Aveyron | Par Elisa Llop

Le 1 er août, les apprentis de la formation Certification de spécialisation conduite d’un élevage bovin (viande et lait), du Pôle de formation de Bernussou avaient rendez-vous au RLSA de Villefranche (dit Rucher La Santé de l’Abeille) aux Champs des Chartreux. Ces ruches-écoles sont gérés par un groupe d’apiculteurs de Santé Abeille Aveyron (Groupement de défense sanitaire – GDSA 12), ainsi que par la commune de Villefranche-de-Rouergue.
La création du site et concept date d’il y a 8 ans, et s’inscrit dans le cadre de la démarche de protection de l’environnement et «Zéro Phyto» de la commune. Accolé aux jardins alentours, le rucher contribue à l’amélioration de la pollinisation des parcelles maraîchères et des vergers environnants et à la protection de la biodiversité. Ses
vocations principales sont donc sanitaires, dédiées à la santé de l’abeille, mais aussi pédagogiques, auprès de différents publics.
Une sensibilisation essentielle
C’est l’une des missions de Jean-Pierre Mangé, Michel Bennet, Francis Filhol et Serge Joulie, présents ce jour-là et d’autres apiculteurs, qui reçoivent chaque année des groupes de tous les âges, notamment des scolaires (des maternelles aux lycéens). C’est la première fois qu’ils reçoivent des apprentis. A l’initiative de leur formatrice, Marion Bargaud, les jeunes de Bernussou profitaient de leur dernière semaine de formation, entre examens ultimes, avec des sorties de découverte de pratiques agricoles dites «de diversification». Outre le rucher, ils ont ainsi eu l’occasion de découvrir des exploitations pratiquant, par exemple, la distillation de whisky artisanal, la production de plantes aromatiques et médicinales, mais aussi des établissements en polyculture ou ceux utilisant des nouvelles mécaniques… Sur place, les apprentis se sont montrés attentifs et curieux des pratiques apicoles.
Au programme de cette matinée : divisés en 2 groupes, la vingtaine de jeunes a alterné entre observation au plus près des ruches, à l’abri dans leur tenue de protection et explications théoriques de l’abeille, présentation de nouvelles technologies et outils apicoles (pour capturer des frelons par exemple) et enfin, sensibilisation aux enjeux de l’apiculture.
Ont ainsi été abordés des sujets divers : l’art technique de la danse des abeilles, comment identifier la Reine de la ruche et aborder ses caractéristiques, les bienfaits divers des productions et pratiques apicoles, telles que l’apithérapie (appliqués en cataplasme, un remède ancestral, sur les blessures des grands brûlés dans certains hôpitaux ou encore sur les blessures de vaches…), les races d’abeille (ici, c’est la souche «BuckFast», de la seule race d’abeille domestique européenne, Apis mellifera, qui a été choisie, pour ses qualités de douceur de caractère et leur productivité)… Les sujets et mystères, nombreux autour de cet insecte symbolique, sont donc loin d’avoir été tous abordés. «A l’époque, chaque ferme avait ses ruches !», lance Jean-Pierre Mangé. «Dans les parcelles, nous
avons installé des haies mellifères, d’inspiration jardin botanique, dans l’espoir de montrer la voie au public : cela contribue à stabiliser la population des pollinisateurs, essentiels et autres insectes, explique l’apiculteur. Les jardins
vivaces, en fouillis, c’est ce qu’ils préfèrent. Aujourd’hui, il y a des types d’apiculture assez variés ; nous essayons de rester assez traditionnels».
Les sujets des menaces diverses,qui sont nombreuses, faisaient pleinement partie du débat : varroa, frelons, impacts indirects comme directs du changement climatique, les changements météorologiques extrêmes et instables…
«L’année dernière, nous avons eu un été extrêmement pluvieux. Ces situations, tout comme les enchaînements extrêmes de températures accélérant la sécheresse, empêchent parfois les abeilles de butiner et peuvent les menacer de famine. Ces événements qui sont de plus en plus fréquents, sont en plus variables et imprévisibles», explique Jacques Alet, l’un des co-présidents de l’association du RLSA de Villefranche.
«Aujourd’hui, l’apiculture contemporaine est de plus en plus difficile du fait du contexte et des enjeux majeurs, pluriels, qui nous entourent».
Heureusement, non seulement l’apiculture jouit d’une côte croissante de popularité, mais les apiculteurs contemporains peuvent aussi être aidés par la technologie.
La loi Duplomb : moins d’entraves pour les apiculteurs
Lors de la journée, dans ce contexte de la loi Duplomb, alors en attente de la décision du Conseil Constitutionnel, les apiculteurs, inquiets, n’ont pas manqué de rappeler aux jeunes les dangers de l’acétamipride, le néonicotinoïde également nommé «tueur d’abeilles». Jeudi 7 août, les «Sages» ont censuré en partie la Loi Duplomb, sur l’autorisation dérogatoire d’utilisation de l’acétamipride. «En tant qu’apiculteurs, nous sommes plutôt soulagés sur ce point ; à notre époque, il semble que nous sommes arrivés à un carrefour où la question de la biodiversité devient prépondérante et où on devrait repenser notre façon de produire, qu’elle soit qualitative et en harmonie avec la nature. Je le redis, les apiculteurs ont besoin des agriculteurs et réciproquement», ajoute Jacques Alet.
Pour rappel, les abeilles sont essentielles à l’écosystème et sontà la base de la chaîne alimentaire, en assurant la reproduction d’au moins 75% des plantes dans le monde, en tant que pollinisateur n°1. Or, la santé des abeilles,
comme des insectes en général, est menacée ; depuis la fin des années 1990, on observe une chute globale du nombre d’abeilles. «Le taux de mortalité des colonies d’abeilles domestiques en France est aujourd’hui estimé entre 20 et 30 % par an, deux fois plus que la mortalité naturelle. Sur la base des données actuellement disponibles, on estime que 9 % des espèces d’abeilles sauvages sont menacées en Europe tandis que certains pollinisateurs ont déjà disparu. Si les causes sont plurielles, abeilles et insectes pollinisateurs restent menacés par d’autres pesticides et
fongicides» (source : Inrae).
Une rucher couvain de potentiels
Le Rucher école La Santé de l’Abeille a été créé comme application au GDSA 12, groupement de
référence, afin qu’un maximum de ruches soit bien soignées, limiter les maladies et protéger l’abeille aveyronnaise. Il vise à regrouper le plus grand nombre d’apiculteurs quels que soient leurs niveaux et dispense réunions, information et formations à tous pour une apiculture à succès. C’est le cas de Serge Joulie, encore étudiant, qui
a rejoint le groupe il y a quelques temps. «J’avais des ruches depuis des années, mais je n’obtenais pas vraiment de résultats. J’ai donc rejoint le rucher pour me former» ajoute cet ancien ingénieur dans les tours de contrôle aériennes, qui développe actuellement en parallèle un projet de balances connectées homemade avec la collaboration des élèves du lycée polyvalent de Decazeville.
L’aboutissement du projet est prévu vers mai 2026 et viendra compléter les 4 balances connectées déjà présentes sur le rucher, et qui constituent des outils remarquables d’analyses et de suivi en direct des colonies, permettant de contrôler la santé des ruches, abeilles d’année en année et anticiper des problèmes éventuels à pallier, comme la famine des abeilles par exemple. Bien que ce ne soit pas les buts premiers de l’associa-tion, les apiculteurs du RLSA de Villefranche peuvent, si besoin, pour dépanner, intervenir pour récupérer des essaims volage, ou
encore pour piéger des frelons.

Elisa Llop