National | Par Didier Bouville
Auditionné par les sénateurs sur les carences de la loi Egalim, le ministre de l’Agriculture a promis un renforcement du texte avant l’automne. Et admis que la loi n’avait pas tenu ses promesses et qu’il était nécessaire de la renforcer.
C’est peu de dire que les sénateurs, de tous bords confondus, n’ont pas été convaincus par la loi Egalim. Ils l’ont même clouée au pilori, à l’occasion de l’audition de Julien de Normandie au Sénat, le 13 avril. Adoptée il y a trois ans, cette loi n’a eu aucun effet sur le revenu des agriculteurs, ni réduit l’âpreté des négociations commerciales au détriment du premier maillon de la chaîne alimentaire.
Pis, le relèvement du seuil de revente à perte de 10 % devait donner de la souplesse aux négociations au bénéfice des producteurs. Il aurait permis d’engranger la bagatelle d’1 milliard d’euros de marges arrière, mais qui se seraient perdus dans les caisses des distributeurs, des industriels, ou dans les cartes de fidélité et les promotions qui détruisent de la valeur, au détriment de l’évolution qualitative des produits et de la juste rémunération des producteurs.
Face à la bronca des sénateurs sur cette loi, que l’un a même qualifié de « pire échec du quinquennat », Julien Denormandie n’a pas cherché à contrer la charge. Au contraire, il a même épousé l’analyse, admettant que la loi n’avait pas permis de sortir d’un « jeu de dupes » auquel se livre en premier lieu la distribution. « Quand il y a des augmentations de prix de matières premières comme c’est le cas actuellement, l’éleveur demande à la grande distribution d’augmenter les prix d’achat, laquelle répond l’avoir proposé aux industriels mais y avoir renoncé faute de preuve que ceux-ci rétrocèdent la marge consentie à l’amont. L’éleveur se tourne vers l’industriel, qui dit l’avoir demandé à la grande distribution, qui n’a pas voulu… Au final, la négociation se fait toujours sur le dos de l’agriculteur », a indiqué en substance le ministre.
Où sont passés les (centaines) de millions ?
Julien Denormandie a tout de même défendu l’idée que la loi Egalim avait « modifié les esprits », « qu’elle avait permis de réduire la guerre des prix et freiné la spirale de la déflation, tout en protégeant aussi le pouvoir d’achat des consommateurs qu’il ne faut jamais oublier ». Il a également salué l’excellence du rapport que lui a remis fin mars l’ancien patron de Système U, Serge Papin, basé sur une grande connaissance de la négociation qu’il a pratiqué « pendant 25 ans », doublé d’une « sagesse semblable à celle des sénateurs ». En n’oubliant pas que c’est lui-même qui a commandé le dit rapport.
Or, le ministre de l’Agriculture entend s’appuyer sur les propositions du rapport Papin pour une nouvelle loi qui serait votée d’ici octobre, avant les prochaines négociations commerciales. « Nous devons figer les marges fixées entre les producteurs et les industriels tout au long de la relation contractuelle, renforcer la transparence des marges et la contractualisation, notamment pluriannuelle et renforcer les pouvoirs de la médiation ». Julien Denormandie a aussi indiqué qu’une étude allait être menée pour savoir où sont passés les centaines de millions de marges obtenues grâce à la hausse du seuil de revente à perte. Assurément, pas dans la poche des producteurs, si l’on en croit les sénateurs du Groupe de suivi de la loi Egalim, qui organisait l’audition du ministre. Une nouvelle loi est donc nécessaire.
Actuagri
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