National | Par Didier Bouville
L’Institut Montaigne a publié le 28 octobre, un rapport intitulé « En campagne pour l’agriculture de demain – Propositions pour une souveraineté alimentaire durable ». Objectif : trouver les voies et moyens pour (re)faire de la France le premier pays agricole durable en Europe.
C’est un ambitieux rapport de 200 pages que l’Institut Montaigne (lire encadré) a rendu public le 28 octobre. Sous la présidence de l’ancien ministre de l’Agriculture, Hervé Gaymard, le groupe de travail de cet institut s’est attelé à déterminer les forces et faiblesses de l’agriculture française et de tenter de lui tracer un horizon, en particulier celui de devenir le premier pays agricole durable en Europe, et forcément dans le monde puisque l’Europe est à ce jour le continent leader en termes agroécologioque.
Réduire la concurrence déloyale
Le rapport établit tout d’abord le constat que « la France connaît un essoufflement de sa souveraineté alimentaire qui doit nous alerter » même si précise Hervé Gaymard, cette souveraineté « reste dans l’ensemble assurée. La France produit beaucoup : elle est la première puissance agricole en Europe ». Inquiet du « déclassement manifeste » de la question agricole dans les agendas politiques européens, le groupe de travail confirme la dépendance de notre pays à de nombreux produits, en particulier aux protéines végétales importées, ce qui « constitue une fragilité structurelle ». En 2019, la France qui a perdu un tiers de ses parts de marché en Europe en moins de vingt ans est même devenue « importatrice nette de produits agroalimentaires par rapport à ses concurrents européens », souligne l’Institut. L’agriculture française doit également faire face au renouvellement des générations, répondre, malgré tout à l’inévitable augmentation de la demande alimentaire liée à la croissance démographique. « A l’horizon 2050, il faudra nourrir 9,7 milliards de personnes et contribuer à la sécurité alimentaire mondiale à la juste mesure de nos atouts », note le rapport. De plus, il lui faudra répondre à cette équation alimentaire dans un nouveau paradigme climatique qui est le grand défi du XXIe siècle.
Pour remettre cette souveraineté alimentaire sur de bons rails, le laboratoire d’idées pose trois préalables. Le premier : instaurer des règles de production commune et des clauses miroirs ce que l’Institut appelle réduire « la concurrence déloyale vis-à-vis de productions importées ne respectant pas les mêmes normes ». Deuxième préalable : ne pas opposer les systèmes et troisième condition : écrire un nouveau récit, notamment sous l’égide de la 3e révolution agricole proposée par le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie.
Réenchanter les métiers
Fort de ces constats, l’Institut Montaigne propose l’ouverture de six chantiers qui doivent permettre de « construire l’agriculture des temps nouveaux » selon sa formule. « Donner un cap stratégique cohérent et de long terme aux politiques publiques » constituera en premier lieu le « socle de la reconquête agricole et agroalimentaire », décline le rapport. Il invite également à restaurer la compétitivité des filières agricoles en restaurant préalablement des conditions de concurrence loyale mais aussi en investissant « massivement dans le déploiement des innovations ». La question de la revalorisation du revenu agricole reste un condition sine qua non pour réenchanter les métiers et pour attirer davantage les nouvelles générations. Un vaste chantier qui passe par le maintien des aides publiques et par la diversification, notamment sur les énergies vertes. Il faut « donner aux agriculteurs les moyens de produire et entreprendre durablement », insiste le rapport.
Entre les lignes, il appelle à une nouvelle loi foncière qui permettrait aussi de limiter l’artificialisation des sols. Il milite ouvertement pour l’utilisations des avancées de la recherche génétique ainsi que pour les retenues d’eau. Le cinquième chantier concerne l’accompagnement des pratiques agricoles avec la valorisation de ces modes de production plus durables (HVE, bio, signes de qualité). « L’agriculteur de demain sera aussi un carboniculteur », écrit le rapport. Enfin, l’Institut appelle à renforcer les efforts sur la lutte contre la précarité et le gaspillage alimentaire ainsi qu’à valoriser l’origine France. « Cette ambition est impérieuse car la souveraineté alimentaire est une composante de la souveraineté et de la puissance de la France au XXIe siècle. », conclut-il.
Le rapport complet est disponible sur le site de l’Institut Montaigne : www.institutmontaigne.org rubrique “Publications”
La rédaction