National | Par La rédaction

Chine : la longue marche vers l’autosuffisance

Pour asseoir son hégémonie sur la scène internationale, la Chine vise l’autosuffisance alimentaire. L’accroissement des capacités de production des filières animales se fait dans la douleur. Des fermes géantes supplantent les petits producteurs de bovins et de porcs. Mais la conjoncture économique contrarie leur essor. De nombreuses sociétés laitières sont déficitaires.

Sur de nombreux marchés agricoles, la Chine est le premier pays importateur au monde de commodités. L’an passé, elle a importé 2,4 millions de tonnes (Mt) de viande de porc, 3,46 Mt de viande bovine et l’équivalent de 10 Mt de lait en produits laitiers. Bien que l’empire du milieu soit la deuxième puissance économique mondiale, avec un excédent commercial de 800 milliards d’euros (Md€), son déficit commercial agricole et agroalimentaire récurrent et abyssal (135 Md€ en 2023) la rend vulnérable sur la scène internationale. Le taux de d’autosuffisance de la Chine est de 68 % en viande bovine, de 82 % en produits laitiers et de 97 % en viande de porc (88 % en 2020 en pleine crise peste porcine). Par ailleurs, Pékin importe jusqu’à 50 Mt de grains chaque année.
Eviter les faillites

Crédit photo : iStock-Medvedkov

Le gouvernement chinois ne se satisfait pas de cette situation. Il y a cinquante ans, la Chine visait l’autosuffisance alimentaire pour nourrir sa population affamée. Aujourd’hui, elle décuple d’efforts pour asseoir son hégémonie, analyse l’Institut de l’élevage (Idele). Pour accroître sa production chinoise de lait, la Chine s’est lancée entre 2020 et 2022 dans un vaste chantier de construction de 562 exploitations laitières de 500 à 10 000 vaches. Au total, elles logeront 3,77 millions bêtes. L’an passé, 164 nouveaux projets ont été étudiés. En 2023, les dix principaux groupes d’élevage laitier du pays élevaient 2,2 millions de bovins pour collecter près de 11,5 Mt de lait, soit 26 % de la production laitière (45 Mt). En porc, les deux groupes Muyuan Foodstuff et Wens Food Group détiennent 4,5 millions de truies. Mais l’accroissement des capacités de production se déroule dans la douleur : les prix agricoles de nombreuses filières ont fortement baissé consécutivement à la crise du Covid et du déséquilibre de l’offre qui en a résulté. En 2023, le litre de lait était payé moins cher qu’en France. Selon l’Idele, plus de 60 % des exploitations laitières étaient déficitaires l’an passé. La gravité de la crise laitière a contraint le gouvernement chinois à soutenir les filières bovines afin que les industries agricoles ne fassent pas faillite. Pour leur part, les groupes porcins font le dos rond en attendant des jours meilleurs.
Chute des cours

Outre l’objectif d’autosuffisance réaffirmé, l’enjeu est aussi la vitalité de l’économie de la Chine confrontée à un chômage de masse. Mais de nombreux petits éleveurs ont disparu. En fait, les crises des filières animales se sont enchainées en cascade. L’effondrement du prix du lait (-25 % en 2023) a contraint les fermes à se séparer d’une partie de leurs vaches, et les petits producteurs à cesser leur activité. Par ailleurs, les animaux qui n’avaient pas été vendus durant la crise du Covid, ont été menés à l’abattoir alors qu’à la frontière avec le Vietnam, la contrebande de bovins vivants en provenance d’Inde, repartait. Aussi, l’excès d’offre de viande fait effondrer les prix de la viande de bœuf. En fait, les marchés agricoles ne sont pas organisés et les acteurs privés et publics ne sont pas coordonnés. Cependant, la Chine importe moins de produits laitiers de base (poudres, beurre), de viande bovine et porcine, et elle diversifie autant que se peut ses fournisseurs.

Tant est si bien que les taux d’autosuffisance en lait et en viande se sont accrus de quelques points. Ces quarante dernières années, les productions de viande bovine et de lait ont été multipliées par huit en quarante ans. Par ailleurs, 57,9 Mt de porcs ont été produites. Avant 2030, jusqu’à 8 Mt de viande de bœuf et 40 Mt de lait devraient être produites et collectées en Chine.

La rédaction

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«La crise sanitaire liée au coronavirus accentue les déséquilibres sur les marchés agricoles», selon Michel Portier, directeur général d’Agritel. Suite à la politique très volontariste de la Chine à reconstituer son cheptel décimé de 40 % par la peste porcine ces deux dernières années, les cours du porc se sont repliés en ce début d’année.Mais une nouvelle hausse des cours se profile. En effet, avec la propagation du coronavirus, les importations sont désormais bloquées dans les ports et certains flux de marchandises dans l’Empire du Milieu sont interdits.La reconstitution du cheptel sera plus lente que souhaitée par les autorités locales, engendrant ainsi de nouvelles importations et une hausse des cours. A l’inverse, les cours des principales céréales, se sont repliés…