actuellement le prix du lait payé aux éleveurs laitiers, serait la mesure à prendre la plus pertinente pour permettre aux industries laitières de mieux négocier les prix de vente de leurs produits auprès de la grande distribution. Mais cela n’est qu’un vœu pieux !

Quant au prix du lait payé aux éleveurs français, François-Xavier Huart reconnaît qu’il est un des plus faibles de l’Union européenne. Pour expliquer ce différentiel, il invoque l’inflation bien plus élevée dans les Vingt-six pays de l’UE que dans l’Hexagone, l’importance du lait poudre et du beurre dans le mix produit mais aussi le système de négociations des prix des produits industriels qu’il faudrait abandonner. Toutefois, le PDG de la FNIL souligne que le prix du lait payé aux producteurs français a augmenté de 27 % sur un an alors que l’indice Ipampa n’a crû que de 23 %.

Nutriscore, une grille de notation inadaptée selon la FNIL

Tel qu’il est appliqué, le Nutriscore « pose problème », selon la FNIL, car il note les produits indépendamment de leur mode de fabrication si bien que les fromages sous label AOP ou IGP sont classés D. Par ailleurs, le Nutriscore des fromages est établi sur la base d’une portion de 100 grammes sans rapport avec les habitudes alimentaires des consommateurs. En fin de repas, ils se contentent de quelques dizaines de grammes de fromage. Enfin, les produits contenant des matières grasses végétales sont mieux notés que les produits laitiers. Les produits laitiers sucrés voient leur note dégradée. Les boissons lactées pourraient être assimilées à des « sodas ». Même la notation du lait demi-écrémé est menacée ! Un comité scientifique a fait des propositions pour corriger le Nutriscore, mais ces dernières semblent déroutantes : davantage de fromages sont classés en D !

La rédaction

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