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La gestion durable de la Gentiane jaune s’organise

12 aout 2021

La gestion durable de la Gentiane jaune s’organise

Johan Bouges, éleveur sur l’Aubrac, membre du collège exploitant au sein de l’association interprofessionnelle de la Gentiane Jaune, a assisté aux relevés des stations réalisées par Stéphanie Flahaut en Aveyron.

Petite fleur jaune des massifs montagneux, la Gentiana lutea est surtout connue pour ses vertues apéritives ! Mais elle en offre bien d’autres ! Robuste et vivace, elle est très présente dans les prairies d’estives. Sa production se justifie donc pleinement au sein des systèmes d’élevage. Cet équilibre patrimonial est préservé grâce à une association interprofessionnelle de la Gentiane Jaune où propriétaires-gestionnaires fonciers, cultivateurs et arracheurs de gentiane, collecteurs-négociants-grossistes, transformateurs, chercheurs... travaillent ensemble à la sauvegarde et la mise en valeur de la ressource.

Filière peu connue, la Gentiane jaune fait pourtant partie du patrimoine culturel du Massif central et du massif de l’Aubrac. Sa production se justifie pleinement au sein d’un système «bovin, gentiane, gentianaire (arracheur de gentiane)» qui existe depuis qu’elle est exploitée sur les estives. Les vaches maintiennent le paysage ouvert et offrent donc à la plante des conditions qui lui sont favorables et le gentianaire arrache les gros plants et restaure la valeur fourragère de la prairie pour plusieurs années. La clé est de maintenir cet équilibre car la gentiane peut devenir envahissante. La déprise agricole ou l’intensification des pratiques d’un côté, la sur-exploitation ou la sur-protection de la gentiane peuvent aussi rompre l’équilibre de ce système.

Une initiative de terrain

Heureusement, l’association interprofessionnelle de la Gentiane Jaune veille ! Fondée en 2014, cette structure qui réunit l’ensemble des acteurs de la filière, depuis le propriétaire foncier en passant par l’arracheur de gentiane, le collecteur, le négociant jusqu’au transformateur..., travaille collectivement à une charte de production de gentiane durable. Un dépôt de marque «Gentiane durable» est également en cours, soutenu par le CPPARM (comité des plantes à parfum aromatiques et médicinales). «Notre ambition, avec l’appui des organismes de recherche, les instituts techniques, les laboratoires indépendants, est de protéger la ressource, la production tout en préservant l’activité économique», explique Stéphanie Flahaut, animatrice de l’association interprofessionnelle. «Nous avons construit ensemble un canevas solide autour d’un guide de bonnes pratiques de production de gentiane qui donne à chaque maillon de la filière une ligne de conduite pour une production durable de la gentiane», poursuit-elle. Du propriétaire au producteur, de l’arracheur au grossiste, jusqu’à celui qui distille, chacun s’engage à suivre les préconisations du guide. «Notre démarche est basée sur le volontariat», tient à préciser Stéphanie Flahaut. Et chaque maillon pourra être labellisé par la marque Gentiane Durable, dès son officialisation espérée en fin d’année.

Une demande croissante

L’association interprofessionnelle veille au bon respect du guide des bonnes pratiques à tous les niveaux de la filière. Elle intervient auprès des propriétaires et gestionnaires fonciers sur le conseil dans la gestion de la ressource et sa valorisation. La gentiane s’achète aux propriétaires du terrain où elle pousse. Johan Bouges, éleveur sur l’Aubrac et membre du collège exploitant au sein de l’association, témoigne de la nécessité de préserver la ressource Gentiane et de la valoriser à sa juste valeur. «Ce guide de bonnes pratiques et notre future marque inscriront la production de gentiane dans un cycle vertueux et garantiront une transparence et une traçabilité auprès de nos clients», espère-t-il. Pour lui, la gentiane peut constituer un petit complément qui participe à la durabilité d’une exploitation. Là aussi tout est une question de bonne gestion pour ne pas créer de déséquilibre ! Le producteur souhaiterait un prix minimum de 45 centimes d’euros le kg.

Un cycle sur 20 à 30 ans   

La structuration de la filière gentiane permet une meilleure gestion de la ressource pour essayer de pérénniser l’activité. La distillerie n’est pas le seul débouché de la gentiane, l’agroalimentaire dans son ensemble mais aussi la pharmaceutique, la parfumerie... sont des domaines très demandeurs. «La pression se fait plus forte et s’étend à l’international. C’est pourquoi nous devons être vigilants sur la gestion de la ressource et ne pas faire n’importe quoi !», avertit Stéphanie Flahaut. La gentiane nécessite des rotations longues. Il est préconisé de respecter un délai d’environ 20 ans entre deux exploitations de racine de gentiane, et de ne prélever que 60 à 80% des plants matures. Ceci permet de récolter des pieds âgés de 20 à 30 ans, dont le poids peut atteindre plusieurs kilos.
Des observations sont réalisées chaque année, depuis 10 ans, par Stéphanie Flahaut sur plusieurs stations dans le Puy de Dôme, le Cantal et l’Aveyron, pâturées par des bovins exclusivement, grâce aux autorisations données par les propriétaires de terrain où pousse la plante. «En observant la plante, son évolution chaque année mais aussi les zones où elle a été arrachée, nous rassemblons des éléments concrets pour mieux la connaître, comprendre comment elle se réinstalle après son arrachage, quelles sont les pratiques agricoles qui lui sont favorables, comment elle résiste au changement climatique...», détaille Stéphanie Flahaut, lors de l’un de ses relevés sur une placette sur la commune de Curières début juillet.
Si dans certaines zones, la cueillette de la gentiane est très réglementée voire interdite, dans le Massif central ce n’est pas le cas. Pour autant, il ne se fait pas n’importe quoi : «Notre association souhaite être un interlocuteur auprès des pouvoirs publics sur la question de la gestion de la ressource. Nos observations, notre connaissance de son implantation et de son évolution sur les massifs ont contribué à mettre en œuvre ce guide des bonnes pratiques partagé par tous les acteurs. Nous sommes donc légitimes pour apporter notre expertise terrain sur laquelle se baser pour mettre en place, si nécessaire, les mesures de gestion cohérentes», argumente Stéphanie Flahaut.

En attendant, les acteurs de la filière Gentiane Jaune agissent collectivement pour la préservation et la valorisation de cette plante typique de leur territoire.

Eva DZ