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«Le Roquefort AOP a tout pour être heureux !»
29 juillet 2021
Jacques Bernat, président de la FRSEB (devenue Association des producteurs de lait de brebis de l’aire Roquefort) de 1996 à 2007, Patrice Chassard, président du comité national des appellations laitières à l’INAO, Jérôme Faramond, président de l’APLBR, Robert Glandières, président de la FRSEB de 2007 à 2017 et Michel Lacoste, président du CNAOL.
L’association des producteurs de lait de brebis de l’aire de Roquefort tenait son assemblée générale mardi 27 juillet à Roquefort. Le président, Jérôme Faramond, avait invité le président du CNAOL, Michel Lacoste et Patrice Chassard, membre de l’INAO pour évoquer les adaptations envisagées par la filière Roquefort, pour faire face aux nouvelles attentes sociétales.
Environnement, bien-être animal, qualité, origine, retour aux producteurs... les attentes sociétales bougent et se font de plus en plus pressantes. Le Roquefort AOP, plus vieille appellation d’origine contrôlée de France, n’échappe pas à ces nouvelles demandes. Son histoire, son vécu, son identité, son image... contribuent à apporter une première réponse mais les producteurs de lait de brebis de l’aire de Roquefort réunis au sein de l’APLBR veulent aller plus loin. «Ces questions de bien-être animal, d’environnement... pèsent de plus en plus dans le débat et dans nos discussions avec nos partenaires, avec les consommateurs. Nous voulons être moteurs dans ces démarches», a introduit Jérôme Faramond, président de l’APLBR. «Nous avons les outils à notre service pour nous accompagner dans ces évolutions».
Appellation avant-gardiste
Dans cette optique, l’APLBR a convié à son assemblée générale, Michel Lacoste, président du CNAOL, fédération qui regroupe toutes les ODG (organismes de défense et de gestion) de France, notamment les 51 appellations d’origine contrôlée laitières (dont le Roquefort AOP) et Patrice Chassard, membre de l’INAO depuis 1996 et président du comité national des appellations laitières, agroalimentaires et forestières à l’INAO. Tous deux sont convaincus que les producteurs de Roquefort ont toutes les cartes en main pour aborder sereinement ces adaptations pour faire face aux mutations sociétales et environnementales. «Etre novateurs, presque avant-gardistes fait partie de l’histoire de Roquefort», poursuit Jérôme Faramond. Jacques Bernat, président de la FRSEB de 1996 à 2007 et son successeur, Robert Glandières, président jusqu’en 2017, l’ont bien rappelé. «En 1921 tout a commencé avec les 10 000 producteurs de Roquefort qui ont organisé une grande manifestation à Saint Affrique pour dénoncer la misère dans la campagne. De là est né le syndicat des éleveurs de brebis, devenu FRSEB et aujourd’hui APLBR», raconte Jacques Bernat. «En 1925, sous la bannière des propriétaires fonciers, les producteurs et fabricants ont écrit un cahier des charges pour lutter contre la fraude, protéger et défendre leur fromage. La première AOC de France était née !», poursuit-il. «Puis la Confédération générale de Roquefort créée autour de l’emblématique brebis rouge, a suivi en 1930. Comme ils l’ont fait à cette époque, c’est aux acteurs de la filière Roquefort de continuer à écrire leur histoire et à personne d’autre !», encourage l’ancien porte-parole des producteurs de lait de brebis. Et Robert Glandières de compléter : «Un cahier des charges, il faut le faire vivre ! Nous devons nous retrouver sur l’essentiel, retrouver un esprit collectif pour prendre les bonnes décisions et amorcer ce nouveau virage».
«Reprendre la place qui est la nôtre !»
Dans une appellation d’origine, on travaille pour les 20 prochaines années : «c’est un travail de longue haleine, on travaille pour les générations futures comme vos prédécesseurs l’ont fait pour vous !», a souligné Patrice Chassard. Producteur fermier de Saint Nectaire et engagé à l’INAO depuis 1996, il sait ce que signifie l’histoire mais il sait aussi l’importance de savoir se projeter dans l’avenir. Tout comme Michel Lacoste, producteur de Cantal et de Bleu d’Auvergne. Le président du CNAOL a présenté le projet en cours mené par l’ensemble des AOC laitières de France : «AOP laitières durables». «Ce projet doit nous permettre de repositionner nos appellations laitières qui représentent le symbole de l’excellence de la gastronomie française, une gastronomie connue et reconnue à l’échelle internationale. Nous devons reprendre cette place qui est la nôtre !», a-t-il encouragé. «Et le Roquefort fait partie de ces emblèmes de notre gastronomie. Vous avez une histoire forte, un capital énorme dans les mains que vous devez faire fructifier !». Il incite les producteurs à s’associer plus que jamais avec les fabricants pour faire valoir l’histoire de l’AOP Roquefort, ses atouts «parce que vous avez déjà de belles cartes en main», ont poursuivi Michel Lacoste et Patrice Chassard.
Selon eux, la crise sanitaire a réveillé les responsables des appellations d’origine : «Nous avons vécu un séisme. Pendant le premier confinement, certains transformateurs de fromages AOP n’ont plus vendu un seul produit ! Heureusement la classe politique s’est mobilisée pour que nos appellations qui font partie de notre patrimoine commun, soient sauvées. Les articles de presse se sont multipliés, les campagnes de communication ont fleuri... Et nous avons repris notre place dans le cœur des consommateurs», atteste Michel Lacoste.
S’inscrire dans une durabilité à 360°
Et le projet «AOP laitières durables» est le fruit de cette remobilisation collective des appellations laitières de France. «Chacune des appellations va proposer un certain nombre d’engagements sur trois axes principaux : l’économie, l’environnement et le social. Au cœur de nos engagements : être acteur de la vitalité de nos territoires, travailler sur nos modes d’élevage, créer et partager la valeur ajoutée...», détaille Michel Lacoste. «La dynamique territoriale est un incontournable pour nos appellations présentes en majorité dans des territoires difficiles. L’enjeu est à la fois de valoriser l’existant, ce qui existe déjà dans nos cahiers des charges et de créer de nouvelles mesures». L’objectif d’ici 2030 est d’inscrire les cahiers des charges dans une durabilité à 360° c’est-à-dire à la fois économique (partage de valeur), environnementale (préservation de la biodiversité, des animaux) et sociale (assurer le renouvellement des producteurs et des acteurs de la filière).
Cette évolution passe par une adaptation du cadre réglementaire pour intégrer ces éléments de durabilité, un renforcement de la protection, de la communication et de la valorisation des AOP, mais aussi par la consolidation des collectifs. «Nous allons définir ensemble un cadre commun d’engagement qui sera déclinable pour chaque AOP parce que chacune a sa spécificité», atteste Michel Lacoste. Et Patrice Chassard d’enchaîner : «Répondre à la demande sociétale, c’est capter de la valeur pour l’ensemble de la filière.
Et pour ce faire, il faut que les producteurs se fédèrent autour de 5 points fondamentaux : sol-effluents, alimentation, bâtiment et pâturage et traitement de la matière première (lait cru)».
Rien d’insurmontable pour les producteurs de Roquefort AOP selon Jérôme Faramond : «C’est la force de notre collectif qui nous aidera à passer ce nouveau cap». Il enchaîne : «Notre cahier des charges a été créé pour se défendre, pour se protéger et pour être reconnu. A nous aujourd’hui de le rendre plus sexy !». Garder la maîtrise de son contenu est tout l’enjeu : «Notre cahier des charges nous appartient, il constitue une base solide avec déjà nombre d’arguments à faire valoir. A nous de nous mettre au travail !», a-t-il encouragé.
Pour cela, une échéance se dessine, celle des élections à l’APLBR au printemps prochain. Les 1450 points de collecte du bassin de Roquefort sont appelés à élire leurs représentants en avril. Et pour s’y préparer, onze réunions de secteur sont programmées à partir de septembre : «Nous invitons l’ensemble des producteurs à participer, à s’impliquer pour continuer d’écrire l’histoire de notre roi des fromages !», conclut Jérôme Faramond.
Eva DZ