National | Par Didier Bouville
En dix ans, la situation d’auto-approvisionnement de la plupart des produits agricoles et alimentaires s’est lentement dégradée, même si certaines productions comme le blé et l’orge ont tiré leur épingle du jeu.
Conséquence de l’épidémie de Covid et de la guerre en Ukraine, la souveraineté alimentaire est revenue au cœur des préoccupations des responsables professionnels et des pouvoirs publics. D’ailleurs, le ministère de l’Agriculture est devenu, après la réélection d’Emmanuel Macron en 2022, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Une préoccupation à juste titre puisque la situation de la France s’est dégradée en dix ans, même si elle ne s’est pas effondrée, selon une étude réalisée par FranceAgriMer (FAM), sous la responsabilité de Pierre Claquin, à la tête de sa Direction marchés, études et prospective.
Ainsi pour les fruits et légumes la situation s’est nettement dégradée en dix ans. En fruits tempérés, la baisse continue de la production nationale (-17 % en dix ans) a fait basculer le niveau moyen de quasi-auto-approvisionnement à une situation de franche dépendance aux importations, avec en parallèle un recul de la capacité exportatrice. Sur les légumes frais en revanche, les exportations se sont maintenues, mais la diminution de la production (bien plus limitée que pour les fruits frais, de 4 % en dix ans) a entraîné un surcroît d’importations pour compenser la consommation qui est restée stable. Seule la pomme de terre a maintenu globalement son rang.
Fruits et légumes et poulet à l’index
Concernant les viandes et produits carnés, la situation la plus dégradée est incontestablement celle du poulet, selon FAM. La production française a continué d’augmenter ces dernières années, mais sans suivre le rythme de la demande, ce qui a nécessité un recours massif aux importations, notamment pour le réapprovisionnement de la restauration hors domicile. Une dégradation des performances à l’export est également observée dans cette filière. En ce qui concerne plus spécifiquement la dépendance aux importations, elle a baissé pour le soja en raison de l’extension des surfaces et dans une moindre mesure pour les ovins, à cause de la baisse de la consommation. Mais pour la plupart des autres produits étudiés, FAM observe une dégradation, particulièrement marquée pour le colza et la féverole et dans une moindre mesure pour les produits laitiers (hors crème et yaourts), tournesol et vin, même si pour une bonne partie de ces produits, la situation reste celle d’une nette autosuffisance.
Dynamiques contrastées
Les produits traditionnellement excédentaires connaissent des dynamiques contrastées. Pour les céréales, en blé et surtout en orge, la France maintient globalement sa capacité d’exportation, selon FAM. En revanche pour le blé dur, la très forte baisse de la production en dix ans s’est traduit par une forte dégradation du taux d’auto-approvisionnement (-42 %). Et pour le maïs, la production qui a baissé de 20 % en dix ans permet toujours d’assurer un taux d’auto-approvisionnement supérieur à un. Mais le maintien de la demande intérieure, principalement pour l’alimentation animale, a conduit en dix ans à une érosion du potentiel d’exportations.
Pour les produits laitiers les situations sont également divergentes. La France a renforcé sa capacité dans les produits où elle est très excédentaire comme les poudres de lait écrémé et de lactosérum (+ 97 % et + 17 % respectivement pour son taux d’auto-approvisionnement) et en même temps elle a augmenté sa dépendance en matières grasses (crème et beurre), en raison de la hausse de la consommation. Et pour les fromages, la situation s’est aussi dégradée en raison de la forte augmentation des importations de fromages-ingrédients tels la mozzarella et le cheddar.
Enfin pour les vins, la capacité d’exportations progresse ou bien se maintient. On assiste pourtant à une baisse de la production en volume (mais pas en valeur), mais qui est moins rapide que le repli de la consommation par ailleurs plus ouverte aux vins d’importation. Au bout du compte le bilan se traduit par une hausse de la capacité d’exportations.
La rédaction