A la veille des élections européennes, le président de La Coopération agricole, Dominique Chargé, revient sur les enjeux des coopératives au regard de ce scrutin et dévoile les principales actions de la 10e semaine de la Coopération agricole.
Dominique Chargé © Actuagri CS
Comment trouvez-vous l’ambiance de cette campagne électorale ?
Dominique Chargé : «Je ne peux pas nier que l’actualité internationale fait de l’ombre au débat européen actuel. Il est tout aussi vrai que les deux conflits majeurs (Ukraine-Russie et Israël-Hamas, ndlr) ont un impact sur les approvisionnements agricoles et alimentaires, sur la volatilité des cours mondiaux des produits agricoles et qu’ils interrogent sur la manière dont les peuples peuvent vivre ensemble. Ajoutons que le climat de ces élections doit aussi se mesurer à l’aune de la colère qui s’est exprimée à l’automne 2023 et plus intensément au début de l’année 2024 un peu partout en Europe dans le milieu agricole. Les manifestations d’agriculteurs ont mis en évidence le manque de considération que peuvent leur porter les pouvoirs publics et une partie de la population.
Pensez-vous que les agriculteurs et l’agriculture soient bien représentés dans les listes présentant les futurs députés européens ?
D.C. : On peut effectivement s’interroger sur le positionnement des agriculteurs sur certaines listes. Cette mise en retrait de certains agriculteurs ou le recul par rapport à leur place de 2019 peut être interprétée comme une fragilité. C’est d’autant plus dommageable que la PAC représente le premier poste budgétaire, avec près de 400 milliards d’euros (30 % du budget) et que l’agriculture constitue la seule politique intégrée de l’Union européenne. L’agriculture doit être remis au cœur du débat européen.
Quel bilan tirez-vous de la dernière mandature au Parlement européen et au Conseil européen ?
D.C. : Il n’a échappé à personne que le monde a considérablement changé entre 2019 et 2024. Nous sommes passés d’un monde stable, sûr et abondant à un environnement beaucoup plus incertain, nettement moins prospère et moins sécurisé. Le Green Deal et ses déclinaisons que sont notamment le Farm to Fork et Biodiversité 2030, ne sont plus alignés sur ces changements et ne correspondent plus aux réalités de la production et des marchés, même si les objectifs initiaux restent tout à fait louables. Mais les moyens déployés ne sont plus alignés, d’autant que l’inflation et la crise de pouvoir d’achat qui s’en est suivie a totalement rebattu les modes de consommation.
Pensez-vous que la Commission européenne soit allée trop loin dans ses ambitions environnementales ou bien n’est-ce finalement qu’un problème franco-français de surtranspositions ?
D.C. : Les moyens mis en œuvre se sont avérés très vite inadaptés. Rappelons-nous du slogan, toujours d’actualité : «Pas d’interdiction sans solution» et des demandes répétées de la profession agricole pour la mise en place de clauses ou mesures miroir dans les accords de libre-échange. Comme nous l’avons indiqué dans la plateforme présentée au dernier salon de l’agriculture, «Pour plus d’Europe et mieux d’Europe», nous souhaitons une concurrence internationale saine et loyale. L’Europe est le périmètre géographique et géopolitique le plus pertinent pour protéger nos spécificités agricoles et alimentaires vis-à-vis du reste du monde. J’invite d’ailleurs chacun des agriculteurs-coopérateurs à se rendre aux urnes pour voter massivement.
Quels leviers souhaiteriez-vous voir actionner dans la prochaine mandature ? Avez-vous une priorité ?
D.C. : Compétitivité, accès aux moyens de production et renouvellement des générations me semblent être les trois défis à relever pour la prochaine mandature, dans l’objectif de conserver une agriculture forte, des revenus décents pour les agriculteurs et des coopératives dynamiques et aussi assurer la pérennité de notre souveraineté agroalimentaire. Il faut accompagner cette stratégie globale par des investissements importants sur la politique de recherche et d’innovation. Je pense ici aux nouvelles technologies génomiques (NGT). Elles seront un des facteurs de la rentabilité de nos entreprises. Un autre point me semble important : celui du droit de la concurrence qu’il faut faire évoluer en remplaçant le critère actuel centré sur le bien-être du consommateur qui veut des prix toujours plus bas, par le bien-être du «consommacteur». Il me semble primordial de mettre, ici aussi, en cohérence les actes et les objectifs recherchés. La prochaine mandature devra réfléchir à rendre le «consommacteur», plus responsable et faire en sorte qu’il paie le juste prix.
Le Dialogue stratégique instauré par la présidente Ursula von der Leyen vous semble-t-il utile ou bien n’est-ce qu’un «coup de com’» ?
D.C. : Même si l’un n’exclut pas l’autre, je me félicite de cette initiative qui tend à corriger les trajectoires mise en place à la rédaction du Green Deal en 2018. Ce qui importe désormais, c’est de remettre de la cohérence dans les politiques publiques. Il serait opportun que les directions générales de la Commission européenne cessent de travailler en silo. C’est pourquoi, il semble important de coordonner les actions agricoles et alimentaires en désignant un vice-président de la Commission en charge de l’agriculture. Ce serait un signe fort.
Quelles sont les nouveautés de votre prochaine semaine de la Coopération agricole du 1er au 9 juin ?
D.C. : Nous allons poursuivre le travail engagé avec les jeunes en 2023, lors de la 9e édition. Nous avions organisé six grandes réunions régionales et défini des axes de travail. Pour la 10e édition, nous allons retrouver ces mêmes jeunes dans cinq grandes réunions régionales à Narbonne, Laon, Rennes, Saint-Etienne et Limoges. Le 13 juin, une délégation de ces jeunes et des membres de La Coopération se rendront au ministère de l’agriculture, pour témoigner au ministre Marc Fesneau de leur retour d’expérience. En parallèle nous organisons le 5 juin une deuxième édition d’Agrostrophe qui réunira plusieurs auteurs autour des thèmes de l’agriculture, l’alimentation et la ruralité. Enfin, du 7 au 9 juin, nous inaugurerons le tout premier mondial du cyclisme en agriculture. Grâce à la collaboration entre Alliance BFC* et les caisses régionales Champagne-Bourgogne et Franche-Comté du Crédit Agricole, il se déroulera au cœur des vignobles de Nuits-Saint-Georges et de Gevrey-Chambertin.
(*) Association de coopératives qui regroupe Dijon Céréales, Terre comtoise et Bourgogne du Sud.
La rédaction