National | Par Didier Bouville
Comme les autres secteurs écologiques, l’agriculture devra participer à la planification écologique. Elle devra réduire de 16 % ses émissions d’équivalent CO2 d’ici 2030.
Avec une augmentation significative de 17 % de son budget, à 7 milliards d’euros, le projet de budget du ministère de l’Agriculture traduit dès 2024 les engagements des pouvoirs publics en matière de transition écologique. Alors que l’ensemble des secteurs économiques doivent réduire de 55 % les émissions de CO2 d’ici 2030 par rapport à 1990, pour parvenir à la neutralité carbone en 2050, l’agriculture se voit imposer un objectif plus modeste, qui n’en reste pas moins difficile à atteindre compte tenu de ses spécificités. A l’horizon 2030, elle devra réduire ses émissions nettes de 16 %, soit 13 millions de tonnes (Mt) d’équivalent CO2 et passer de 81 Mt en 2022 à 68 Mt. L’essentiel des actions prévues porte sur les réductions des émissions d’azote dans les cultures pour 6 Mt d’équivalent CO2, celles de méthane dans l’élevage pour 5Mt et celles de gaz carbonique pour les équipements agricoles pour le solde. Elles sont inscrites dans le chapitre « Mieux se nourrir » de la planification écologique du gouvernement.
Culture et élevage
« Mieux se nourrir », c’est d’abord baisser suffisamment les émissions de gaz à effet de serre liées à l’agriculture. Ainsi elle devra changer ses pratiques en matière de fertilisation azotée, l’ambition étant de parvenir à une réduction de 30 % des épandages d’engrais minéraux entre 2019 et 2030. C’est aussi sortir des énergies fossiles et améliorer l’efficacité énergétique pour les bâtiments et engins agricoles. Objectif, une réduction des émissions de 20 %. Le plan compte également sur une baisse des émissions de l’élevage, essentiellement celles de méthane de 13 %. Deux moyens pour y parvenir : une transition vers « un élevage plus durable » et une évolution des régimes alimentaires, autrement dit une baisse de la consommation de viande projetée de 50 millions de tonnes de viandes d’ici 2030. Le plan du gouvernement n’hésite pas à dire que 20 millions de tonnes d’émissions locales et importées seraient évitées si la moitié des grands consommateurs de viande réduisait leur quantité journalière sans pour autant devenir végétarien.
Autonomie alimentaire
Si l’agriculture peut réduire ses émissions de GES, elle doit évoluer également dans ses pratiques afin d’accroître la sobriété et l’efficacité de la chaîne alimentaire. Ainsi est-il prévu d’améliorer la souveraineté alimentaire en matière de fruits et légumes, l’objectif étant de regagner dix points d’autoconsommation à l’horizon 2035. Dans le même ordre, le gouvernement prévoit d’accélérer le développement des cultures de légumineuses (soja, pois, féveroles…). Les surfaces devraient être multipliées par deux pour atteindre 2 millions d’hectares en 2030. 100 M€ supplémentaires y sont affectés dans le budget du ministère de l’Agriculture pour 2024. Les pouvoirs publics ne renoncent pas non plus au développement de l’agriculture biologique, malgré la crise qui la frappe. Le plan affiche un objectif de 21 % des terres qui y seront dédiées en 2030 contre 10,3 % actuellement. Le gouvernement a décidé d’y consacrer 10 millions de plus en 2024.
Préservation des écosystèmes
La planification écologique du gouvernement vise également à mieux préserver et valoriser les écosystèmes en vue d’améliorer le stockage du carbone dans le sol et la qualité de l’eau. Ainsi en est-il de la réduction des produits phytosanitaires, leur utilisation devra être drastiquement diminuée. L’Etat a d’ailleurs prévu d’y consacrer 250 M€ supplémentaires en 2024. Autre piste les prairies pour stocker davantage de carbone. Etendues sur 14,8 millions d’hectares (Mha), leur surface devra augmenter de 6 % pour atteindre 15,7 Mha en 2030. Et pour ce qui est des haies, leur linéaire estimé à 750 000 km devra progresser de 50 000 km d’ici 2030. 110 millions d’euros y sont d’ores et déjà affectés dans budget de l’Agriculture, dès 2024. Enfin dans le cadre de la loi Climat et Résilience, le gouvernement prévoit de ramener de 19 900 ha à 7 100 ha l’artificialisation des sols agricoles d’ici 2030. Un objectif qui ne fait pas l’unanimité, Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes y étant fortement opposé.
La rédaction