National | Par Jérémy Duprat
JA a organisé, jeudi 2 décembre, une conférence menée par Jean-Marc Jancovici. Ingénieur de formation, conférencier et fondateur du cabinet de conseil Carbone 4, il défend la thèse d’une décroissance inévitable, déjà en cours selon lui.
Un tiers des émissions
«L’agriculture dans le monde représente à peu près 20% des émissions de gaz à effet de serre. Essentiellement des gaz qui ne sont pas du CO2. Les gros postes d’émissions sont le protoxyde d’azote une fois qu’on a mis des engrais azotés dans les champs. Puis vous avez la fermentation des bovins. Et enfin les rizières. En Europe, l’agriculture c’est aussi à peu près 20% des émissions», affirme Jean-Marc Jancovici, devant une salle remplie des archives départementales de Rodez. Ingénieur de formation et fondateur de Carbone 4, le cabinet de conseil tourné vers la décarbonation et l’adaptation au changement climatique, Jean-Marc Jancovici est le concepteur du bilan carbone.
Il est venu à l’invitation de JA12 et du Groupe de Camboulazet, pour tenir une conférence jeudi 2 décembre : «+2 degrés les vaches sous les cocotiers» ? L’occasion pour les auditeurs de découvrir ou redécouvrir le travail de l’ingénieur, figure très connue sur YouTube, puisque nombre de ses conférences sont disponibles sur la plateforme.
Après plus d’une heure de conférence dans laquelle Jean-Marc Jancovici pose les bases de sa réflexion, il s’attaque au sujet central du jour : l’agriculture. «Si je rajoute la déforestation, qui représente 11% des émissions de gaz à effet de serre, l’agriculture représente un tiers de l’ensemble des émissions. Ce qui est quand même un gros paquet», assure Jean-Marc Jancovici.
Trop de viande ?
Alors face à ce constat, deux déterminants. «Le premier, c’est la taille de la population. Plus nous sommes nombreux, plus les surfaces agricoles sont étendues. Et le deuxième déterminant, c’est la part de viande dans la ration alimentaire. Plus nous mangeons d’animaux, plus il faut de végétaux pour nourrir les animaux», affirme Jean-Marc Jancovici. L’agriculture, et particulièrement l’élevage, serait responsable d’une bonne partie des émissions de gaz. «Nous avons tendance à nous focaliser sur le plus gros déterminant de l’affaire, c’est-à-dire l’utilisation de l’énergie. Et donc l’émission de CO2. Mais il n’y a pas que ce gaz», insiste l’ingénieur.
Un facteur tout de même non-négligeable sur lequel Jean-Marc Jancovici va développer son propos : «qu’est-ce que l’énergie» ? Il démontre, en prenant l’exemple de la SNCF, que le prix de l’énergie n’est pas la question centrale. L’entreprise ferroviaire est la première consommatrice d’électricité en France, à hauteur de 1,5%. Pourtant, le budget énergétique de la SNCF ne représente que 3% de son budget total. La main d’œuvre, elle, représente 50% du budget. «Si demain la SNCF veut économiser 3%, elle peut virer 6% de ses effectifs. Par contre, si elle se prive de son énergie, il n’y a plus de SNCF. Vous voyez bien que la dépendance de l’activité à cette énergie, ne se reflète pas par la facture. On s’en fiche de savoir ce que coûte l’énergie : c’est 100% de ce que l’on consomme», assène Jean-Marc Jancovici. L’ingénieur est apprécié pour ses talents de vulgarisateur. Même si ses propos lui attirent parfois les foudres de certains cercles écologistes, pour ses positions pro-nucléaires, ou de certains milieux convaincus que la croissance va durer, quand lui affirme que l’humanité va connaître la décroissance.
La fin du productivisme
Plus d’énergie disponible par habitant signifie moins d’agriculteurs. Plus d’énergie disponible par habitant signifie des villes qui s’agrandissent. Plus d’énergie disponible par habitant signifie une productivité accrue, et donc moins d’un emploi par personne garanti. Alors finalement, que préconise le conférencier pour adapter le modèle agricole, et l’ensemble de la société, de fait, à la décroissance forcée ? «Plus il y a d’énergie disponible dans le monde, plus il y a de machines, plus nous produisons. Et donc plus le PIB augmente. Comme l’essentiel de l’énergie est fossile, la même corrélation se produit avec le CO2. À partir de ce moment, vous comprenez pourquoi la COP26 recycle la COP25 qui recycle la COP24. Baisser pour de vrai les gaz à effet de serre, c’est baisser pour de vrai le PIB», démontre Jean-Marc Jancovici.
Mécaniquement, il faut baisser la productivité de chaque employé et non pas l’augmenter. «Nous sommes à la croisée des chemins. Et la question que nous devons nous poser c’est tant que la fête dure, tant pis pour la gueule de bois et nous y allons. Ou bien, nous nous disons que non, nous voulons durer et donc nous discutons gentiment pour nous mettre au régime», conclut Jean-Marc Jancovici, accompagné de plusieurs diapositives montrant le pic de production de pétrole, qui aurait été atteint en 2008 si l’on exclut le pétrole de schiste et le schiste bitumineux.
L’ensemble de la conférence est accessible sur le Facebook de JA Aveyron. Et bientôt sur leur chaîne YouTube.
Jérémy Duprat