Aveyron | Par Jérémy Duprat

Louvetier : une fonction à honorer

Les Lieutenants de louveterie sont une institution ancienne. Et si, pendant longtemps, le loup n’était plus une préoccupation, le prédateur redevient une menace. Les louvetiers interviennent en dernier recours par arrêté préfectoral.

Une institution ancienne

Olivier Esperce est le président des Lieutenants de louveterie de l’Aveyron. «J’ai toujours chassé depuis que j’ai 16 ans. Mais ce n’est pas venu de ma famille, du moins pas directement : depuis deux générations il n’y avait pas de chasseur dans ma généalogie. Ce qui me plaît avec la chasse, c’est la nature bien entendu et le chien. La complicité et le travail avec le chien, cette complicité entre chien et maître, qui se manifeste au moment de la chasse mais aussi toute l’année, c’est cette passion-là qui m’anime par-dessus tout. Sans chien, je crois que je ne chasserais pas. J’ai deux Terriers mais également des Setters. Je suis chasseur de petits gibiers, c’est ma passion principale. J’ai toujours aimé partir en solitaire, être seul ou à deux. J’aime ce côté seul face à la chasse», explique Olivier Esperce.

Et puis, il y a 3 ans maintenant, le chasseur chevronné a déposé sa candidature en tant que louvetier. «La raison pour laquelle j’ai postulé, c’est pour pouvoir rendre service à travers ma passion. C’est une façon pour moi de défendre ce que j’aime. Et puis, il y a l’aspect honorifique de la fonction, nous sommes sous les ordres des préfets, c’est quand même quelque chose, nous portons l’uniforme. C’est une fonction qu’il faut essayer de mettre en avant grâce à notre travail à chaque intervention», estime le président des louvetiers. Les postes, entièrement bénévoles, sont renouvelés tous les 5 ans, avec une limite d’âge fixée à 75 ans. De plus, la fonction impose, comme à l’armée, un droit de réserve. Difficile dans ces conditions de connaître l’avis d’Olivier Esperce concernant les questions sociétales autour de la chasse. «C’est pour cette raison que je ne répondrai pas à ces interrogations», répond le louvetier en riant.

Les lieutenants de louveterie existent depuis des temps anciens. «L’institution a été créée en 812 sous le règne de Charlemagne. Si nos missions ont changé depuis, elles étaient à l’époque centrées principalement autour du loup, nous revenons tout de même sur la même chose aujourd’hui. Notre rôle est de réguler la faune nuisible», relate Olivier Esperce. À l’époque de Charlemagne, chaque vicaire doit avoir deux louvetiers par circonscription. Pour prouver que leur travail est effectué, les chasseurs de loups doivent envoyer les peaux des animaux tués à leurs supérieurs. Les loups étaient alors un danger et une menace permanente. Les louvetiers avaient pour mission de rechercher les portées au mois de mai, d’utiliser les batteries, les hameçons, les fosses et les chiens pour détruire les loups. Ils bénéficient également d’une dispense au service militaire et d’un droit de gîte chez les habitants. En paiement, les louvetiers jouissent d’une «mesure de grain», prélevée sur la part due à l’Empereur. Aujourd’hui, les lieutenants de louveterie sont «des agents bénévoles de l’État, assermentés, reconnus d’utilité publique. Nous avons tous une profession à côté, c’est important de le rappeler», précise Olivier Esperce qui travaille dans l’immobilier. Leur équipement est à leur frais. Seuls les déplacements dans le cadre des missions loup sont défrayés.

L’objectif numéro un des Lieutenants de louveterie : veiller au maintien d’une vie animale compatible avec l’activité économique et les objectifs environnementaux. «Nous sommes 28 louvetiers sur le département et nous répondons au préfet. Pour ce faire, il y a un arrêté permanent qui nous permet d’intervenir sur les nuisibles : ragondin, corneille, fouine, renard… Le loup quant à lui est une espèce protégée. Et puis, il y a les arrêtés spécifiques. Ils sont pris par le préfet ou par les maires, qui nous permettent d’intervenir sur un problème particulier comme les dégâts aux cultures. En période de chasse, nous essayons de compter sur les chasseurs. Nous intervenons plutôt en période hors chasse. Nous ne sommes pas soumis au droit de la chasse, ce qui veut dire que nous pouvons utiliser des moyens supplémentaires», explique en détail Olivier Esperce. Ces moyens sont définis par l’arrêté du préfet ou du maire.

Main dans la main

Pour cette raison, les louvetiers peuvent intervenir toute l’année. Les périodes de chasse ne les concernent pas. «Quand il y a une problématique, le louvetier propose un moyen d’intervention et l’administration le valide ou pas. Nous ne sommes pas soumis aux périodes de chasse. Nos interventions se font en tout lieu, en tout temps. Cet hiver, nous sommes par exemple intervenus sur le Larzac. Et ce, une vingtaine de nuits en roulement entre plusieurs groupes. Notre surveillance s’est portée sur plusieurs élevages en même temps, dans une zone où le loup a fait du dégât. Nous intervenons pour des tirs de défense renforcée, toujours en protection des troupeaux. Nous nous positionnons en attendant une éventuelle attaque. À partir de 20h nous sommes en poste, jusqu’à 2h du matin. Rester sans bouger, en hiver, cela devient vite compliqué. Le froid est intense dans une position statique», témoigne Olivier Esperce. Au total, sur l’année 2021, les 28 louvetiers ont parcouru 28 000 kilomètres sur plus de 2 000 heures de missions. Sachant qu’ils sont davantage sollicités en période hors chasse.

Et si les louvetiers ont pu être missionnés de nuit, c’est qu’ils disposent depuis deux ans d’un nouvel équipement. «Nous avons acquis une carabine à visée thermique qui nous permet de tirer de nuit. Après avoir reçu cette arme, un stage nous a été proposé pour 8 louvetiers en compagnie d’anciens commandos. Ils nous ont formés à son utilisation puisqu’un minimum de pratique est nécessaire. Il faut bien s’imaginer qu’une fois en intervention, de nuit, tout se fait au toucher. Il faut être assez à l’aise pour pouvoir régler l’arme sans y voir. Et puis, depuis le printemps de cette année, nous avons un partenariat avec la Légion étrangère. Des entraînements au tir de nuit avec la carabine sont proposés par des tireurs d’élite pour les 8 louvetiers habilités. Le but final est d’être assez à l’aise avec ce matériel technique pour que le jour où le loup se présente nos chances de réussite soient au maximum. L’accueil de la Légion est très bon, ils ont tout fait pour nous mettre dans les conditions et nous prodiguer énormément de conseils», partage Olivier Esperce.

Toujours en binôme : soit deux louvetiers ensemble, soit un louvetier en compagnie d’un tireur habilité. «C’est une formation dispensée par l’OFB à quiconque est détenteur d’un permis de chasser. Beaucoup d’agriculteurs, qui sont chasseurs, ont fait cette formation. C’est ce qui s’est passé au mois de janvier lors de nos missions dans le Larzac. Les agriculteurs nous ont prêté main forte. Ils ont une connaissance du terrain que parfois nous n’avons pas, les reliefs, les abris, les points d’eau. Ce partenariat est extrêmement important pour nous et pour le monde agricole également, je pense. C’est grâce à eux que nous avons pu faire un roulement efficace lors des missions cet hiver», estime Olivier Esperce.

Jérémy Duprat

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