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Institut français de la vigne et du vin, prospection de vieux cépages à Espeyrac

09 septembre 2021

Institut français de la vigne et du vin, prospection de vieux cépages à Espeyrac


Un travail de conservateur. Les experts de l’Institut français du vin et des vignes se sont rendus à Espeyrac à la recherche de cépages anciens. Munis de leurs carnets, ils répertorient chaque trouvaille.

Des vignes sauvages

Depuis les hauteurs du Neyret, à Espeyrac, un paysage magnifique s’étend à perte de vue. Non loin de là, à moins de deux kilomètres, les vignes sur lesquelles poussent le raisin de l’AOC Entraygues-le-Fel, sont visibles. Mais aujourd’hui, ce n’est pas ce vignoble qui est la source de toutes les curiosités. Un petit cépage familial se niche à flanc de colline en descendant vers la rivière. Il attire une équipe de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). «Nous étions déjà venus l’année passée. Mais devant la richesse des cépages anciens que nous avions trouvé en Aveyron, et notamment ici, nous n’avions pas eu assez de temps pour tout répertorier. Cette parcelle-là est très ancienne et assez unique», se remémore Olivier Yobregat, spécialiste pour l’IFV et ingénieur agronome.
Car si ce vignoble intéresse l’équipe d’ampélographes, c’est avant tout pour son aspect sauvage resté intact. «Ce côté intouché par la main de l’homme lui donne sa force. Les premiers résultats de la visite de l’année dernière ont montré que des cépages anciens ont persisté sur cette parcelle. D’abord parce que la vigne pousse sur un sol sablonneux. Il empêche le phylloxéra de s’implanter», explique Olivier Yobregat. D’une taille allant de 1 à 3 centimètres, ce petit insecte importé des États-Unis, semblable à un puceron, ravage les vignes. La maladie au nom éponyme aurait détruit une quantité impressionnante de variétés de cépages à la fin du XIXème siècle. La vigne du Neyret y a survécu puisque selon les experts de l’IFV, les cépages présents datent d’avant le phylloxéra.
«20 des cépages les plus connus, ceux que l’on retrouve dans les grands noms du vin, représentent aujourd’hui 95% des productions des vignobles en France. Les 10 premiers représentent même 87% des vignes de l’Hexagone. Pourtant, il existe plus de 400 cépages autochtones anciens», contextualise Olivier Yobrégat. Une richesse incroyable pour le pays du vin. Certains cépages retrouvés sont même datés de la préhistoire. «Dans un lieu boisé comme celui-ci, c’est idéal pour retrouver les plantes les plus anciennes. Elles sont restées sauvages, à l’abri de la main de l’homme», explique Michel Laurens, vigneron de l’AOP de Marcillac à Clairvaux.

Richesse du patrimoine

S’il est aujourd’hui présent, en balade toute la journée au milieu des vignes, à la recherche de la pépite inconnue, c’est avant tout par passion. «Je trouve fascinant de partir à la recherche de trésors oubliés. Et puis c’est une façon de protéger un patrimoine naturel qui est au cœur de la culture française. Toutes ces vignes n’ont pas un intérêt agronomique. Mais ce n’est pas l’important. C’est une passion», défend Michel Laurens. Si certains cépages ont disparu du paysage des vignerons français, les raisons sont aussi économiques. «Comme le dit Michel Laurens, tous ces cépages ne représentent pas un intérêt concret. De par un rendement médiocre ou une sensibilité aux maladies», ajoute Olivier Yobregat.
Mais alors, quel est l’intérêt de la prospection de vignes ? «La finalité de notre travail est la conservation du patrimoine génétique des cépages. Un peu comme dans un musée. Nous pourrons exposer la richesse botanique des vignes en France. Parce que le cépage fonctionne un peu comme le loup et le chien. Il y a eu énormément de mélanges qui se sont faits au fil des siècles, de façon naturelle, entre les graines. C’est ce que nous appelons les enfants d’encépages. Nous voulons les répertorier et, si le besoin ou l’intérêt s’en fait sentir, pouvoir les exploiter à nouveau», développe Olivier Yobregat. Et pour prospecter, rien de mieux que les petites parcelles non-commerciales : elles sont les plus propices aux découvertes de cépages ancestraux.

Les souches (re)poussent


Alors les experts scrutent chaque recoin de leur regard perçant, familiarisés dans la reconnaissance des espèces. Ils notent, répertorient et font prospérer leurs découvertes. Dans la matinée, l’équipe de l’IFV a découvert 40 cépages à Campuac. «Depuis quelques années, les découvertes se multiplient. Une diversité énorme se dessine avec beaucoup de cépages anciens. Avec des tests génétiques, nous pouvons remonter très loin dans l’arbre généalogique d’une vigne et recroiser les informations. Nous pouvons ainsi remonter à l’origine d’une souche. Tout cela est ensuite exposé dans un convervatoire», retrace Olivier Yobregat.
Parfois, ces cépages anciens se voient offrir une seconde vie, loin de la retraite au musée qui est promise à la plupart. «Chez moi à Claivaux, j’ai mis en place une parcelle expérimentale grâce au travail de l’IFV. 14 cépages redécouverts par les experts ont ainsi été replantés. L’un d’eux est le Fel blanc qui descend du Gouais blanc», se réjouit Michel Laurens. Les ampélographes profitent ainsi de zones d’études supplémentaires pour observer et mesurer l’adaptation de ces souches anciennes. Et peut-être en retrouver certaines sur le marché.

Jérémy Duprat