National | Par eva dz
Il y a 30 ans, la journée du Dimanche des Terres de France le 29 septembre, a été un succès. Un succès initié par le président de la FNSEA de l’époque, l’Aveyronnais Raymond Lacombe, puisqu’il fut le plus grand rassemblement jamais connu sur un seul lieu d’agriculteurs, de ruraux, de paysans au sens large du terme, venus à la rencontre des Parisiens.
Par-delà les préoccupations proprement agricoles, c’est une véritable conception de société que le président de la FNSEA, Raymond Lacombe, a exprimée dans son discours final. Une société retrouvant ses équilibres perdus. Équilibre entre activités économiques, équilibre entre les différentes catégories sociales. Une société où la compétition ne se résumerait pas à une loi de la jungle comme le voudrait le libéralisme sauvage. Une société qui retrouverait le vrai sens du mot solidarité.
« Aujourd’hui, toute la France rurale s’est mise en marche ! Nous avons gagné notre pari ! »
Artisans, commerçants, salariés, professions libérales, agriculteurs : vous avez quitté vos ateliers, vos magasins, vos fermes, vous avez massivement répondu à notre appel. Vous êtes venus à la rencontre de la population parisienne pour lui dire que la France rurale veut vivre, que ses hommes et ses valeurs sont indispensables à l’équilibre économique et social de la France.
Vous avez expliqué aux citadins que cette nature harmonieuse et accueillante dont ils ont de plus en plus besoin, n’est pas un don du ciel, mais le fruit du labeur quotidien des hommes. Vous avez ébranlé les murailles du mépris et de l’indifférence qui laissent mourir nos entreprises et dépérir des zones entières de notre pays.
Vous êtes venus à ce rendez-vous historique des Terres de France : grâce à vous, le grain de l’espérance a pu être semé ! Oui le monde rural veut vivre.
Pour vivre, il a besoin de mobiliser toutes ses énergies afin de faire éclore, partout, des projets porteurs d’avenir.
L’aménagement du territoire : une ardente obligation
Il a aussi besoin que les dirigeants de ce pays renoncent à leur obsession urbaine. Ils doivent enfin comprendre que la France, ce n’est pas seulement une région parisienne frappée de gigantisme et menacée d’asphyxie, reliée à quelques métropoles régionales par des trains à grande vitesse. L’aménagement du territoire doit devenir une ardente obligation, portée par une mobilisation nationale, inspirée, concertée et planifiée par l’Etat.
Le monde rural, enfin et surtout, a besoin d’une agriculture forte, présente sur tout le territoire, insérée dans le tissu économique local et qui remplit correctement les fonctions qui sont les siennes depuis des siècles : nourrir les hommes et façonner le cadre de vie.
L’agriculture est le ciment de nos communautés rurales. Quand elle disparaît, c’est tout le milieu rural qui s’effondre.
Sur le plan économique, d’abord, car une campagne sans paysans, c’est comme un arbre dont on a coupé les racines : elle se dessèche, elle s’affaiblit, elle entre inéluctablement dans une spirale de déclin et voit peu à peu disparaître ses industries, ses services, ses habitants.
Sur le plan du cadre de vie ensuite, car une terre sans agriculture c’est l’envahissement des champs par les ronces, la disparition des chemins, la dégradation irréversible de ces paysages admirables modelés par des générations de paysans et qui sont les témoins de notre histoire.
Or tout cela est menacé car notre agriculture est danger.
Le danger, il vient d’abord de l’extérieur, avec les attaques brutales des États-Unis d’Amérique dont l’objectif est simple : briser les reins des agricultures européennes, pour conquérir des débouchés nouveaux et mieux assurer leur pouvoir planétaire en contrôlant l’arme alimentaire.
Pour mener à bien cette triste besogne, les Américains ont, hélas, trouvé des alliés au sein de cette Europe hésitante et divisée, qui, au lieu de répliquer au chantage par un front du refus, a préféré proposer aux Américains une réforme de la politique commune qui leur offre, sur un plateau, ce qu’ils réclament depuis toujours.
(…) la raison invoquée pour justifier ce massacre, c’est de nous aligner sur les cours mondiaux, au nom du libre-échangisme, qui est dernier dogmatisme à la mode chez les beaux esprits en mal d’idéologie.
Tout cela ne tient pas debout : est-ce qu’on va demander aux salariés de l’automobile ou du textile de diviser leur salaire par trois ou par quatre pour les ramener au niveau des pays du Sud-est asiatique ? Est-ce qu’on envisage de payer nos fonctionnaires au tarif des fonctionnaires thaïlandais ou philippins ?
Si c’est ça la doctrine économique de l’Europe, il faut le dire clairement et cesser d’amuser la galerie avec un soi-disant espace social européen qui ne serait alors qu’un espace de régression sociale.
La dictature du profit ne vaut pas mieux que la dictature du parti
(…) Et puis, l’effondrement du totalitarisme marxiste ne donne aucun supplément de légitimité à un autre totalitarisme qui voudrait s’imposer aujourd’hui sur la planète tout entière : celui du libéralisme déchaîné, celui de la loi de la jungle, avec son cortège d’exclusions, d’humiliations et de déséquilibres.
L’argent est un formidable régulateur des relations entre les hommes. Mais la dictature du profit ne vaut pas mieux que la dictature du parti.
Et les paysans savent bien que l’on ne peut édifier une organisation sociale durable sur la loi du plus fort, eux qui ont puisé l’essentiel de leurs ressources dans tous ces corps intermédiaires qui, de la coopérative à la mutuelle, en passant par le syndicat, sont tous fondés sur une solidarité agissante.
(…) Mes chers amis, nous avons aujourd’hui démontré notre ouverture et notre force.
(…) Cette force, nous la tenons d’abord de notre unité qui vient de se manifester d’une façon si éclatante. Et si nous savons la préserver au-delà de cette journée, en prenant soin de nous tenir à l’abri des agitateurs professionnels et des récupérations politiques, d’où elles viennent, je suis sûr que nous pourrons ensemble renverser le cours des choses.
Cette force, nous la tenons aussi de notre ancrage dans les communautés où les hommes se connaissent, se parlent, s’entraident, de notre enracinement dans une culture qui, loin de nous enfermer dans un rêve passéiste, nous donne les repères indispensables pour aller de l’avant. Ces repères qui font tant défaut aux hommes que l’on a empilés dans des quartiers urbains dégradés et sans âme.
Une longue marche vient de commencer
Mes chers amis, nous voici arrivés au terme de cette magnifique journée. Mais, avant de nous séparer, je voudrais que personne n’ignore que ce 29 septembre n’est pas un aboutissement. Nous n’allons pas nous contenter de retrouver ce soir ou demain nos fermes, nos commerces, et nos ateliers, en cultivant la nostalgie de ce rassemblement.
Non, c’est une longue marche qui vient de commencer, et nous avons encore de nombreuses étapes à franchir ensemble.
Alors, portés par cette force immense qui vient de naître, prenons l’engagement de continuer dans l’unité, de continuer aussi longtemps que les responsables de ce pays n’auront pas compris que leur ardente obligation est de sauver un espace rural où s’est forgée l’identité de la France et qui est le garant de la stabilité et de la cohésion de notre société.
La France a besoin de ses paysans, elle a besoin de ses terroirs, elle a besoin d’une agriculture forte dans un monde rural vivant.
J’en appelle aux autorités responsables de notre pays. Qu’elles relèvent la tête de leurs ordinateurs froids et inhumains, qu’elles entendent l’appel qui monte, aujourd’hui, du fond des campagnes.
Je demande aux gens des villes de prendre et de serrer cette main tendue vers eux en ce jour.
Pour qu’ensemble, dans un équilibre retrouvé, nous préparions une France harmonieuse pour nos enfants, une France appuyée sur ses racines fortes qui défende tous ses terroirs et tous ses hommes.
Source Actuagri
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