National | Par Didier Bouville

Tensions autour de la PAC au Parlement européen

L’après confinement n’est pas de tout repos au sein du Parlement européen. Des tensions seraient apparues dans les enceintes de Bruxelles et Strasbourg (1), notamment entre la Commission Agriculture et la Commission Environnement. En cause : la réforme de la PAC.

La Commission de l’Environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen (ComEnvi), présidée par l’ancien ministre de l’Environnement, Pascal Canfin (Renew-France), serait en froid avec la Commission de l’Agriculture et du développement durable (ComAgri), présidée par Norbert Lins (PPE, Allemagne). La pierre d’achoppement serait la réforme de la PAC qui doit tenir compte à la fois : 1) des conséquences du Covid-19 dans de nombreux aspects économiques, sociaux, environnementaux, en particulier pour assurer la souveraineté alimentaire ; 2) de la double stratégie de la Commission européenne (« Biodiversité » et « De la Ferme à la table ») ; 3) ainsi que de certains autres volets du Green Deal (Pacte Vert) souhaité par la présidente de la Commission, Ursula Van der Leyen, comme la loi sur le Climat et le plan d’actions en faveur de l’économie circulaire.

Accord équilibré à trouver

Concrètement, sur le fond, la ComAgri n’entend pas sacrifier la PAC sur l’autel des volets socio-économiques de l’agriculture. Elle veut trouver un accord équilibré entre contraintes environnementales et nécessité pour les agriculteurs européens de vivre de leur travail. Selon des sources bien informées, la rupture des discussions entre la ComAgri et la ComEnvi, sur l’initiative de cette dernière, serait intervenue au moment où s’engageaient des discussions plus approfondies sur les éléments de l’architecture verte et plus particulièrement sur le « contenu » de la conditionnalité des aides. Par ailleurs, les deux Commissions font l’objet de lutte de pouvoirs internes qui paraissent nuire à la bonne marche des débats. Ainsi, le groupe PPE (droite, centre-droit) se divise-t-il sur la stratégie à adopter en matière de révision de la PAC, certains de ses membres étaient accusés de ralentir la révision de la PAC. Au sein du groupe Renew (Centre), ce sont les nouveaux députés (élus en 2019) qui bousculeraient les anciens parlementaires à accélérer la cadence et les inciteraient à ne rien céder ou presque à la ComAgri.

Risque d’un vote incohérent ?

Cette rupture de dialogue entre les deux Commissions pourrait impacter le calendrier de la réforme. En effet, le premier cas de figure serait une reprise du dialogue entre les deux Commissions pour parvenir à un vote en séance plénière. Ici le risque serait grand de voir de nombreux amendements être déposés et aboutir à un engorgement et donc à un ralentissement du vote. De plus, peu de députés maîtrisent correctement les subtilités des règlements. En effet, le Parlement européen a été renouvelé à plus 60 % en 2019. « Pire, il pourrait y avoir un vote incohérent et déséquilibré au profit du lobby environnemental et au détriment des agriculteurs », note un expert du Parlement souhaitant rester anonyme. Le second cas de figure pourrait prévoir un retour en Commissions. Les négociations, très formelles, reprendraient, sans garantie de succès, avec le risque d’un décalage important du calendrier et la nécessité de mettre en place une période de transition. La première lecture du texte devait s’achever fin juin 2020. Une plénière pourrait être prévue en octobre prochain. A noter que les travaux sur la PAC de l’après-2020 ont débuté avec la présidence néerlandaise du Conseil lors d’une réunion informelle organisée… en mai 2016.

(1) C’est à Strasbourg que se situe le siège officiel du Parlement européen et c’est dans cette ville que se déroulent la plupart des séances plénières. Les commissions parlementaires se réunissent à Bruxelles. Le secrétariat du Parlement (son personnel) est officiellement basé à Luxembourg.

PAC : une période transitoire de deux ans

Les représentants du Parlement européen et de la Commission européenne se sont mis d’accord, le 30 juin pour instaurer une période de transition de deux ans à partir du 1er janvier 2021 avant d’appliquer la future PAC 2021-2027. Les règles de la PAC 2015-2020 continueront donc à s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2022 et cette période serait en partie financée sur les fonds financiers de la future PAC. Le budget de la PAC 2021-2027 devrait donc être revu et mis à jour. La Commission qui détient le monopole d’initiative en termes de législation européenne et qui s’affiche comme la gardienne des Traités, entendait pourtant réduire cette transition à un an.

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