National | Par Didier Bouville
La FNSEA a obtenu dans le projet de loi de Finances pour 2024 un certain nombre de dispositions favorables pour compenser la sortie partielle de l’exonération des taxes sur le gazole non routier. Grace au travail qu’elle a réalisé et la fermeté qu’elle a manifestée la FNSEA a été entendue.
Comment avez-vous réagi après l’annonce de la suppression partielle de la détaxation du GNR ?
Luc Smessaert : Après l’annonce, il y a quelques mois, par le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, de revoir la détaxation dont bénéficie le gazole non routier (GNR) pour les agriculteurs, la FNSEA s’est mobilisée sur le champ. Plutôt que de choisir la voie du refus de la décision du gouvernement, elle a préféré la stratégie de la négociation pour ne pas apparaître en décalage avec les attentes sociétales et les objectifs des pouvoirs publics en matière de décarbonation de l’économie. Sans rien lâcher et avec le soutien du réseau nous avons obtenu des avancées significatives en proposant une trajectoire de sortie du GNR responsable et progressive. En effet, toutes nos demandes ont été acceptées par le Gouvernement. Ce qui nous a guidé, c’est d’obtenir des compensations à l’euro près pour préserver la compétitivité de la ferme France et les revenus des agriculteurs et nous y sommes parvenus.
Quelles sont les mesures que vous avez obtenu ?
LS : A l’issue d’intenses négociations, le Gouvernement a accepté que la fin de l’exonération de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE) soit progressive et partielle jusqu’en 2030. Concrètement, la taxation à laquelle est soumis le GNR destiné aux agriculteurs passera de 3,86 euros/hl en 2023 à 23,46 €/hl en 2030, soit une augmentation de 2,80 €/hl par an. En supposant que la TICPE reste à 59,40 € /hl en 2030 comme elle l’est aujourd’hui, les agriculteurs continueront de bénéficier d’une exonération des deux tiers de la taxe, à l’issue de la période transitoire, soit 35,94 €/hl.
Mais l’aggravation de la charge fiscale supportée par les agriculteurs sera compensée intégralement par l’amélioration des dispositifs fiscaux agricoles. Le premier concerne l’augmentation du plafond du micro-BA (anciennement le forfait) qui va passer de 91 900 € à 120 h000 €. 100 000 agriculteurs environ bénéficieront de ce relèvement du seuil. Le deuxième porte sur le rehaussement du plafond d’exonération totale des plus-values de 100 000 euros qui va passer de 250 000 € à 350 000 € de chiffre d’affaires. Le plafond d’exonération partielle est également réévalué de 100 000 €, de 350 000 € à 450 000 €. 120 à 130 000 agriculteurs sont concernés par ce réajustement. Enfin le plafond pour l’épargne de précaution va passer de 43 000 € à 50 000 €, ce qui va donner un peu plus de souplesse aux agriculteurs pour faire face aux fortes variations de revenu consécutives au dérèglement climatique.
Enfin le gouvernement a accepté la mise en place d’un crédit d’impôt transition écologique à partir de 2025 pour les travaux ou les investissements que les agriculteurs pourront réaliser en faveur de la préservation de l’environnement et la sauvegarde de la biodiversité (plantation de haies, équipement de pneus basse pression pour les tracteurs, panneaux photovoltaïques…). Si la mesure n’est pas inscrite dans le projet de loi de Finances pour 2024, le ministre de l’Economie et des Finances s’est engagé à la valider pour l’année suivante lors de la discussion budgétaire au Parlement.
Avez-vous obtenu d’autres engagements ?
LS : S’agissant de la trajectoire de décarbonation à l’horizon 2030/2040, les pouvoirs publics se sont rendus à nos arguments selon lesquels l’agriculture n’avait pas d’alternatives immédiates, qu’il s’agisse du développement de l’hydrogène, du remplacement des moteurs thermiques par des moteurs électriques notamment. Les solutions en restent encore au stade expérimental. La seule solution immédiate est l’augmentation du taux d’incorporation des biocarburants dans le GNR. Actuellement à 7 % il pourrait passer à 30 % rapidement. Encore reste-t-il à en définir les modalités.
Portez-vous d’autres revendications sur le projet de loi de Finances pour 2024 ?
LS : Nous sommes toujours préoccupés par la hausse du prix de l’énergie depuis quelques mois. Depuis le mois de juin, nous subissons une augmentation de 30 cts par litre du prix des carburants qui ont un fort impact sur les coûts de production et sur la compétitivité de nos exploitations agricoles. Il ne faudrait pas que le gouvernement, comme il en a l’intention, augmente les redevances sur les pollutions diffuses et l’eau, à laquelle nous nous opposerons avec la plus grande détermination.
Nous portons également auprès du gouvernement l’introduction dans le budget d’un dispositif pour enrayer le déclin du cheptel bovin laitier et allaitant, en neutralisant l’impact de l’inflation sur les stocks qui crée un revenu latent.
Surtout nous regrettons que le projet de budget ne prévoie aucune disposition sur la transmission des exploitations pour favoriser l’installation. Sans attendre la loi d’orientation de l’agriculture, le gouvernement aurait pu anticiper un certain nombre de dispositions législatives pour arrêter l’hémorragie des agriculteurs, 130 000 d’entre eux vont partir à la retraite d’ici 2030.
La rédaction