National | Par Didier Bouville
Le nombre d’élevages bovins ayant réalisé un diagnostic environnemental est en croissance. L’interprofession Interbev compte notamment s’appuyer sur la recherche pour améliorer la capacité des exploitations à stocker le carbone.
L’interprofession bovine et ovine entend poursuivre ses efforts de recherche et développement pour atténuer l’impact de ces filières sur le changement climatique et les adapter à de nouvelles conditions environnementales. C’est l’un des principaux enseignements qui est ressorti des « Matinales de la recherche » d’Interbev qui récemment s’est tenues à Paris et au cours de laquelle ont été présentés quelques-uns des programmes soutenus ou initiés par l’organisation professionnelle ces dernières années en matière de durabilité.
Engrais organiques
« De nombreux travaux de recherche ont été engagés sur la question du réchauffement depuis la publication en 2006 du rapport de la FAO « Livestock long shadow » qui pointait la responsabilité importante de la production de viande dans les émissions de gaz à effet de serre », a rappelé Jean-Baptiste Dollé, chef du service Environnement de l’Institut de l’Elevage. « Ces études ont eu pour objectifs prioritaires d’établir des méthodologies fiables d’évaluation de la contribution des exploitations et d’impliquer l’ensemble des acteurs dans des démarches de transition bas-carbone », a-t-il poursuivi. Depuis 2015, la filière bovine française est ainsi engagée dans le programme européen Life Beef Carbon visant à réduire son empreinte carbone de 15 % en dix ans. Un programme qui s’appuie notamment sur une méthode de diagnostic, CAP’2ER, qui permet d’évaluer les impacts environnementaux des élevages et d’identifier les marges de progrès.
« L’un des leviers importants de réduction de l’impact est la réduction des périodes pendant lesquelles les animaux sont improductifs, en raccourcissant l’intervalle entre les vêlages », a détaillé Emma André, cheffe de projet Environnement à Interbev. « Mais d’autres solutions sont à la disposition des éleveurs, comme le développement de l’autonomie des exploitations en matière d’alimentation animale ou encore la meilleure utilisation des engrais organiques produits par les animaux pour réduire la consommation d’engrais de synthèse qui sont à l’origine des gaz à effet de serre », a-t-elle poursuivi.
Stockage carbone
Les intervenants de la matinée ont également insisté sur la contribution positive de l’élevage à l’atténuation du changement climatique grâce à la capacité de stockage du carbone dans ses sols. « La quantité de carbone présente sous les prairies s’élève à 84 tonnes par hectare, l’équivalent de celle stockée sous les forêts et deux fois plus que sous des grandes cultures », a précisé Jean-Baptiste Dollé. Selon le chercheur, il est nécessaire d’inciter les éleveurs à maintenir ce stock mais aussi de les encourager à gérer leurs surfaces de manière à l’augmenter. « On peut encore stocker plus de carbone dans nos prairies actuelles, notamment en implantant des haies », a-t-il poursuivi.
L’INRAE a ainsi développé CarSolEl (pour carbone, sol, élevage), un outil permettant aux éleveurs de mesurer l’évolution du stock de carbone dans leurs prairies et d’identifier les pratiques à mettre en place pour le maintenir voire l’augmenter. Ce modèle, d’ores et déjà utilisable en ligne, sera bientôt intégré à CAP’2ER. Dans la même veine, Interbev finance depuis 2022 aux côtés du CNIEL le projet OCBO, piloté par l’Institut de l’élevage avec la collaboration de l’INRAE et des Chambres d’agricultures. OCBO vise, à partir de l’observation de 80 parcelles réparties sur une vingtaine d’exploitations, de connaitre le stock de carbone organique dans les sols et son stockage en fonction des pratiques d’élevages, et de communiquer sur les pratiques préservant ou augmentant ce stock, comme le pâturage tournant dynamique.
Multifonctionnalité
« Les outils et méthodes, nous les avons donc », a résumé Jean-Baptiste Dollé. « Mais pour parvenir à réduire les émissions de GES de 15 % ou 20 % à moyens terme, l’enjeu prioritaire de la filière est aujourd’hui d’embarquer tous les producteurs, en mobilisant toutes les structures gravitant autour de la profession », a-t-il insisté. « Pour le pas suivant, celui de l’objectif de neutralité climatique en 2050 fixé par l’Europe, la recherche aura permis entretemps d’identifier d’autres solutions techniques », a-t-il estimé.
Pour l’interprofession, l’enjeu environnemental ne se limite cependant pas aux émissions de carbone. « Nous avons besoin d’indicateurs rendant compte de la multifonctionnalité de l’élevage herbivore, qui permet de maintenir des agroécosystèmes diversifiés avec des prairies, des haies, qui ont eux-mêmes des externalités positives sur la qualité de l’eau, le maintien du stock de carbone et la biodiversité », a conclu Emma André d’Interbev. « La recherche doit nous permettre de disposer d’éléments fiables de connaissance dans ce domaine pour apporter des réponses à la société civile et élargir le débat lors de la construction des stratégies environnementales par les pouvoirs publics », a-t-elle estimé.
La rédaction